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LES RELATIONS AMOUR-HAINE DE GADDAFI
AVEC LES ISLAMISTES DE LIBYE
Media Line, Editorial de journalistes du Jerusalem
Post du 9 mars 2008.
Traduction par Artus pour www.nuitdorient.com
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La guerre d'Afghanistan de 1979/88 est le symbole du
rejet islamique de toute influence étrangère sur le sol de l'Islam. C'était une
guerre entreprise pour chasser les communistes et instaurer la sharia'h comme
loi sur une terre musulmane depuis des siècles.
Du monde arabe, d'Afrique et d'ailleurs, des Musulmans
sont arrivés dans le pays, prêts à mourir dans leur lutte contre l'occupant
soviétique. La victoire des Musulmans contre une armée mieux équipée et mieux
entraînée, a contribué à leur redonner confiance -- notamment aux vétérans afghans – et
conviction que le temps était venu de mener un jihad
"global".
Les organisations jihadistes qui cherchaient à
installer la sharia'h ont alors commencé à fleurir. En 1988, Osama Ben Laden a
fondé une organisation grossièrement confédérée pour des opérations
terroristes, Al Qaeda. En 1995, le LIFG, groupe libyen islamique pour le combat
annonçait officiellement sa création. Bien qu'en exil, le LIFG a développé des
liens étroits avec al Qaeda. C'était normal, les 2 groupes étant principalement
constitués de vétérans afghans, qui ont combattu ensemble pendant les années
80.
En 2000, le LIFG est devenu un allié fondamental d'Al
Qaeda. En Novembre 2007, le chef du LIFG, Abou Layth al LIbbi annonçait sur
A-Sahab, média d'al Qaeda, que le LIFG allait faire allégeance à al Qaeda et
rejoindre celle-ci. David Hartwell commentateur de Jane's Country Risk explique
"Ce que recherchait le LIFG en rejoignant al Qaeda, c'est un
financement plus important, des armes et une expertise. Car 2 ou 3 ans auparavant,
le LIFG était un groupe en déclin et ne présentait pas de risque sérieux au
régime de Gaddafi et sans doute depuis le milieu des années 90. LIFG se battait
pour avoir un impact même en Libye"
Ce groupe avait été créé pour renverser le régime du
colonel Mouammar Gaddafi et recréer une nouvelle Libye islamisée, le jihad
global étant rejeté en arrière plan au profit des affaires intérieures
libyennes. Entre 1996 et 1998, le LIFG a essayé d'assassiner Gaddafi à
plusieurs reprises. Le colonel était lui-même lié au terrorisme puisqu'il a été
accusé à plusieurs reprises par l'Occident d'être mêlé à des attentats. Il
savait donc qu'il fallait se débarrasser du LIFG. La sécurité libyenne a sévi
d'une manière très violente contre ces jihadistes et l'infrastructure du LFG a
été démantelée. Quand ils n'étaient pas arrêtés ou exécutés, les membres du
groupe étaient obligés de fuir à l'étranger.
Il faut savoir que ces terroristes Libyens ont
représenté près de 20% des insurgés en Irak, après les Saoudiens dont le taux
était le double. En Libye, ils représentaient le taux le plus élevé de
terroristes par habitant, 20 pour un million d'habitants, selon le Combating
Terror Center de West Point. Comble de l'ironie, lui le grand sponsor de la
terreur, Gaddafi est devenu l'allié de l'administration Bush dans sa lutte
contre la terreur, après le 11/9. Pr Lisa Anderson, professeur de relations
Internationales à l'université de Columbia explique: "l'une des raisons
du renouveau des relations américano-libyennes était l'intérêt commun de
combattre la terreur"
Gaddafi a été remercié pour son attitude nouvelle à
l'égard du terrorisme, et les avoirs du
LIFG ont été gelés le 25/9/01, dans le monde entier…. Néanmoins comme
l'a rapporté Media Line le 25/02/08, une fondation créée par le fils Saif
Gaddafi, a engagé des pourparlers pour libérer 90 prisonniers du LIFG. "Gaddafi
n'a pas d'affection particulière pour l'extrémisme radical. En fait, il cherche
à calmer le jeu pour éviter une opposition violente à son régime. Il négocie la libération de terroristes
contre l'effacement de la scène politique des islamistes" prétend
Hartwell.
Mais une question reste en suspens: pour quelle raison
Gaddafi va-t-il libérer des terroristes qui ont cherché à le tuer et que
gagnera-t-il réellement ? "Il n'y a aucune réponse logique sur le plan
intérieur, à part le fait théâtral et médiatique pour exprimer la frustration
du peuple Libyen à l'égard de la puissante Amérique", suggère
Anderson. Hartwell répond "Il serait faux de prétendre qu'une libération
éventuelle serait une erreur de sa part. De même il ne faut pas croire que Gaddafi
revient à ses anciens démons de soutien de la terreur internationale. S'il
pensait que les prisonniers libérés seraient une menace pour lui, il ne les
libèrerait pas"
Mohamed Ali Abdallah, un membre du parti d'opposition
en exil, le Front National du Salut de la Libye, pense qu'il s'agit d'un
paradoxe. "Ces 2 dernières années, Gaddafi a essayé de prendre du champ
par rapport à son passé, cherchant à donner le change et une image légère de
son régime. Il s'est trouvé coincé dans une conduite incohérente. D'un côté, il
appelle "terroristes", les jihadistes emprisonnés, d'un autre, il
négocie avec un de leurs chefs pour les libérer. C'est schizophrénique"
dit Abdallah.
"Egal à lui-même, Gaddafi agira selon son
intérêt, et il se rend compte que les Américains tardent à envoyer un
ambassadeur en Libye", pense Anderson.
Avec ses réserves de pétrole, son rejet récent de la terreur
et une perspective anti-jihad, Gaddafi a gagné un peu de respectabilité en
Occident. Cependant ses motifs profonds et son attitude n'ont pas changé, il
reste toujours un révolutionnaire pan-Africain, pan-Islamique et
anti-Occidental.
Note de www.nuitdorient.com
Cet article est l'exemple-type d'un mode de pensée
occidental vis-à-vis du Moyen Orient. Gaddafi a changé de tactique dans sa
lutte contre l'Occident. Au lieu de terroriser les populations occidentales par
des attentats médiatiques (bombes dans des avions, bombe nucléaire en
préparation…), il préconise la pose de bombettes dans des poussettes d'enfant,
pour faire le maximum de dégâts localement, dans un marché par exemple.
L'attentat-suicide semble le séduire aujourd'hui. Le côté médiatique est devenu
pacifique, comme planter une tente chez le 1er ministre français. Mais son objectif reste le
même.
Mais pourquoi libérer ses propres terroristes? Il
s'agit d'une manœuvre de son fils Saif qui sent que le pouvoir lui échappe au
profit d'un frère cadet… Ne serait-il pas parti en Irak, à la tête d'un
bataillon de Libyens et le père Gaddafi
ne l'a-t-il pas laissé faire pour se débarrasser de lui et de ses terroristes ?
D'une façon générale tous les dirigeants arabes,
autoritaires et non islamistes, utilisent les forces islamistes, qu'elles
soient violentes ou pas, comme épouvantail vis-à-vis de leur population et de
l'Occident et comme auxiliaire, quand une opposition libérale montre le nez.
Dans ce jeu, il se trouve que parfois les islamistes viennent au pouvoir, quand
les élections sont "démocratiques".
Albert Soued pour www.nuitdorient.com