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NOUS SOMMES EN TRAIN DE GAGNER LA GUERRE EN IRAK, VOICI POURQUOI

Les citoyens de la province d'Anbar avaient besoin d'être protégés avant de se fier à nous

 

Par Frederick W Kagan, chercheur à l'Institut de l'Entreprise Américaine et auteur du récent "Il n'y a pas de voie moyenne: le défi aux stratégies de sortie d'Irak" (ed AEI 2007)

Paru dans www.OpinionJournal.com du 23/09/07

Traduit et adapté par Albert Soued, pour www.nuitdorient.com , nouveau livre

 Quand le Moyen-Orient verra-t-il la lumière ?

 

De nombreux politiciens et experts à Washington ont sans doute ignoré le point le plus important du récent témoignage du général David Petraeus au Congrès. La défaite d'al Qaeda en Irak passe par une combinaison de forces conventionnelles, de forces spéciales et de forces locales. La réalisation de ce mixage a des implications profondes non seulement sur la stratégie américaine en Irak, mais aussi sur l'avenir de la guerre contre le terrorisme.

Comme le général David Petraeus l'a dit clairement, l'adoption d'une vraie contre-insurrection en janvier 2007, a permis des progrès inimaginables dans la lutte contre al Qaeda, par la protection des Arabes sunnites qui ont rejeté les terroristes en leur sein. Dans son adresse récente à l'Assemblée Générale des Nations Unies, le 1er ministre Nouri al Maliki a vanté les mérites et l'efficacité de cette stratégie, tout en mettant en garde contre le potentiel d'al Qaeda existant encore dans son pays et qui menace son gouvernement comme toute la région.

En effet malgré les succès indéniables recensés sur le terrain, de nombreux hommes du Congrès Américain se démènent encore pour faire changer la mission des forces américaines et la limiter à une lutte contre la terreur, avec des "forces spéciales" et des armes de précision pour des attaques ciblées contre des chefs terroristes. Ce changement nous ramènera au point de départ, le sacro-saint "consensus" pour démanteler les cellules d'al Qaeda et consorts, stratégie qui a toujours échoué.

En effet, depuis le 11/9, le consensus des stratèges américains a été que la meilleure manière de lutter contre une organisation disparate, organisée en cellules était de mener des frappes ciblées contre les principaux chefs de la terreur et parallèlement de discréditer l'idéologie du "taqfir" d'al Qaeda, dans les communautés musulmanes. Des armes de précision et des forces spéciales ont été vantées comme les atouts majeurs dans ce combat, tout simplement parce qu'elles ne requièrent que de faibles effectifs sur le terrain et ne donnent pas l'impression d'une armée d'occupation dans un pays musulman.

L'hypothèse qui en découle a souvent été que la présence visible de troupes occidentales en terre musulmane crée plus de terroristes qu'elle n'en élimine. L'attaque contre les Talibans est considérée aujourd'hui comme elle l'était 2001, comme la façon exemplaire de mener ce type de guerre. De petites unités de forces spécialement entraînées pour leurs objectifs, travaillant avec des forces afghanes locales pour défaire les Talibans et chasser al Qaeda, sans le déploiement de lourdes forces terrestres avec leur énorme logistique. Pour beaucoup d'élus, la guerre d'Afghanistan est la guerre "vertueuse", non seulement parce qu'elle répondait à la provocation du 11/9, mais aussi parce qu'elle correspond au schéma du consensus décrit plus haut. Or cette stratégie a échoué pendant 4 longues années, même si des chefs terroristes ont été éliminés par nos forces spéciales. L'organisation d'al Qaeda les remplaçait plus rapidement que nos tireurs d'élite ne pouvaient les tuer.

Une contre-insurrection qui ne protège pas la population civile des attaques et des représailles des terroristes mène à une violence toujours accrue et expose les chefs sunnites mécontents des terroristes à une mort brutale, si jamais ils leur résistaient. Il en ressort que gagner la confiance et l'estime des populations locales n'est pas suffisant, alors que les terroristes sont encore capables de torturer et de tuer quiconque leur résiste.

A la fin de 2006, malgré une contre-insurrection très agressive, al Qaeda-Irak a renforcé ses centres équipés de moyens d'information, de chambres de torture, de dépôts de munitions et de zones d'entraînement, à travers toute la province d'Anbar (Irak occidental contigu à la Jordanie), à Bagdad, à Baqouba et dans certaines parties de la province de Dyala, dans le Jabour arabe, dans les villages au sud de Bagdad et dans certaines parties de la province Salah el Din au nord de Bagdad. Al Qaeda s'est étroitement mêlée à l'insurrection sunnite et elles se sont entraidées. Ensemble, elles ont pu mener des attaques dévastatrices et spectaculaires contre des objectifs divers notamment shiites. Ainsi la stratégie des attaques ciblées n'a strictement rien donné et n'a pas empêché l'ennemi de créer des sanctuaires à travers tout le pays et n'a pas permis de contrôler la violence.

