www.nuitdorient.com

accueil -- nous écrire -- liens -- s'inscrire -- site

BUSH INQUIET DES FRAGILITÉS SAOUDIENNES

 

De Philippe Gélie - correspondant du Figaro - 25 avril 2005

 

Depuis la visite d'Ariel Sharon il y a deux semaines, le ranch de Crawford est en train de changer de fonction dans l'arsenal présidentiel américain. Tout en offrant aux yeux du monde un traitement de faveur réservé aux hôtes de marque, sa retraite du Texas permet aussi à George W. Bush de mener une «diplomatie tranquille», dans laquelle les pressions peuvent être d'autant plus directes qu'elles sont exercées dans un cadre informel et privé.


Le prince héritier Abdallah d'Arabie saoudite devrait en faire l'expérience aujourd'hui. Au menu de ses discussions avec le président américain, plusieurs sujets de tension : la hausse du prix du pétrole, la lutte contre le terrorisme islamique et le rythme des réformes dans le royaume.


Le premier dossier s'annonce comme le plus brûlant, avec une envolée du prix à la pompe (+ 50 cents en un an). Si la réélection de George W. Bush n'est plus menacée par la grogne des consommateurs, sa cote de popularité s'en ressent, tombée à 44% dans les derniers sondages. Riyad, qui ne fournit que 15% des importations américaines, a déjà fait un effort en augmentant sa production de 155 000 barils/jour en mars et fait miroiter une nouvelle rallonge de sa production. Bush, «préoccupé» tout en admettant ne pas avoir «de recette miracle», ne manquera pas de rappeler le dirigeant saoudien à sa promesse.


Mais on ne brusque pas un partenaire aussi important et aussi compliqué. Engagé dans la démocratisation du Proche-Orient, le président américain devrait réitérer ses encouragements au timide processus d'ouverture de la maison Saoud. En février, dans son discours sur l'état de l'Union, Bush avait appelé Riyad à «faire preuve de leadership dans la région en étendant le rôle du peuple dans la détermination de son avenir». Les récentes élections aux conseils locaux, qui ont notamment exclu les femmes, ne sont pas citées en exemple à Washington, mais la Maison-Blanche insiste sur le droit de chacun d'avancer «à son rythme».


Car deux tendances préoccupent surtout les Américains : l'instabilité supposée du régime et sa lenteur à interrompre le financement d'un islamisme radical sur lequel prospère le terrorisme.


Selon une enquête du magazine US News, les Saoudiens ont consacré au cours des vingt-cinq dernières années 70 milliards de dollars à la propagation du wahhabisme, version rigoriste et puritaine de l'islam. Ils ont construit plus de 1 500 mosquées à travers le monde, 500 collèges islamiques et quelque 2 000 écoles dans des pays non musulmans. Ils auraient également financé des camps d'entraînement paramilitaire, des achats d'armes ainsi que le recrutement de militants du djihad dans une vingtaine de pays.


D'après l'ONG Freedom House, Riyad utiliserait aussi ses mosquées et ses centres culturels aux États-Unis pour diffuser une idéologie haineuse et intolérante. Accusation démentie par l'ambassade saoudienne à Washington, qui a dépensé plus de 20 millions de dollars depuis le 11 septembre 2001 pour redresser l'image du royaume auprès de l'opinion américaine : quinze des dix-neuf auteurs des attentats de New York et de Washington étaient d'origine saoudienne. L'an dernier, le Congrès a mis en relief l'absence de réaction des administrations américaines successives, qui avaient choisi de privilégier l'alliance pétrolière et géostratégique avec Riyad en tolérant son militantisme islamiste. George W. Bush s'est un peu départi de cette attitude, mais avec prudence.


L'opinion dominante à Washington est que la monarchie des sables n'en a plus pour longtemps. L'ancien secrétaire d'État, James Baker, lui aurait donné cinq ans, mais c'était il y a deux ans et demi. Depuis, «l'arrangement» conclu avec Oussama Ben Laden a volé en éclats et l'Arabie est devenue à son tour la cible d'attentats. Selon l'étude d'un «think tank» (laboratoire d'idées) proche du Pentagone, «Ben Laden est convaincu que la faiblesse de la dynastie est telle qu'il peut (...) renverser la maison Saoud et empocher les champs de pétrole, la richesse des pétrodollars, les lieux saints et l'armement de pointe stocké dans le royaume».

 

Face à un tel risque, la Maison-Blanche salue le renforcement de la coopération antiterroriste avec l'Arabie saoudite. Mais l'US Navy et les garde-côtes américains patrouillent les eaux du Golfe pour protéger les sites pétroliers et Washington garde un oeil sur les sables mouvants d'Arabie