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MAGMA ET CONFUSION AU MOYEN ORIENT

 

Par Albert Soued, écrivain, www.chez.com/soued/conf.htm pour www.nuitdorient.com

Le 14 novembre 2007

 

Pour 2008, tous les espoirs sont permis, toutes les craintes aussi. Dans le magma de la situation et la confusion des nouvelles, essayons de déceler ce qui sera déterminant dans le court et moyen terme. On ne peut analyser les événements que ponctuellement.

Nous commencerons par l'Egypte.

 

1 - L'EGYPTE EST EN DECLIN

 

Moubarak est un dictateur vieillissant qui n'a jamais aimé Israël (1), percevant son développement comme une image humiliante face à la régression que subit son pays. La cause de cette régression serait "une natalité galopante qui freinerait toute croissance" dit-il. Or tous les pays occidentaux rêvent d'une natalité galopante pour assurer une meilleure croissance de leur économie. En fait, comme la plupart des pays du Moyen Orient, l'Egypte est devenue une oligarchie, avec une poignée de gens inféodés au pouvoir, immensément riches et une classe moyenne en voie de disparition, ne laissant que des pauvres s'appauvrissant davantage, parce que personne ne les tire vers le haut. Alors ces gens là et surtout les cadres moyens qui s'appauvrissent ne trouvent un salut que dans la religion et surtout dans les subsides venant d'Arabie saoudite et les services sociaux et éducatifs offerts par les "Frères Musulmans", groupe politique représentant aujourd'hui près du quart de l'électorat.

Comme tout dictateur arabe, Moubarak n'échappe pas au népotisme et cherche dans son fils Gamal un successeur. Par conséquent, il ne tolère au Parlement aucune opposition sérieuse, reléguant dans la clandestinité les trop influents "Frères Musulmans" et jetant en prison les challengers éventuels de son fils et de son parti (2).

Epris de liberté, les Coptes et les gens éduqués qui réfléchissent émigrent en masse, essayant de trouver un avenir meilleur en Occident ou dans les Emirats.

Ayant subi la rébellion des tribus bédouines au Sinaï et leur collusion avec al Qaeda, Moubarak ne veut pas jouer au flic pour le compte d'Israël à sa frontière avec Gaza, et laisse passer des armes sophistiquées et des combattants islamistes. Une façon indirecte de rémunérer et de calmer les bédouins qui servent d'intermédiaires dans tout trafic, armes, drogues, femmes, soudanais fuyant leur pays ou terroristes d'al Qaeda ou du Hezbollah.

Le pays étant quadrillé par les services de renseignement ou "Moukhabarat" depuis fort longtemps, cette situation peut durer encore longtemps, le gouvernement égyptien soufflant tour à tour le chaud et le froid vis-à-vis de sa principale opposition, "les Frères Musulmans". Et puis les slogans faciles antisémites et anti-impérialistes canalisent toute revendication, frustration ou penchant vers des ennemis extérieurs, Israël et son protecteur, les Etats-Unis (3).

Menacée de disparition, la classe moyenne n'a trouvé que des femmes pour défendre les dernières libertés qui restent. Ainsi un groupe s'est constitué récemment qui manifeste aussi bien dans la rue pour défendre des juges honnêtes qu'on jette en prison pour rébellion que sur internet à www.shayfeen.com (en arabe, "nous vous observons", s'adressant aux agissements du pouvoir).

 

Notes

(1) Depuis qu'il n'y a pratiquement plus de Juifs en Egypte (1967), l'antisémitisme se répand dans les classes dirigeantes, promu par l'Etat égyptien.

Amr Waked est une jeune star égyptienne qui s'est produite à côté de Georges Clooney dans le film d'espionnage Syriana. Et parce qu'il figure à côté d'un acteur israélien Ygal Naor dans une mini-série anglaise, il a été exclu de l'Union des acteurs Egyptiens. Et le ministère de l'Intérieur a pris des mesures à son encontre.

Depuis l'accord de paix de 1979 avec Israël, les médias et l'administration du pays ont refusé d'établir des relations normales avec Israël. Des milliers de touristes israéliens visitent l'Egypte, alors qu'une poignée d'Egyptiens osent s'aventurer en Israël, car ils sont vilipendés à leur retour et traités de traîtres. Pourtant dans le peuple, plus de 70% des gens souhaite vivre en paix avec Israël.

Un exemple: le 3/11/07 sur la chaîne nationale égyptienne, à l'émission "al beit beitaq" (c'est ta maison ), le poète et chanteur populaire Jahine parle de paix et d'amour, de ses anciens camarades juifs à l'école de Boulak (quartier du Caire). Or aussi bien le présentateur que les téléspectateurs l'accusent de non patriotisme pour s'être produit lors de l'inauguration de la synagogue restaurée de la rue Adly au Caire (Shaar hashamayim) et vouloir aller chanter à Tel Aviv! Il a été obligé de se justifier sur un fond de musique nationaliste, puis nous avons appris lors de l'émission qu'il venait d'être limogé de ses fonctions à l'Opéra du Caire, de ce fait.

(2) En 2004, un parti libéral et démocratique était né, attirant les foules, "qefaya" ou "c'en est assez!" (de la dictature omnipotente). Boycotté par le gouvernement et pris en tenaille entre le parti nationaliste de Moubarak et les Frères Musulmans, il n'a obtenu que 6% des votes aux élections de 2006 et son candidat à la présidence a été jeté en prison pour malversations. Sous l'instigation de son créateur Georges Isaac, Qefaya a changé de programme et s'est rallié aux slogans plus payants des autres partis "Non à Israël, non au traité de paix avec Israël", au lieu de dénoncer la corruption et de revendiquer le rétablissement des "droits de l'homme". Bien pire, en 2007 Georges Isaac qui avait applaudi Nasrallah (chef du H'ezbollah) comme un héros de la cause arabe après la 2ème guerre du Liban, est remplacé par un philosophe antisioniste, Abdel Wahab al Masiri, qui a écrit une encyclopédie en 8 volumes "Les Juifs, le Judaïsme et le Sionisme", traitant les Juifs de racistes et d'impérialistes….

(3) Les Etats-Unis continuent à verser 1,3 milliard $/an qui sont dirigés pour l'essentiel vers l'armée (on peut se demander "qui menace l'Egypte?"), au lieu de servir à créer des emplois, alors qu'on ignore ce que fait pour vivre un adulte sur deux.

Aussi bien le gouvernement américain que celui d'Israël considère le régime Moubarak comme le moindre mal pour le pays. En effet, depuis la monarchie parlementaire, qui a duré une trentaine d'années jusqu'en 1952, l'Egypte ne connaît ni démocratie ni liberté.

 

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