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LE CONFORMISTE,
LE MILITANT ET L'ANTISEMITE
Par Joël Rubinfeld, président de
l'Atlantis Institute
Paru dans Yediot Aharonot le 19.09.2006
La version
anglaise de ce texte est disponible sur le site du quotidien israélien Yediot Aharonot
L’antisémitisme,
abhorré en Occident, est-il moins condamnable s’il vient d’Orient? C’est la
question que l’on peut se poser en regardant un journal télévisé ou en
feuilletant la plupart des quotidiens européens, et n’y point déceler
l’idéologie antisémite qui, par-delà le différend territorial israélo-arabe,
conditionne les agissements du Hezbollah et du Hamas.
Il existe, certes, des journalistes qui appellent un chat un chat – en
l’occurrence un terroriste, un terroriste – et dénoncent l’antisémitisme qui
exalte les islamistes du Proche-Orient, mais nombre de leurs confrères y ont
renoncé pour plutôt recourir aux épithètes “militants” et “mouvement
politique”, voire “résistants” et “organisation sociale”. Il est vrai que les Hitlerjugend
avaient, eux aussi, une fonction sociale.
L’analogie est pertinente: bien plus que les crânes rasés que l’on
dénombre ici et là, en Europe ou aux Etats-Unis, ce sont les barbus
palestiniens et libanais – ces hommes que l’on voit arborer fièrement le salut nazi
lors des défilés militaires à Gaza ou au Liban – qui, aujourd’hui, incarnent la
relève du Troisième Reich. Et la guerre qu’ils mènent contre Israël est une
guerre antisémite: d’une part, contre les seuls juifs Israéliens
(20% des citoyens israéliens ne sont pas de confession juive) et, d’autre part,
contre tous les Juifs du monde.
Une accusation d’une telle gravité ne pouvant être portée à la légère,
écoutons ce que le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, réputé pour faire ce
qu’il dit et dire ce qu’il fait, nous en dit.
Le 19 juillet 2006, une Katyoucha s’abat sur Nazareth, tuant deux frères
de 3 et 7 ans, Ravia et Mahmoud Taluzi. Le lendemain, sur Al
Jazeera, Nasrallah présente ses excuses à la famille des deux
gamins israéliens. Non pas qu’il ait, subitement, été pris de remords à la vue
des images des dizaines de vies anéanties par ses missiles, mais bien parce que
Ravia et Mahmoud n’étaient pas juifs! Le leader islamiste nous donne ici une
application contemporaine du tri qui, durant la seconde guerre mondiale, était
fait à l’école entre d’autres gamins qui, culotte baissée, devaient témoigner
de leur aryanité pour avoir la vie sauve. Pour Nasrallah, comme pour Hitler,
seuls les enfants juifs doivent mourir.
Autre lubie commune aux deux hommes: tous les Juifs doivent mourir. Les
propos tenus en 2002 par Hassan Nasrallah sont, à cet égard, on ne peut plus
explicites: “S’ils [les Juifs] se rassemblent
tous en Israël, cela nous épargnera la tâche d’aller les chercher de par le
monde” (1).
Cela ne l’a pas empêché, dans l’attente d’une hypothétique immigration massive,
de déjà mettre la main à la pâte en 1994, lorsque les terroristes du Hezbollah
firent sauter le centre communautaire juif de Buenos Aires, tuant 87 personnes.
On retrouve les mêmes ingrédients dans la charte du Hamas, parti, faut-il
le rappeler, au pouvoir en Palestine: “Avec leur argent, ils
[les Juifs] ont mis la main
sur les médias du monde entier (…). Avec leur argent, ils ont soulevé des
révolutions dans plusieurs parties du monde (…). Ils sont derrière la Révolution
française, la Révolution communiste et toutes les révolutions dont nous avons
entendu parler. Avec leur argent, ils ont mis sur pied des sociétés secrètes
comme les francs-maçons, les clubs Rotary, Lion’s et autres dans différentes
parties du monde afin de saboter les sociétés (…). Avec leur argent, ils sont
parvenus à contrôler les pays impérialistes et à les pousser à coloniser de
nombreux pays pour exploiter leurs ressources et y propager la corruption.
