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Occident, Turquie, et Extinction des Chrétiens d’Orient

 

Par John Eibner

Titre d'origine: Turkey’s Christians Under Siege 

Adapté par France-Israël Marseille

http://fim13.over-blog.com - 6/6/11

Voir aussi la rubrique Chrétiens d'Orient et les 50 derniers articles 

 

 

Les populations chrétiennes reculent dramatiquement au Moyen-Orient, Israël excepté, car leur sécurité et leur avenir y sont parfaitement assurés. Elles subissent ici des pogroms de masse caractérisés (Irak, Égypte), là des harcèlements permanents (Territoires palestiniens, Égypte, Jordanie, etc..). Plus loin, au Nigéria, au Soudan ou au Pakistan, elles vivent des épisodes de razzia, de guerre civile ou de terreur quotidienne comme en atteste le terrible sort de la Pakistanaise Asia Bibi.

Cette paysanne, mère de 5 enfants, accusée de boire l’eau d’un puits réservé aux musulmans, a été jugée pour "blasphème" et condamnée à la pendaison.

Que ce soit en Égypte, en Irak, à Gaza, c'est toujours l'islam radical, l'islam extrémisé, qui persécute ou pogromise les minorités chrétiennes, conduisant une espèce d'immense nettoyage ethnique dans une fraction de la planète, le Dar al islam, déjà épuré de quasiment tous ses Juifs.

Dans ce processus, on évoquera ici la situation du christianisme en Turquie, pays censément plus "civilisé" et candidat à l'Union européenne.

Il y a exactement un an  -- le 3 juin 2010 -- le chef de l'Église catholique turque, l'évêque Luigi Padovese, dont la mission était d'améliorer les relations entre musulmans et chrétiens pour sauver l'existence de sa communauté, était assassiné chez lui, à Iskenderun, par son chauffeur et garde du corps Murat Altun. Le meurtre présentait toutes les caractéristiques de l'exécution islamiste: l'évêque fut poignardé, puis décapité au cri de "J'ai tué le Grand Satan. Allah Akhbar !"

Les autorités voulurent nier toute intention politique ou religieuse. Elles prétendirent immédiatement que l'évêque avait été victime d'un fou isolé. La TV turque annonça qu'il ne s'agissait pas d'un musulman, mais d'un converti au catholicisme. La police fit filtrer la rumeur que la victime était en fait un homosexuel, le meurtre venant en "légitime défense". Ces annonces sont caractéristiques de la justification des violences contre les minorités en terre d'islam, et elles sont invariables, qu'il s'agisse d'un paysan ou du chef d'une grande Église. D'ailleurs, ni Abdullah Gül, le président de la Turquie, ni Recep Tayyip Erdogan, le premier ministre, ne présentèrent de condoléances.

Ce qui est aussi important de noter, c'est que Washington et l'Europe enterrèrent aussi l'affaire qui eut du mal à franchir le barrage des média. La politique constante de l'Occident consiste à minorer ou à dissiper les informations relatives au comportement intérieur et international des Turcs. Il en a été ainsi du génocide des Arméniens, des violences permanentes envers les communautés chrétiennes et les villages kurdes, de l'invasion et de la colonisation d'une partie de Chypre, du nettoyage ethnique des Grecs chrétiens, ou du blocus de l'Arménie. Il préfère faire de la Turquie le principal partenaire de "l'Alliance des civilisations", un projet destiné à réfuter par des actes, le "Choc des civilisations" identifié par feu Samuel Huntington.

Dans l'affaire Padovese, faute d'appui des puissances occidentales, le Vatican dut éviter la confrontation avec la Turquie. Le pape prétexta un manque d'information et déclara ne pas vouloir mélanger cette tragique affaire avec la question du dialogue avec l'islam. Cepen-dant des chrétiens de Turquie n'acceptèrent pas que les circonstances du meurtre et les motifs de ses command-taires soient escamotés. Le successeur de Padovese, l'ar-chevêque de Smyrne, Ruggero Fransceschini, affirma que le pape avait été mal conseillé quand il avait nié les motifs politiques et religieux du crime, soulignant que le meurtrier n'était nullement un chrétien converti.

Les chrétiens sont victimes en Turquie d'un véritable programme d'extinction. Suite aux massacres d'Arméniens qui ont suivi la première guerre mondiale, les chrétiens ont presque disparu de Turquie au 20ème siècle. Il n'en reste plus que 70.000, sur une population de 77 millions. Le dernier grand pogrom frappait les Grecs d'Istanbul en 1955. Mais les violences à petite échelle contre des ecclésiastiques n'ont jamais cessé. Citons dans la période récente le meurtre d'un prêtre slovène à Iszmir en février 2006, l'assassinat au poignard six mois plus tard d'un curé de 76 ans à Trébizonde, accusé de donner de l'argent à de jeunes gens pour qu'ils visitent son église. En avril 2006, trois missionnaires étaient assassinés dans le local d'une maison d'édition spécialisée dans la publication de Bibles à Malatya, ville natale d'Ali Agsa qui tira naguère des balles dans le ventre du pape Jean-Paul II. Les trois victimes furent torturées avant d'être égorgées. En janvier 2007 c'était le tour du journaliste chrétien arménien Hrant Dink.

En juin 2010, Luigi Padovese représentait un défi pour les autorités turques. Il avait contribué notablement au synode sur la renaissance du christianisme au Moyen Orient. Les documents préparatoires avaient analysé les discriminations frappant les chrétiens dans le monde islamique et conclu que le respect des droits de l'homme et de la liberté religieuse étaient essentiels au bien-être de toute société. La coexistence harmonieuse entre mu-sulmans et chrétiens dépendait pour lui du respect de ces droits. Sous l'influence de Padovese, les chrétiens demandaient en fait le respect de la distinction entre la sphère religieuse et la société civile, et l'égalité entre les citoyens des différentes religions. C’était beaucoup avec le nouveau régime islamique.

Les autorités turques refusent encore de donner aux Églises un statut légal et poursuivent une politique de lent étranglement. Surtout, elles laissent se développer des sentiments antichrétiens dans la population. Dans "la Valée des Loup, film à succès, diffusé en 2006, les Chrétiens et les Juifs, répugnants, conspiraient et versaient le sang pour étendre "l'empire de leur Dieu". Désormais un tiers des Turcs ne veulent pas d'un chrétien comme voisin, la moitié ne veulent pas qu'ils puissent se réunir, ni qu'ils exercent des fonctions publiques, même dans le système de santé.