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La Libye et les Juifs

 

Par Alex Joffe, chercheur à l'Institut de recherche sur le Judaïsme et la Communauté

Article paru en anglais sur www.jewishideasdaily.com -4/9/11

Traduit et adapté par Albert Soued, http://soued.chez.com   pour www.nuitdorient.com

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Il y a des raisons pour lesquelles les Juifs peuvent être satisfaits de la chute de Moamar Gaddhafi: un homme "bizarre" et dangereux, ennemi de l'Occident et d'Israël, sur le point d'être défait, et le peuple libyen au seuil d'une possible liberté. Mais comme en Egypte (ou ailleurs), le "printemps arabe" ressemble à une bénédiction mêlée de malédiction. Un test sera la manière avec laquelle le nouveau gouvernement se conduira avec Israël et les Juifs.

 

Sur le plan historique, la Libye est un lieu de conquête et de révolte. Les Juifs y débarquèrent bien avant les Arabes et l'Islam. Ptolémée I a installé des Juifs en Libye en -312 et une masse de juifs y arriva 150 ans plus tard. Aussi bien en Cyrénaïque (est) qu'en Tripolitaine (ouest) les Juifs devinrent soit des fermiers, des artisans, soit des citadins aristocrates. Quand les Romains, puis les Chrétiens, puis les Arabes et l'Islam envahirent l'Afrique du Nord et la Libye, les Juifs restèrent sur place. Avec l'Islam il semble que les Juifs de la côte se réfugièrent vers l'intérieur et leur nombre augmenta avec l'arrivée des réfugiés d'Espagne et d'Italie. Ils ont souffert ou ont prospéré sous les divers jougs de l'islam. La conquête du pays par les Italiens en 1911 devait apporter aux Juifs l'égalité des droits, mais ces droits disparurent avec l'alliance ultérieure de l'Italie avec l'Allemagne et l'imposition des lois raciales de 1938. Lors de la 2ème guerre mondiale, les Italiens et les Anglais contrôlent le pays à tour de rôle, selon les succès militaires, la situation des Juifs s'améliorant avec les Anglais. Des milliers de Juifs ont été déportés pour des travaux forcés ou dans des camps d'internement dans le désert.

Fin 1942, les Anglais ont libéré le pays, avec comme résultat une nouvelle phase de persécutions, avec la disparition de la communauté. En 1945, des pogroms menés par musulmans ont tué des centaines de Juifs et détruit leurs foyers, magasins et synagogues. Les Anglais n'ont pas bronché. A la veille de l'indépendance libyenne en 1951, le 1er ministre Mahmoud Mountasser a été franc: il ne voyait aucun avenir pour les Juifs dans son pays.

Entre 1949 et 1951, 30 000 Juifs libyens ont été obligés de partir, laissant tous leurs biens. Avec la montée du nationalisme arabe et l'état de guerre permanente, les reste des 80 000 Juifs libyens ont été déchus de leurs droits, sans passeport, sans autorisation d'aller en Israël, ni possibilité d'être fonctionnaire. Les écoles et centres communautaires juifs ont été fermés. En 1961,le gouvernement séquestra les biens de ceux qui quittaient le pays et interdit toute licence de commerce aux Juifs. La guerre de 6 jours entraîna de nouveaux pogroms et l'expulsion des derniers juifs du pays.

 

Comme dans tous les pays arabes, ce "1er printemps libyen", qui apporta l'indépendance au pays, a été une saison triste qui raconte une histoire familière. Mais l'arrivée soudaine de Gaddhafi au pouvoir est aussi une histoire familière. L'histoire officielle est qu'issu d'une petite tribu berbère arabisée, il a été élevé sous une tente. Comme pour tous les hommes de tribus modestes, il trouva les chemins du pouvoir à travers l'armée. Et comme pour les autres hommes venant de milieux modestes qui prirent le pouvoir au Moyen Orient, en pleine ère nationaliste, comme en Irak et en Syrie, Gaddhafi a trouvé dans sa démagogie, un bouc émissaire commode, Israël et les Juifs. Inspiré par Nasser et comme tous les autres dirigeants arabes qui ont considéré les défaites de 1948 et 1967 comme des humiliations épiques, Gaddhafi, pour restaurer l'honneur arabe, a transformé sa société en état policier, où sa propre tribu avait le pouvoir total. Son coup d'état de 1969 n'était que de la routine dans la région.

 

Mais Gaddhafi se distinguait des autres tyrans, car il s'est pris pour "un révolutionnaire mystique". Au début sa philosophie était une sorte se socialisme islamique, puis il évolua lentement du nationalisme arabe, vers l'islamisme, puis vers l'"africanisme". Il choisissait ses ennemis d'une façon éclectique. D'abord c'était Anwar el Sadat, puis Hassan le roi du Maroc. Quand l'Olp commença à négocier avec Israël en 1995, il expulsa de son pays des milliers de travailleurs palestiniens. Il mena des guerres frontalières avec le Tchad, la Tunisie, l'Algérie, le Niger. Il soutenait la terreur selon son humeur. Ses agents ont visé des soldats américains en Allemagne, aidé l'IRA, tué un policier britannique à Londres, explosé un avion de la Panam au dessus de l'Ecosse. Bien que se chamaillant avec Arafat, il finança l'Olp, lui expédiant des millions $ chaque année. Son attitude à l'égard du conflit arabo-israélien évolua. Dans un éditorial du New York Times en 2009, il préconise un seul état palestinien qu'il appelle "Isratine", avec le droit de retour des Palestiniens, détruisant du même coup un état juif. (1)

Gaddhafi apparaissait de plus en plus comme un "méchant" de bande dessinée, les cheveux en désordre, l'uniforme flamboyant, des amazones pour le protéger et des monologues sans fin. Mais personne ne faisait attention à ce dictateur mégalomane et narcissique. C'est la conséquence des effets sur l'Occidental bien éduqué du pouvoir du pétrole, de la menace terroriste, de la fascination du théâtre politique et des méandres orientaux.

