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palestine, jordanie, perspectives
de paix, conflit israélo-arabe
Par Ehoud Yaari,
journaliste du Jerusalem Report
Article paru dans ce journal le 14 juin 2004 et traduit par
Bertus
Dans des cercles privés, des personnalités Palestiniennes
commencent à parler du rôle nécessaire
que doit jouer la Jordanie en Judée-Samarie. Seize ans après la déclaration
forcée de désengagement des territoires au delà du Jourdain, par feu le roi
Hussein, au milieu de la colère de la première "intifada", on murmure
çà et là qu'il faut trouver une nouvelle formule, pour rétablir les liens entre
un état palestinien indépendant et son voisin de l'Est. Il est encore trop tôt
pour affirmer si ces espoirs sont le reflet d'un désespoir engendré par
l'actuelle implosion en Judée Samarie ou s'ils sont le résultat d'une réflexion
sérieuse.
Ce qui est intéressant de noter c'est que ces souhaits ne
sont pas seulement exprimés par des opposants à Yasser Arafat, mais aussi par
des chefs du Fatah qui sont proches de lui. Sans vouloir les nommer pour
d'évidentes raisons, on peut dire qu'il s'agit de gens importants de Naplouse,
qui a une longue tradition pro-hachémite, de personnalités d'Hébron, qui a des
liens étroits avec Amman, de l'élite fréquentant les salons de Ramallah et de
certains chefs du Fatah de la diaspora. On n'en parle pas à haute voix, mais
néanmoins librement.
L'idée de base est la suivante. L'Egypte sera concernée par
la bande Gaza, à travers des conseillers, des agents de formation et des forces
de sécurité qui vont accompagner le processus de désengagement israélien et de
réhabilitation d'une administration locale exsangue, en offrant un parapluie de
protection au prochain pouvoir qui prendra le contrôle de la région. Bien
qu'ils ne soient pas enthousiasmés par cette perspective, les Egyptiens sentent
qu'ils n'ont pas d'autre choix. Ce processus à Gaza constituera un précédent et
un feu vert pour la Jordanie pour en faire autant en Cisjordanie.
Dans ce dernier cas, il sera possible d'y envoyer le
bataillon palestinien encore rattaché à l'armée jordanienne, et même de
recruter sur place un autre bataillon. Les deux parties pourraient annoncer
publiquement le lien qu'elles envisagent entre le futur état palestinien et la
Jordanie, après un référendum dans les territoires. Il s'agirait d'étendre
l'appareil administratif et de sécurité jordanien à ces territoires.
Cela posera un problème pour le gouvernement Jordanien, car
il y a 3,2 millions de Palestiniens en Jordanie sur un total de 5,5 millions
d'habitants, plus qu'il n'y en a à Gaza et en Judée-Samarie. L'exécutif
Jordanien a toujours cherché à minimiser le rôle des Palestiniens dans la vie
politique du Royaume, bien qu'ils bénéficient de tous leurs droits civiques,
notamment en matière économique. Il faut savoir qu'aujourd'hui il n'y a plus
aucun Palestinien dans un poste gouvernemental important. La nouvelle loi
électorale a été élaborée pour qu'il n'y ait que 18 députés d'origine
palestinienne au Parlement Jordanien sur 108 sièges. De plus le roi Abdallah a
la plus grande méfiance à l'égard d'Arafat et de son entourage et il lui a même
demandé de démissionner lors d'une interview au New York Times le 18 mai. Mais
alors pourquoi reprendre une responsabilité en Cisjordanie ?
Selon les personnalités Jordaniennes et palestiniennes que
j'ai interrogées la réponse est simple: la Jordanie dépend totalement des
Etats-Unis et si ceux-ci le lui demandent, elle répondra à l'appel. En fait, il
y a un consensus sur un état confédéral aussi bien chez les palestiniens de
Jordanie que chez l'élite de Cisjordanie et même chez les Frères Musulmans. De
plus la perspective d'un apport massif de capitaux aussi bien pour compenser
les réfugiés que pour réhabiliter les territoires est tentante. Un autre
avantage potentiel pour ceux des Palestiniens de Jordanie qui sont apatrides
est celui de recevoir la nationalité palestinienne. Ce qui réduira sensiblement
les tensions actuelles dues à un ostracisme de fait.
Pour le moment et pour l'avenir immédiat, il ne s'agit que
d'un rêve; mais ce qui est important, c'est que l'idée est en train de cheminer
dans les esprits, d'autant plus qu'il y
a des doutes quant à la viabilité d'un état palestinien dans un
territoire minuscule. Par ailleurs les Palestiniens savent qu'ils ne pourront
pas construire un état et résoudre tous leurs problèmes par eux-mêmes.
Il y a aussi d'autres motivations, beaucoup de Palestiniens
convoitant la Jordanie dont Arafat a essayé de s'emparer en 1970. Le taux de croissance
constant du Royaume, son régime tolérant et stable, la relative sécurité qui
prévaut dans des rues propres et surtout la capacité des dirigeants à résoudre
leur conflit avec Israël ont tout pour attiser cette convoitise.
L'option Jordanienne
n'est plus une expression répugnante dans le vocabulaire palestinien, même si
elle a été effacée du dictionnaire politique hébreu.