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LA SCHIZOPHRENIE DE LA SOCIETE ARABE
Par le Dr AbdelKhaleq Hussein, journaliste
réformiste Irakien
Titre d'origine en arabe: "la société arabe
et la schizophrénie"
Traduit en anglais par Memri et paru dans www.Memri.org le 22 juin 2006
Traduction française et adaptation par Albert
Soued, www.chez.com/soued/conf.htm
Selon l'auteur, les symptômes d'une société
schizophrénique sont les mêmes que ceux atteignant un individu. Pour lui, il
est urgent que les gouvernements arabes lancent des réformes sociales et
politiques qui mèneront progressivement vers une société démocratique. Si des
réformes ne sont pas mises en route, les sociétés arabes iront droit au
désastre et la démocratie naîtra de la violence, dans la douleur. Il appelle
les Arabes à accepter l'aide occidentale, notamment celle offerte par les
Etats-Unis. Cette aide leur permettra de s'intégrer plus facilement dans la
communauté internationale.
La question est de savoir si la voix réformiste
a encore quelque chance d'être entendue, devant l'offensive tous azimuts des
"intégristes schizophrènes", motivés par leur folie, et cherchant à
entraîner l'ensemble du monde musulman vers un destin sinistre.
Ci-après des extraits adaptés et parfois résumés
de l'article en question, venant de l'intérieur d'une société arabe, en voie de
réforme, dans la violence, l'Irak.
La schizophrénie est un désordre mental
caractéristique d'une personnalité divisée. Individuelle, elle peut s'étendre à
des groupes, des partis, des gouvernements, des sociétés entières. Ce terme est
utilisé dans les sciences sociales pour décrire une société affligée par une
"dualité" sévère dans sa conduite (la même chose et son contraire) et
dans ses normes morales (exemple: tuer et ne pas tuer, au même niveau moral)
(1).
Un spécialiste Irakien des sciences sociales Ali
al Wardi est le premier à avoir signalé ce désordre dans le peuple Irakien, le
désignant par l'expression "personnalité divisée". Selon sa théorie,
le peuple Irakien souffre du conflit entre les valeurs de ses origines
bédouines et les valeurs culturelles nouvellement acquises. A titre d'exemple,
un jeune Irakien choisit son épouse selon le mode occidental (flirt, lettres
d'amour, …) et, si sa sœur fait de même, il redevient "bédouin" et
devient capable de la tuer ainsi que son amant. Voici quelques exemples
illustrant ce désordre mental de la société arabe, notamment dans son groupe
islamique.
Folie des grandeurs
Tout schizophrène pense qu'il est unique et
exceptionnel, et que tout le monde lui doit le respect. Les Arabes pensent
qu'ils sont plus importants que les autres, et ils considèrent les autres
nations avec mépris. Ils ne reconnaissent que leur propre religion et ne
peuvent accepter de vivre en paix avec une autre religion (2). La foi musulmane
est la seule "vraie" et doit être adoptée par le monde entier, et
tout individu qui ne s'y plie pas est un infidèle. En dehors de l'Islam toute
autre religion est fausse, païenne, hérétique et doit être abandonnée. Sinon,
c'est la guerre, les hommes sont alors tués ou convertis de force, les femmes
violées et prises en otage, les enfants vendus sur le marché des esclaves, et
toute propriété est livrée au pillage ou séquestrée.
Et ceci ne concerne pas seulement les fois non
islamiques, mais aussi les "hérésies" de l'Islam, la shiah et le
soufisme, notamment pour les Salafi et les Wahabi.
Paranoïa
Un individu schizophrène pense que tout le monde
complote contre lui, même s'il n'y a aucune preuve tangible. Les Arabes sont
devenus les spécialistes des "théories du complot". Après chaque
désastre naturel ou non, le responsable est "le Croisé", l'"Occidental",
le "Sioniste" ou le "Mossad" et des journaux très sérieux
colportent ces théories de complot. Aucun effort n'est mené pour présenter
des thèses rationnelles ou proches de la réalité.
Un individu schizophrène pense que tout le monde
dit du mal de lui et il vit dans une tension constante due au doute et à la
suspicion, à l'égard même de gens proches. Il accuse même les médias et
notamment les émissions télévisées de le viser très personnellement.