 

Avec ce régime sur le départ, certains ont beaucoup d'espoir que la démocratie s'installe en Libye. On parle d'invitation d'ex dirigeants Juifs libyens par le pouvoir intérimaire à participer à la renaissance du pays, certains hommes d'affaires juifs parlant de reconnaissance d'Israël par le nouveau pouvoir. Mais l'importance du rôle des islamistes dans cette rébellion augure mal de l'avenir et il  n'y a aucun signe prometteur des nouveaux dirigeants montrant réellement qu'ils sont plus enclins que Gaddhafi à accepter les Juifs et Israël. On commence seulement à raconter des histoires sur une supposée "grand mère juive" du dictateur.

 

La Libye aborde une ère nouvelle. Pendant des mois, les armes stockées par Gaddhafi ont été volées et des voitures libyennes les ont emportées en Egypte, au Sinaï et à Gaza. Le sort de ces armes lourdes et non conventionnelles est incertain.

D'autres signes incitent au pessimisme. Les militaires en Egypte apparaissent de plus en plus enclins à l'islamisme, les Frères Musulmans et les autres groupes musulmans devenant plus hardis dans leurs exigences. Il en est de même en Tunisie, lieu de naissance de ce "printemps arabe". Les islamistes attendent dans l'ombre ailleurs en Algérie, au Maroc, en Jordanie, en Syrie. Ce "printemps arabe" semble porter les germes de saisons froides et amères. Amertume surtout si on devait regretter Gaddhafi, le diable que nous avons connu.

 

Note de www.nuitdorient.com

(1) 2 textes de 2004

 

Des Juifs originaires de Libye reçus par Kadhafi

JPost - 10 octobre 2004  

 

Une délégation de Juifs italiens sont partis dimanche pour Tripoli. Ils doivent rencontrer le Président Mouammar Kadhafi. Il y a six mois, la Libye a assuré qu’elle indemniserait les Juifs qui avaient dû quitter le pays suite à la guerre des six jours.
La délégation comprend Chmouel Zarouk, le Président de la communauté juive de Livourne, Chalom Teshuva, un des responsables de la Grande synagogue de Rome et quatre autres dignitaires juifs. Le groupe a aussi prévu de visiter les quartiers et les régions d’où les Juifs ont été expulsés.
Selon les Juifs d’origine libyenne vivant en Italie, la rencontre avec Kadhafi a été arrangée aux cours d’un rendez-vous avec le fils du dictateur qui joue dans l’équipe de football du club italien de Perrugia. Saif al-Islam Kadhafi, un autre de ses fils et son éventuel successeur, a révélé il y a six mois, que la Libye était prête à discuter de l’indemnisation des Juifs.
Il a également déclaré que les Juifs étaient les bienvenus s’ils souhaitaient revenir sur leur terre natale. "Ce sont des Libyens et par conséquent, ils ont droit à des indemnisations. J’appelle les 30 000 Libyens juifs, y compris ceux qui vivent en Israël, à revenir sur la terre de leurs ancêtres en tant que citoyens et à abandonner la terre qu’ils ont prise aux Palestiniens", a-t-il déclaré dans une interview à la chaîne Al-Jazeera.
Et il a ajouté : "Jusqu’à une période récente, Israël était un pays ennemi. Mais les choses ont changé. Israël n’occupe pas notre terre. Nous ne sommes pas en conflit et nous n’avons pas de problème avec ce pays". Il a toutefois précisé que la Libye n’avait pas l’intention de reconnaître officiellement Israël dans un proche avenir.

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La Libye va s'éloigner du Moyen-Orient, selon le fils de Moammar Kadhafi

Jpost -13 octobre, 2004

Au lendemain de la levée des sanctions imposées par l'Union européenne à la Libye, le fils du chef d'Etat libyen Mouammar Kadhafi a annoncé mardi 12 octobre de nouvelles réformes destinées à éloigner son pays du Moyen-Orient et à réduire les dépenses militaires.
"La Libye a décidé de se séparer de ce que l'on appelle le Moyen-Orient", a déclaré Seif al-Islam Kadhafi lors de l'ouverture à Tripoli d'une conférence rassemblant des hommes d'affaires de pays occidentaux.
Il a ajouté qu'il allait proposer un nouveau plan de réformes prévoyant notamment la réduction des dépenses militaires. "Il n'y a plus besoin de continuer à dépenser dans le domaine militaire", a-t-il estimé. "Au lieu de cela, nous allons consacrer ces dépenses au développement".
Seif al-Islam Kadhafi a également assuré que la décision de Bruxelles de mettre fin à douze ans de sanctions imposées à la Libye, levant notamment un embargo sur les armes, annonçait "une nouvelle ère dans les relations entre la Libye et l'Occident".

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