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Comment la nomenklatura syrienne vole le Liban
Piratage téléphonique, Casino du Liban, pillage de « Électricité du Liban »…

Par l'AFP - 21 mars 2005 

Pays d'opportunités, le Liban s'est avéré un véritable vivier pour la Syrie et, en particulier, la nomenklatura du régime baathiste qui a largement tiré profit, grâce à des réseaux parallèles, de sa mainmise sur le pays du Cèdre.

Des études récentes ont montré que la Syrie pompe annuellement de façon directe et indirecte quelque 2 milliards de dollars de l'économie libanaise.
Mais selon des chiffres recueillis par l'AFP, l'oligarchie syrienne perçoit quelque 750 millions USD grâce à sa mainmise sur le pays. Ces "revenus" nuisent tant à l'économie syrienne, puisqu'ils ne rentrent pas dans les caisses de l'État, qu'au Liban, pays très libéral où règne le laissez-faire économique.

Avec une population d'environ 17 millions d'habitants, la Syrie ne cesse de s'appauvrir alors que le Liban (3,5 millions d'habitants) a enregistré en 2004 une croissance réelle de l'ordre de 4%.

Les chiffres de ces études sont évidemment difficiles à vérifier puisqu'une partie de ce que la Syrie perçoit de son petit voisin passe par des réseaux parallèles, sous le contrôle de l'oligarchie ou de la nomenklatura syrienne, qui a établi depuis des années des alliances avec des hommes d'affaires et des responsables politiques libanais.

Dans une récente étude "sur la corruption libanaise", l'économiste libanais Joe Faddoul, pdg de la société libanaise de conseil Istisharat, indique "que les prélèvements directs et indirects (de la Syrie) sont chacun de un md USD, soit 2 mds USD par an".
"Cela fait 24 mds USD depuis 12 ans", précise-t-il soulignant que la dette publique du Liban est de 35 mds USD.
Selon lui, "ce qui est moins connu, ce sont les causes de ce déficit qui dure depuis 12 ans, c'est-à-dire depuis l'arrêt des violences au Liban".

"La doctrine officielle explique le déficit par le gaspillage (fonctionnaires en surnuméraire) et la corruption, sans aller plus loin", note M. Faddoul pour qui "il s'agit en fait d'un système cohérent et organisé de prélèvements directs et indirects".
Concernant les premiers, le chercheur cite notamment "le piratage" téléphonique effectué grâce à deux opérateurs libanais pro-syriens. "Quelques dizaines de millions de dollars de recettes téléphoniques vont directement chaque mois dans la poche des Syriens", a récemment indiqué à l'AFP une source proche du pouvoir.

Au nombre des prélèvements, l'auteur cite "le racket du pétrole", "le Casino du Liban", les adjudications pour la construction d'autoroutes à des prix exorbitants, le port et l'aéroport de Beyrouth. Evoquant les prélèvements indirects, l'économiste cite la société étatique Electricité du Liban (EDL) qui subit des pertes annuelles de 500 M USD par an, et dont une partie de la production est "volée et non encaissée dans les régions dont les leaders (...) sont proches de la nomenklatura".
Il évoque également les "passe-droits", le trafic de fuel domestique, les "expropriations fictives de terrains", la situation de la Middle East Airlines (MEA) qui "avait 4.000 salariés pour exploiter une flotte de neuf avions", dont une grande partie relevaient "d'une milice" libanaise. En 2001, la MEA a cependant licencié une grande partie de son personnel et assaini ses finances.

Une autre étude publiée récemment par le quotidien libanais An-Nahar évoque également une "perte de 20 mds USD depuis 12 ans pour l'économie libanaise due à la présence syrienne". Cette étude chiffre à 6,7 mds USD entre 1993 et 2005 le total des transferts effectués par des ouvriers syriens au Liban et à 4 mds USD "l'inondation du marché par des produits syriens" bon marché.

En fait, ces études mélangent quelque peu ce que perçoit l'oligarchie au pouvoir à Damas ou son entourage et les mesures qui pénalisent de nombreux produits libanais, notamment agricoles, malgré l'ouverture des marchés. Elles occultent également les bénéfices que tirent les "patrons" libanais des quelques 300 à 500.000 travailleurs syriens, estiment les experts.