La société arabe rejette les idées et les livres
occidentaux. Censure, saisie aux ports et aux aéroports, autodafés, hostilité
vis-à-vis des sciences, considérées comme une importation étrangère, intellectuels
persécutés, le plus faible taux de traductions…
Illusions somatiques
L'imagination du schizophrène est délirante,
comme celle de la société arabe qui croit être assiégée par des agents
étrangers ou par des ennemis de l'intérieur; les prisons sont pleines
d'opposants imaginaires ou d'agents "travaillant pour l'ennemi"…
Discours sans logique
Le délire du discours schizophrène est connu,
pas de lien entre les phrases, pas de finalité, désordre de la pensée. La
société arabe offre de plus en plus ce symptôme, y compris des universitaires,
des journalistes et des intellectuels. Leur discours n'a plus aucun sens
précis, vous écoutez et vous vous demandez "de quoi s'agit-il?"
et quand vous posez des questions, on vous répond que "vous n'êtes pas
capable de comprendre"…
De même l'utilisation du double langage est
souvent inconscient et provient d'une division de la personnalité et de la
dualité intérieure.
Perte de sentiment humain
Le terrorisme généralisé, la décapitation et la
mort d'innocents au vu et au su de tous n'émeut plus personne, sauf sheikh
Youssef al Qaradawi, non pour les raisons que vous croyez, mais parce que cela
porte atteinte à la réputation de l'Islam sur la scène internationale…
Les portes de l'"ijtihad"(effort sur
soi-même pour trouver des solutions rationnelles aux préceptes illogiques de
l'écriture sainte) ont été fermées il y a déjà plusieurs siècles. La société
arabe a été ainsi progressivement ramenée 14 siècles en arrière, et elle ne
peut plus jouir des progrès de l'humanité. Ou elle n'en a plus le désir…
Léthargie et inactivité
Les schizophrènes sombrent aisément dans la torpeur
et l'inactivité. La société arabe est fataliste, endormie et enregistre la
productivité la plus faible sur le plan mondial. Son goût pour la vie s'amenuise
et elle préfère la mort. Et c'est ce qu'on prêche dans les mosquées, la mort,
pour jouir du monde à venir….
Isolement
Le schizophrène vit isolé, détaché du monde qui
l'entoure et n'est pas intéressé par la compagnie d'amis… Dans la société
arabe, ceci est dû à une éducation biaisée dès la tendre enfance, où on enseigne
dans les écoles religieuses la haine de l'autre, qu'il faut éviter les
non-Musulmans, et même éviter de les toucher, car ils sont impurs…La culture
arabe d'aujourd'hui encourage la séparation du "croyant" de
l'"infidèle" et la haine de ce dernier. Le sheikh inspirateur de la
nouvelle doctrine IbnTaymiyya dit "si on est obligé de voir l'infidèle pour
des raisons médicales ou d'échange marchand ou d'études particulières, il faut
remplir d'abord son cœur d'hostilité à son égard…"
Paralysie mentale
Le schizophrène n'est pas conscient de son état
et se croit parfaitement sain. La société arabe vit dans l'inconscience des
risques qu'elle encourt, si elle poursuit son chemin dans la rétrogradation et
l'arriération. Elle ne discerne pas le mal qu'elle s'inflige en souhaitant
vivre selon les critères désuets des "pères fondateurs".
La société arabe est aujourd'hui incapable de discerner
entre le bien et le mal. Il suffit par exemple de recenser tous les massacres
perpétrés sans raison logique seulement depuis la fin de la dernière guerre
mondiale, en Algérie, en Syrie, au Liban, au Yémen, en Irak…et on ne parle
pas ici que de l'Islam dans le monde arabe.
Conclusion
Si les gouvernements arabes ne prennent pas
conscience du danger et ne font pas l'effort de commencer à réformer leur
société pour diriger le peuple vers la démocratie, l'histoire va les rattraper,
d'une façon violente et douloureuse.
Notes de la traduction
(1) Lors d'une récente interview de Palestiniens
de Gaza par une télévision française, interrogés sur l'heure d'une explosion
sur la plage, plusieurs témoins ont répété les mêmes expressions, en donnant
l'heure. Ils ne s'étaient pas concertés et ces expressions sont le signe d'une
mentalité duelle de cette société. Ils ont donné l'heure en employant deux
expressions opposées: d'abord le mot "bilzabth"(avec précision), puis
à la fin "taqribane" (à peu près).