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UN PETIT PAS VERS L'UNITÉ DE L'IRAK

 

Par David Ignatius, journaliste et éditorialiste du Washington Post

Paru dans le Washington Post du 15 mars 2006

Traduit par Albert Soued, www.chez.com/soued/conf.htm pour www.nuitdorient.com

 

Il y a eu tant de mauvaises nouvelles venant d'Irak qu'on doit se pincer quand de bonnes choses arrivent. En fait on perçoit cette semaine des signes qui ne trompent pas sur la volonté des chefs politiques Irakiens de prendre les premières mesures pour tenter de constituer un large gouvernement d'union nationale qui pourrait renverser la tendance actuelle vers le chaos.

C'est la crise qui a suivi le bombardement de la mosquée shiite de Samarra le 22/02/06 qui a pu rassembler les diverses factions politiques, du fait du danger que l'Irak ne sombre dans une guerre civile généralisée. Au bord du précipice, les chefs politiques semblent avoir réalisé qu'ou bien ils s'entendent entre eux ou le pays éclate. À ce jour, ils auraient choisi l'unité, en tout cas, ils ont commencé à en parler sérieusement.

Il y eut cette semaine une série de rencontres qui ont rassemblé toutes les factions du pays. Le conclave avait été proposé par l'ambassadeur américain Zalmay Khalilzad. Son idée était de les réunir à huis clos dans un village ou dans un hôtel à Bagdad jusqu'à ce qu'un accord soit conclu pour un nouveau gouvernement.

Tout le monde a accepté ces ultimes négociations de la dernière chance, à condition que le lieu de réunion soit dans chaque faction à tour de rôle. La première eut lieu dimanche dernier au quartier général du chef kurde Massoud Barzani à Bagdad, suivie d'une session mardi au quartier général shiite d'Abdel Aziz al Hakim et mercredi à la maison du président Jalal Talabani. Khalilzad a participé à toutes les réunions jouant le rôle de médiateur dans un "un conflit du travail".

Lors d'un entretien avec Khalilzad, celui-ci m'a confirmé que les pourparlers ont débouché sur un accord provisoire sur deux points essentiels. D'abord les parties acceptent l'idée d'un gouvernement d'union nationale comprenant toutes les factions importantes. Ensuite ils ont accepté de créer un comité au plus haut niveau chargé de la "sécurité nationale" et comprenant tous les partis en présence. Travaillant par consensus, ce comité doit dessiner les grandes lignes de la politique, dans l'esprit de la Constitution irakienne.

Ce dialogue a levé l'impasse sur la composition de la coalition. Il y a un mois le shiite radical Moqtada al Sadr refusait d'accepter toute coalition comprenant le parti de Ayad Alawi, fidèle allié des Etats-Unis, parce que quand celui-ci était premier ministre par interim, il avait ordonné de frapper la milice armée "al Mahdi" d'al Sadr. Le blocage a été réduit parce les parties ont compris que si l'une d'elle agitait "une ligne rouge", toutes les autres en feraient autant. Khalilzad a précisé que "jamais il n'y eut entre eux d'aussi bonnes réunions, c'étaient les meilleures depuis que je suis ici".

Ce compte rendu optimiste m'a été confirmé par les chefs politiques eux-mêmes. Le vice-président Adel Abdel Mahdi, qui représente la faction de Hakim, chef du puissant "Conseil suprême de la Révolution islamique d'Irak" m'a précisé: "nous avons une interprétation commune des principaux sujets, sur la nécessité d'un consensus et sur le comité de sécurité nationale. Ce qui me rend confiant c'est que je pense que nous sommes en train de construire une compréhension mutuelle entre les différentes communautés…. et le message du nouveau gouvernement devrait dire que personne ne doit se tenir en dehors de la loi, que cela soit l'armée "Mahdi" de Sadr, la milice de l'organisation Badr ou l'insurrection sunnite"

Un obstacle apparent à l'unité était la crainte du rôle de l'Iran. Pour le contourner, Hakim a dit qu'il avait pressé l'Iran d'engager des pourparlers avec les Etats-Unis à propos de l'avenir politique de l'Irak. Kahlilzad a calmement exploré les modalités de tels entretiens (1).

J'ai perçu un autre signe du nouvel esprit d'une unité retrouvée, lors d'une visite à Ahmed Chalabi, un politicien shiite, proche du premier ministre Ibrahim al Jafari et qui s'est rallié l'an dernier à Moqtada al Sadr. Il y avait avec lui Sheikh Khalaf Elayan, l'un des chefs du plus grand parti sunnite. Il semblait que Chalabi recherchait un allié politique sunnite, sachant qu'il constituait une faction importante dans le prochain gouvernement. Il pensait aussi que les chefs tribaux sunnites comme Khalaf allaient livrer

Abou Moussab al Zarqaoui d'al Qaeda.

Ce dialogue va entrer bientôt dans une nouvelle phase potentiellement tendue, quand les chefs vont commencer à se répartir les portefeuilles ministériels. Ces marchandages pourraient torpiller le fragile espoir d'unité. Mais pour changer, le pessimisme n'est pas de mise en Irak.

 

(1) ces entretiens ont déjà commencé.

 

 

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