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CES ALLIÉS QUI ONT ENGENDRÉ NOS ENNEMIS

 

Par Farid Zakharia, journaliste araboaméricain (zakaria@newsweek.com) 

Newsweek oct 1, 2001

Traduction de l'américain par Albert Soued (www.chez.com/soued)

 

Un débat fait rage au sein de l'Administration Bush sur ce qu'il y a lieu de faire après avoir frappé l'Afghanistan. Certains sont en faveur d'une attaque implacable contre les réseaux terroristes d'el Qaeda. D'autres veulent élargir le conflit et anéantir l'Iraq, l'Iran et la Syrie qui abritent et aident ces réseaux. Mais qu'allons-nous  faire des pays qui sont à la source de ce nouveau fléau, l'Islam fondamentaliste qui engendre la terreur, je veux parler de nos deux fidèles alliés, l'Arabie et l'Egypte.

 

Si on observe la nationalité des terroristes qui se sont suicidés dans les avions américains, la plupart sont arabes saoudiens, égyptiens ou viennent des émirats du Golfe persique.

Ce n'est pas une simple coïncidence. Ces pays ont été dans le passé le terreau du terrorisme islamiste radical. On va certainement attaquer l'Afghanistan qui héberge Ben Laden, mais il faut remarquer qu'aucun Afghan n'a été directement impliqué  dans un attentat contre l'Occident! Depuis le début, on a assisté à une opération d'envergure purement "arabe", simplement dirigée à partir du territoire afghan.

Les relations étroites des terroristes avec l'Arabie saoudite sont édifiantes!

Le régime de Ryad a voulu asseoir sa légitimité dans la péninsule durant les dernières décennies en adoptant un Islam wahabite, rigide et puritain et en le diffusant dans tout le monde arabe. Il a construit  de très nombreuses mosquées et il a financé des missionnaires; il a construit des écoles coraniques à travers le monde qui prêchent un Islam dénué de nuances, un Islam opposé au monde environnant et à la modernité. Quand l'URSS envahit l'Afghanistan en 1979, l'Arabie a financé les "moujahidin" et a glorifié leur cause. Un écrivain élevé dans ce pays, Tarek Masoud, rappelle que son maître d'école disait que les meilleurs musulmans au monde étaient les afghans parce qu'ils combattaient les "infidèles". Le régime saoudien a essayé de détourner les questions que les citoyens pouvaient se poser à propos de ses méthodes de gouvernement, de son alliance avec les Etats-Unis, de la corruption de la cour, en aidant et en exaltant un fondamentalisme religieux sans concession.

Cette politique a entraîné un boomerang. Le rédacteur en chef du journal arabe de Londres Al Hayat rencontra Oussama ben Laden il y a six mois. Il apporta son témoignage en disant que les 200 aides et gardes du corps qui l'entouraient étaient tous des saoudiens! Dans un article du Spectator de Londres, Stephen Shwartz précise que depuis de nombreuses années chaque attentat terroriste majeur a été mené par un arabe wahabite. Ben Laden est un wahabite, comme tous les terroristes qui se sont suicidés en Israël avec leur bombe. Nos alliés Egyptiens qui ont applaudi le massacre des touristes suisses à Louxor sont des wahabites….De même que les terroristes algériens…De même que les guerillas du Cachemire etc…L'Arabie exporte deux produits dans le monde: pétrole et fanatisme religieux!

Le problème égyptien est plus familier. Nous avons affaire aujourd'hui à un état policier, réprimant tout écart politique ou social avec une extrême brutalité qu'aurait admiré feu Hafez al Assad! Toute information entrant ou sortant est censurée. Les intellectuels sont jetés en prison pour la moindre critique. Le résultat est une société en plein dysfonctionnement, un régime profondément honni et une opposition muselée qui devient de plus en plus extrémiste.

Voilà nos alliés modérés du Moyen Orient! Bien sûr, comparés aux barbares d'al Qaeda, ce sont des gouvernants prudents et modérés. Mais durant des décennies maintenant, les gouvernements de Ryad et du Caire ont refusé toute réforme économique et politique pour moderniser leur pays, avec des résultats désastreux. Rappelons que l'Arabie est le pays le plus riche de la région et l'Egypte le plus peuplé, ce qui fait qu'ils sont le point de mire des observateurs.

D'autres pays qu'on ne peut pas appeler "démocraties" ont choisi aussi une évolution lente de leur régime, la Jordanie, le Maroc, Oman, Qatar, mais sans tomber dans des choix politiques ou religieux extrêmes, incompatibles avec la modernité, et en laissant un espace de liberté à leur population.

On pourrait penser que l'Afrique est au bas du panier de la globalisation, mais le monde arabe est lui aussi en piètre forme, avec 65% de la population en dessous des 18 ans, une économie stagnante, et une culture politique rétrograde. Des milliers de jeunes desoeuvrés sombrent dans le radicalisme religieux et dans une doctrine qui leur fait miroiter un avenir meilleur sur les ruines de l'Occident. Mais la haine de ces déshérités était à l'origine dirigée contre leurs chefs.

La nébuleuse d'al Qaeda commença par réunir, après la guerre du Golfe, des groupes disparates en Algérie , en Egypte et en Arabie; ces groupes cherchaient simplement à renverser leur gouvernement despotique et corrompu. Quand ces objectifs n'ont pu être atteints, ces groupes ont décidé de s'attaquer à la puissance supposée être derrière ces régimes, les Etats-Unis.

Nous cherchons les racines du conflit actuel dans l'Islam et en avançant des théories de "choc des civilisations". Mais les racines pourraient bien être plus proches: c'est notre association avec des régimes arabes qui génèrent des oppositions violentes. Le président Bush a expliqué que la guerre contre le terrorisme serait menée sur plusieurs fronts. L'un de ces fronts devrait être une pression politique sur nos principaux alliés dans cette région pour qu'ils assèchent le flux intégriste qui envahit et prend en ôtage la culture arabe. Sinon la prophétie de Ben Laden se vérifiera: "tuez moi et des milliers de ben Laden naîtront à ma place!"

 

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