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FANTASMES MEURTRIERS

Les bombes humaines proviennent du monde de la "transposition psychique"

 

Par Bret Stephens, rédacteur en chef du Jerusalem Post

Article paru le 11 février 2004 dans le Wall Street Journal

Traduit par Albert Soued – www.chez.com/soued, le site des symboles et des rêves

 

En Israël où je vis et où je travaille, les bombes humaines sont généralement décodées par la presse étrangère comme étant des actes de désespoir d'un peuple qui a perdu toute foi en un avenir meilleur. "Améliorez le sort matériel des Palestiniens, mettez fin à l'occupation et la terreur sera privée de son humus" telle est la pensée du moment.

Telles sont les idées "convenables" qui excusent des meurtres massifs et répétés comme étant les gestes de gens dont on a volé l'orgueil, les biens et le patrimoine. Est-ce vrai?

Et si les attentats suicide n'étaient pas des actes de désespoir, mais tout simplement l'inverse: la démonstration extrême du mépris des valeurs occidentales et en particulier de la vie elle-même? Et si les bombes humaines n'étaient pas les F16 du pauvre, mais la solide expression d'une assurance, voulant dire que les Palestiniens sont infiniment plus impitoyables que les Israéliens dans un jeu où il n'y a ni vainqueur ni vaincu?

L'auteur Lee Harris pense qu'aujourd'hui il faut se poser ce genre de questions, et pas seulement à propos des conflits au Moyen Orient. Dans son livre "la civilisation et ses ennemis", il défend la thèse, souvent avec brio, que pour comprendre son ennemi, il faut se mettre dans sa peau, et pas l'inverse.

 

Prenez l'exemple du 11 septembre 2001. De Noam Shomski à George W Bush, tout le monde a accepté l'idée que les attaques étaient des actes de guerre, même s'il y avait désaccord sur les buts politiques poursuivis. Lee Harris adopte un point de vue différent: "lors de cette journée nous avons assisté à une étonnante pièce de théâtre".

Les objectifs ont été choisis non pas pour leur intérêt militaire (cf l'attaque japonaise de Pearl Harbour), mais parce qu'ils représentaient des symboles de la puissance américaine telle qu'elle est communément perçue par la rue arabe. C'était les "accessoires géants" d'un spectacle grandiose, dans lequel on ranimait brutalement les fantasmes collectifs des musulmans radicaux. En d'autres termes, cette journée était une "représentation" qui devait envoyer un message, non pas au peuple américain, mais au monde arabe. Ce point de vue explique pourquoi les Etats-Unis n'ont pas été submergés après coup par une série d'attaques à petite échelle. En effet, de petites attaques successives auraient été plus faciles à mener et auraient pu avoir un effet plus déstabilisateur sur l'économie américaine. Mais elles auraient manqué d'effet, de prestige et de fascination, le fonds de commerce d'Osama Ben Laden. De plus, elles auraient mis celui-ci au niveau d'un "vulgaire terroriste".

Cet objectif de frapper l'imaginaire du peuple n'est pas très différent de celui de prédécesseurs de Ben Laden, tels qu'Hitler ou Mussolini et que Lee Harris appelle "idéologie du fantasme". L'essence de cette idéologie n'est pas une transposition psychique banale (ex. l'Italie fasciste comme réincarnation de la Rome ancienne), mais la conviction que tout acte de transposition psychique ou "de faire croire" suffit pour transformer le monde lui-même, si on peut persuader suffisamment de gens de jouer un rôle dans le drame universel proposé. Ces idéologues du fantasme sont "les ennemis de la civilisation". Ce ne sont pas des ennemis ordinaires qui se battent pour une terre, pour l'honneur ou pour un butin. En contraste, ces tenants du fantasme et de la transposition psychique n'ont qu'un lien ténu avec le monde réel. Ils peuvent conquérir un territoire pour assouvir leur fantasme, mais ce n'est qu'un moyen, un rouage qui ne joue qu'un simple rôle sur la scène de leur imaginaire.

Paradoxalement, c'est l'absence même du sens des réalités qui fait que ces idéologues du fantasme sont dangereux, car ils sont prêts à prendre des risques énormes pour que l'ensemble des rouages de la pièce fantastique se mettent en place. Il faut se rappeler la folle marche du Rhin d'Hitler en 1936, irréelle, mais qui a réussi parce que le haut commandement français était fasciné et n'a pas voulu démystifier le fantasme d'invincibilité du Furhrer, entraînant, bien sûr, les conséquences catastrophiques que l'on sait.

 

Il faut tirer des leçons de l'histoire. Si vous pensez que le mouvement national palestinien dirigé par Yasser Arafat cherche seulement à former un état en Cisjordanie et à Gaza, alors la réponse est que les Israéliens doivent les encourager à le créer. Si cependant vous êtes de ceux qui pensez que les Palestiniens sont la proie d'une idéologie du fantasme, agissant comme avant-garde d'une contre-attaque d'envergure de l'Islam contre un état "croisé" du Dernier Jour, alors leur donner un état c'est comme laisser Hitler marcher vers le Rhin, c'est perpétuer un fantasme qui ne mérite que de disparaître.

 

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