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Jérusalem n’était pas le centre cultuel des disciples du
Prophète Mahomet
Par Ahmed Mohammed Arafa, chroniqueur de l’hebdomadaire égyptien Al-Qahira, publié par le ministère égyptien de la culture
Traduit et publié par Memri - n° 583
Le 5 août 2003, Ahmed Mohammed Arafa, chroniqueur de
l’hebdomadaire égyptien Al-Qahira, publié par le ministère égyptien de la
culture, écrit un article rejetant la doctrine islamique selon laquelle le
célèbre « Voyage nocturne » du Prophète Mahomet (Coran 17 : 1) l’aurait conduit de la
Mecque à Jérusalem. Arafa, présentant une nouvelle analyse du texte coranique,
affirme que le Voyage nocturne de la sourate Al-Isra (c.-à-d. « la sourate
du Voyage nocturne ») dans le Coran ne fait pas référence au voyage miraculeux
de la Mecque à Jérusalem, mais à l’émigration du Prophète (Hégire) de la Mecque
à Médine. (1)
Deux semaines plus tard, Arafa publie un autre article (2)
dans le même hebdomadaire, remettant en question la sainteté de Jérusalem dans
l’islam. En voici quelques extraits :
Le changement de qibla (direction de prière) signifie que
Jérusalem a perdu son statut dans l’islam.
« (…) La Palestine a été conquise [par les musulmans]
en l’an 17 de l’Hégire [en 638 ap. J.C.] à l’époque d’Oumar Ibn Al-Khattab, où
les gens [en Palestine] commençaient [tout juste] à adopter l’islam. Comment
aurait-il pu exister une mosquée en Palestine à l’époque du Prophète [c.-à-d.
avant que la Palestine ne soit conquise par l’islam], même une mosquée du nom
de ‘la plus lointaine’ [al-aqsa en arabe] ? (…)
Et donc, la mosquée connue aujourd’hui sous le nom de
‘mosquée Al-Aqsa’ n’est pas celle à laquelle se réfèrent ces paroles du
Coran : ‘De la mosquée Al-Haram [de la Mecque] jusqu’à la plus lointaine
mosquée (al-aqsa)’. Il est vrai que le Prophète, conformément aux instructions
d’Allah, s’est tourné vers Iliya [Aelia] pour prier – le nom que portait
Jérusalem à cette époque - pendant 17 mois, puis, toujours conformément aux
instructions d’Allah, s’est tourné vers la mosquée Al-Haram de la Mecque pour
prier. Aelia était le centre cultuel des Juifs, et l’est encore aujourd’hui.
Cela signifie que, pendant un certain temps, le Prophète priait dans la même
direction qu’eux, mais a ensuite opté pour une autre qibla [direction de
prière] (…)
Ce changement de qibla, de Jérusalem vers la mosquée
Al-Haram [à la Mecque] signifie que Jérusalem a cessé d’être le centre cultuel
des disciples de Mahomet et ne méritait plus d’être considérée par les
musulmans comme supérieure à toutes les autres villes historiques du domaine
islamique. Si [ce changement de qibla] n’est pas compris de cette façon, alors
il n’a aucun sens (…) »
La mosquée Al-Aqsa a été érigée dans un contexte de rivalité
politique.