 

Après leur ralliement du début, les Arabes sunnites ont été déçus d'al Qaeda assez rapidement. Dès 2005, des courants de résistance commencèrent à se développer à Anbar et ils s'amplifièrent en 2006. A cette résistance qui montait, al Qaeda répondit par une brutalité sans nom, décapitant des enfants, exécutant des chefs sunnites et empêchant leurs familles de récupérer les cadavres pour les enterrer en temps opportun selon la loi musulmane, torturant les résistants en arrachant leurs yeux, en les électrocutant, en écrasant leur crâne par un étau etc… Cette brutalité enflamma la résistance de la communauté Sunnite. Mais il n'y avait aucune force organisée pour protéger les sunnites contre les représailles des hommes d'al Qaeda qui continuèrent leurs méfaits jusqu'en 2006, quoique par intermittence.

La preuve? En 2006, il n'y avait que 1000 volontaires pour rejoindre les Forces de Sécurité Irakiennes (FSI), malgré le ressentiment croissant à l'égard d'al Qaeda. Et le volontariat devenait dangereux du fait que les terroristes attaquaient les centres de recrutement, ainsi que les familles de ceux qui se portaient volontaires aux FSI. Les chefs tribaux avaient commencé à se retourner contre la terreur, alors que les forces américaines étaient assiégées à Ramadi… Après beaucoup de difficultés et de pertes, le colonel Sean Mac Farland a réussi à faire une avancée, sans prendre la ville. Les sanctuaires d'al Qaeda étaient nombreux dans cette province….

En 2007 l'histoire change de direction à Anbar et ailleurs en Irak. L'arrivée de nouvelles troupes et la stratégie nouvelle de la contre-insurrection a permis aux commandants américains de protéger la population; 4000 hommes entrèrent à Anbar.

Les gens demandaient aux troupes si cette fois-ci elles allaient rester, et ils voulaient un engagement de protection contre les représailles des hommes d'al Qaeda, en cas de ralliement….

Les troupes américaines ont créé des centres de sécurité conjoints avec les troupes et la police irakiennes, dans les zones urbaines et les villages. Des groupes de protection locale ont été formés à partir de "citoyens concernés" et d'ex-insurgés ralliés. Ces groupes ont redonné du courage à la population qui commença à croire à la défaite d'al Qaeda. Et les langues se délièrent, ce qui permit de capturer ou de liquider nombre de terroristes.

Le résultat est probant notamment à Anbar où les 1000 recrues sont aujourd'hui 12 000! De nombreux insurgés sunnites ont quitté al Qaeda pour rallier la coalition; on estime leur nombre à 30 000! Dans tout l'Irak central, les tribus se sont ralliées à la Coalition, y compris Diyala, Bagdad, Salah al Din, Babil et Nineweh. Et même à Mossoul, la capitale de la province de Nineweh, un "conseil du sursaut" a été formé à l'image d'Anbar.

On sait qu'une attaque ciblée a liquidé l'ex-chef d'al Qaeda, Abou Moussab al Zarqawi, en juin 2006, près de Baqouba. Après cette attaque, l'emprise d'al Qaeda sur Baqouba et la province de Dyala se renforça encore plus. Aujourd'hui Baqouba est quasi totalement nettoyée. Les "Gardiens de Baqouba" protègent cette capitale provinciale contre la terreur. La nouvelle stratégie semble payante et al Qaeda n'a plus de sanctuaire important dans les villes.

Ces progrès sont le résultat de l'accroissement des effectifs et du changement de stratégie, l'essentiel étant de rassurer et de sécuriser les gens. Et les troupes sont visibles, en mouvement continu et la violence est en nette baisse, avec l'aide de la population qui coopère….

Quelles leçons tirer pour de futurs combats dans la Guerre contre la Terreur. D'abord poursuivre la contre-insurrection en Irak, avec des forces conventionnelles américaines qui aident les FSI à protéger la population, ceci en parallèle avec les anciennes attaques ciblées… A long terme, il faudrait revoir "la stratégie du consensus" dans notre guerre contre la terreur. Et le succès d'Irak ne signifie pas qu'il soit transposable au Wasiristan ou au Balouchistan ou ailleurs. Chaque situation est particulière et nécessite une stratégie adaptée. Mais une chose reste très claire. Il ne suffit pas de persuader le peuple musulman de rejeter l'idéologie et les méthodes d'al Qaeda. Il faut l'aider sur le terrain à se protéger des méfaits de cette hydre en son sein… et les attaques ciblées et les armes sophistiquées ne peuvent pas le faire, seules.

 

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