(…) Il n'existe aucune guerre dans n'importe quelle partie du monde dont ils
ne soient les instigateurs” (2).
Cette rhétorique de sinistre mémoire n’est guère connue du grand public
qui, à n’en pas douter, s’offusquerait de tels propos et verrait probablement
d’un autre œil le conflit qui oppose Tsahal aux fils spirituels d’Adolf Hitler.
Alors pourquoi ce mutisme de la part de médias qui n’hésitent pas à donner de
la voix lorsqu’il s’agit de porter la critique contre Israël?
En soi, critiquer la politique israélienne n’est assurément condamnable
ni juridiquement ni moralement. Ce qui pose question, c’est le traitement
d’exception, la singularisation dont fait l’objet l’Etat juif. Car, bon sang,
comment expliquer qu’une nation qui s’étend sur 0,0001 % des terres émergées
du globe, dont le nombre d’habitants correspond au millième de la population
mondiale, et que l’on retrouve, d’après le dernier rapport annuel de Freedom
House (3), dans le haut du panier des Etats démocratiques, fasse
l’objet d’une telle focalisation médiatique, tandis que le Darfour – mais
on pourrait aussi parler du Tibet, de la Tchétchénie, de la Birmanie ou du
sort des Kurdes de Syrie –, théâtre depuis 3 ans de 10 “Qana” quotidiens,
brille par son absence cathodique?
À cela, plusieurs explications.
La première: le militantisme. Une
profusion de motifs idéologiques anime certains journalistes qui, sensibilisés
à juste titre par les conditions misérables des populations du Proche-Orient,
ont cru bon d’opter pour le camp des ennemis d’Israël, symbole à leurs yeux
du néo-colonialisme et de l’impérialisme (difficile à comprendre lorsque l’on
connaît la superficie d’Israël – égale à celle de la Picardie française ou
de la Wallonie belge – face à un bloc arabe 676 fois plus vaste). Pour ces
professionnels de l’information, prendre part au combat justifie que l’on
passe sous silence ou que l’on travestisse un certain nombre de vérités dérangeantes.
La mort de Mohammed Al-Dura en est un exemple; les “fauxtographies” (4)
de Reuters et de l’Associated Press en sont les derniers avatars.
Deuxième explication: l’antisémitisme. Pour d’autres, l’antisionisme est l’inespéré
cache-sexe d’un antisémitisme inavouable. À l’heure où cette forme de racisme
est prohibée dans nos contrées, ceux-ci ont substitué l’Etat à l’individu. Bien
entendu, ils démentiront avec force de telles allégations et, paradoxe ou
alibi, il ne sera pas rare de les voir s’épancher, la larme à l’œil, sur le
sort des victimes de la Shoah. Mais l’idée même de voir les enfants de ceux qui
en ont réchappé se défendre, l’arme à la main, contre ce même projet
génocidaire leur est insupportable. Une vieille boutade fait dire à
l’antisémite qu’il n’en est pas un car il a un ami juif. L’antisémite
contemporain, lui, a six millions d’amis juifs.
Troisième explication: le conformisme. Par facilité, ignorance ou couardise, nombre de
journalistes, sans partager en aucune manière l’engagement des premiers ou les
passions malsaines des seconds, se contentent de suivre docilement le chemin
tracé par les “bergers”.
Ces trois attitudes sont condamnables mais, s’il peut paraître illusoire
de raisonner les militants et les antisémites, il n’est pas inutile de bousculer
les conformistes. Ici, il convient de les rappeler à l’ordre, de faire appel
à leur conscience, d’invoquer la déontologie. Ou, plus simplement, de les
inviter à taper “charte du Hamas” sur Google afin de ne plus,
tout comme Monsieur Jourdain,
faire du Al Manar (5) sans le savoir.
Notes
(1) Badih
Chayban, “Nasrallah alleges
‘Christian Zionist’ plot”, The Daily Star, 23 octobre 2002.
(2) Extraits
de l’article 22 de la charte du Hamas.
(3) “Freedom in the World”, Freedom House, 2006.
(4) “Fauxtography”, Little Green Football.
(5) Al
Manar est la chaîne télévisée et le principal organe de propagande
du Hezbollah.