« Quand Abd El-Malik Ibn Marwan est devenu calife,
époque où [son rival] Ibn Al-Zubayr contrôlait Hijaz, il craignait que le
peuple ne s’attache à Ibn Al-Zubayr au moment du pèlerinage de [la Mecque], du
fait que le peuple ne pourrait entrer à Médine et à la Mecque qu’avec son
autorisation. Et si Ibn Al-Zubayr leur accordait l’hospitalité (…), il
gagnerait l’allégeance de nombreuses personnes (…)
C’est pourquoi Abd El-Malik empêcha la population de faire
le pèlerinage jusqu’à [la défaite d’Ibn Al-Zubayr et] la fin de la guerre. Abd
El-Malik entreprit [alors] d’ériger une grande mosquée à Jérusalem, la qibla
d’origine. C’est à partir de ce moment que les dépositaires de la tradition se
sont mis à prôner la signification religieuse de cette mosquée et à en faire
‘la troisième mosquée la plus sainte après les deux saintes mosquées [de la
Mecque et Médine]’ (3) (…)
La nouvelle mosquée [à Jérusalem] a d’abord été appelée ‘la
mosquée d’Aelia’ ; des traditions prophétiques mentionnant sont nom
naquirent [afin de lui apporter une signification religieuse.] Puis le nom d’
‘Al-Aqsa’ a été usurpé [à la mosquée de Médine] pour lui être assigné parce
qu’elle [la mosquée d’Aelia] était alors la mosquée la plus éloignée de la
Mecque et de Médine. On prétendit que l’expression coranique ‘la plus lointaine
mosquée’ faisait référence à [la mosquée d’Aelia], vu que la mosquée du
Prophète [à Médine] n’était ni ‘éloignée’, ni ‘la plus éloignée’ pour les gens
de Médine (…) (4)
En somme, la construction de la mosquée de Jérusalem, connue
sous le nom de Mosquée Al-Aqsa, ne débuta qu’en l’an 66 de l’Hégire, à l’époque
d’Abd El-Malik Ibn Marwan, et s’acheva en l’an 76 de l’Hégire. L’affiliation
religieuse des musulmans à Jérusalem prit fin avec le changement de qibla qui,
de Jérusalem, devint la Mecque. A l’époque où Abd El-Malik Ibn Marwan empêcha la
population syrienne et irakienne de faire le pèlerinage - époque qui s’étendit
sur plusieurs années -, afin que celle-ci ne s’attache pas à Ibn Al-Zubayr, et
entreprit de construire une grande mosquée à Aelia, des traditions religieuses
glorifiant cette [nouvelle] mosquée et le Dôme du Rocher ont vu le jour. Cette
mosquée portait à l’origine le nom de mosquée d’Aelia, avant que celui de la
mosquée de Médine, Al-Aqsa, ne lui fût attribué. Ce qui a facilité ce transfert
de nom est que les gens ne Médine n’appelaient pas [leur mosquée] ‘lointaine’
ou ‘la plus lointaine’, vu qu’[elle ne l’était pas] en termes géographiques (…)
Nous avons hérité de ces traditions [qui sanctifient Jérusalem] comme si elles
faisaient partie de la religion [musulmane]. »
(1)
Pour le précédent article d’Arafa, voir la Dépêche Spéciale 564 de MEMRI
(2)
Al-Qahira (Egypte), le 19 août 2003
(3)
L’auteur reprend une théorie élaborée par I. Goldziher en 1890 (Voir
Muhammedanische Studien, II, pp.35-37 ; pour la traduction en
anglais : Muslim Studies II, pp. 44-45), selon laquelle en érigeant le
Dôme du Rocher et la mosquée d’Al-Aqsa, Abd El-Malik cherchait à détourner le
pèlerinage de la Mecque au profit de Jérusalem dans le cadre de sa campagne
contre Ibn Al-Zubayr. Cette théorie, largement acceptée à l’époque, fut
incorporée à des manuels scolaires d’histoire islamique. Il convient toutefois
de noter qu’elle a été réexaminée et réfutée par S.D. Goitein (voir « La
sainteté de Jérusalem et de la Palestine dans l’islam primitif », dans Studies
in Islamic History and Institutions, Leiden, 1966, pp. 135-137) et n’est plus
officielle aujourd’hui. Arafa introduit son article par une citation d’Al-Uns
al-jalil bi-ta’rikh al-qods wa’l-khalil, de Mujir al-Din Abd El-Rahman
al-Oulaymi al-Hanbali al-Maqdisi (810/1456-928/1522) selon laquelle le calife
omeyyade Abd El-Malik Ibn Marwan aurait décidé de construire le Dôme du Rocher
et la mosquée Al-Aqsa dans le but de détourner le pèlerinage de la Mecque –
contrôlée à l ‘époque par son rival Ibn Al-Zubayr - pour le diriger vers
Jérusalem, qui se trouvait sous son contrôle et proche de Damas, sa propre
capitale. Arafa précise qu’il a emprunté cette citation d’un article d’Ahmed
Uthman portant sur la controverse concernant les lieux saints de Jérusalem Awda
ila ‘l-khilaf ‘ala muqqadasat al-aqsa, al-ha’it wa’l-masjid, publié dans
Al-Sharq Al-Awsat, le 19 novembre 2000.
(4)
L’auteur explique qu’une fois que le nom « Al-Aqsa » fut attribuée à
la mosquée de Jérusalem, il fut également incorporé à diverses traditions,
propagées dans le but de prôner la valeur islamique de Jérusalem.