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LE REGIME SYRIEN CHERCHE A ENTRAINER LE LIBAN DANS LA GUERRE CIVILE

 

Interview de Abdel Halim Khaddam, ancien vice-président syrien

Télévision Al Moustaqbal du Liban

Traduction de MEMRI -Dépêche spéciale n° 1280

 

Dans une interview du 28 août 2006 diffusée sur la télévision libanaise Al-Mustaqbal, l'ancien vice-président syrien Abd El-Halim Khaddam, actuel leader expatrié de l'opposition syrienne, a tourné en dérision les excuses des hauts responsables syriens se justifiant de n'être pas intervenus dans la récente guerre entre le Hezbollah et Israël. Khaddam estime que le refus du régime syrien de marquer la frontière libanaise s'explique par son intention de poursuivre la résistance au Liban sud puisque ces frontières "peuvent être indiquées sur la carte en une heure." Il révèle en outre que suite au retrait israélien du sud Liban en mai 2000, et alors qu'il était encore vice-président, la Syrie avait donné des instructions pour présenter la libération des fermes de Chebaa comme l'un des objectifs de la résistance libanaise, objectif qui n'avait pas été énoncé jusqu'alors. Voici les principaux points de l'entretien :

Tous au Liban doivent accepter que c'est l'Etat qui décide

 

"Une [seule] chose nous préservera à coup sûr d'un second tour [de la guerre] : l'unité nationale du Liban et l'acceptation par tous les Libanais du fait que c'est l'Etat qui décide et qui est responsable. En revanche, si la situation actuelle perdure, le problème se déplacera vers l'arène libanaise…"

 

Hafez Al-Assad a donné l'ordre d'empêcher la résistance dans le Golan

 

"En 1982, Israël a envahi le Golan et la guerre est devenue frontale entre Israël et nous sur le sol libanais. Nous nous sommes battus à Beyrouth, dans les montagnes, et dans la Bekaa, et nous avons stoppé la progression israélienne entre Ayn Zhalta et  Sultan Yaaqoub dans la région ouest de la Bekaa. Puis est venue la décision d'un cessez-le-feu. Après cela, Hafez Al-Assad a entrepris d'épuiser Israël au Liban. [Avant cela], quand Hafez Al-Assad avait décidé que la guerre traditionnelle avec Israël était impossible pour des raisons devenues claires lors de la guerre d'Octobre [de 1973], il avait donné des ordres stricts aux forces armées [syriennes] et à la Sécurité pour empêcher toute activité de résistance dans le Golan. Cela parce que les représailles israéliennes auraient atteint l'arène syrienne (…)

Ainsi, en 1982, quand la décision fut prise, nous nous sommes mis à encourager les Libanais à mener des activités de résistance [au Liban]…"

Les explications des hauts responsables syriens pour justifier la non intervention de la Syrie à la guerre d'août 2006 ne sont que des excuses

 

"[Le président syrien] Bashar Al-Assad craint que la guerre ne s'étende et n'atteigne le territoire syrien (…) Pour lui, la guerre peut avoir lieu au Liban ; la Syrie n'a pas à en supporter le poids militaire. Si vous me demandez ce que je pense de l'accord militaire syro-libanais, qui représente une partie de leur contrat [militaire], [je dirai] qu'il a été prouvé que ce n'est qu'un bout de papier.

Ils ont des excuses. Certains des hauts responsables proches de Bashar Al-Assad l'ont dit : "Ce qui nous empêche d'intervenir, c'est l'Accord sur la séparation des forces [entre la Syrie et Israël] dans [les hauteurs] du Golan… [Et pourtant,] Israël a violé cet accord en attaquant Ayn Al-Saheb. Ils ont dit : 'Si le forces israéliennes approchent les frontières syriennes, nous interviendrons.' [Pourtant] les forces israéliennes sont en territoire syrien dans le Golan. Bashar Al-Assad a déclaré dans son discours [du 15 août 2006] qu'Israël avait été vaincu dès les premiers jours. Si c'est bien la cas, pourquoi cette défaite n'a-t-elle pas été exploitée par une intervention dans le Golan visant à le libérer ?"

 

Il ne pourra pas y avoir de résistance en Syrie tant que le peuple syrien sera lui-même prisonnier

 

"Comment la résistance peut-elle exister en Syrie alors que le peuple syrien se sent prisonnier, qu'un intellectuel [syrien] qui prononce trois mots est arrêté et que le peuple syrien est privé de sa liberté, opprimé et pillé par la famille au pouvoir ?..." (1)

Il faut un rapport d'égal à égal entre la Syrie et le Liban ; il n'y a pas de place aujourd'hui pour une unité syro-libanaise.

 

"Quelle différence y a-t-il entre le Liban et tout autre Etat arabe ? Le moment n'est absolument pas venu d'établir l'unité entre la Syrie et le Liban. [L'idée d'une] telle unité ne nous a jamais effleurés. L'unité entre la Syrie et la Mauritanie [adviendra] avant l'unité entre le Liban [et la Syrie]… Mon expérience et les complications de la situation au Liban me font dire qu'une relation d'égalité entre la Syrie et le Liban est nécessaire ; elle servira les intérêts des deux pays. Pourquoi n'y aurait-il pas de relations diplomatiques entre la Syrie et le Liban ?"

 

Le refus de la Syrie de marquer la frontière au niveau des fermes de Chebaa est une excuse pour poursuivre la résistance

 

"Marquer la frontière syro-libanaise nécessite une volonté diplomatique (…) Même la frontière entre l'Arabie Saoudite est le Yémen est marquée, malgré des contestations qui durent depuis plus d'un siècle. Pourquoi ne marquerait-on pas la [frontière] syro-libanaise ? L'occupation n'a rien à voir avec cela (…) [Les frontières] peuvent être indiquées sur la carte en une heure.

En fait, [le refus de la Syrie] de marquer la frontière est un prétexte qui a pour but la poursuite de la résistance au sud. [La libération des] fermes de Chebaa ne faisait pas partie des objectifs de la résistance [le Hezbollah]. Nul n'a mentionné les fermes de Chebaa. Ils n'ont commencé à en parler qu'après le retrait israélien de [mai 2000 du Liban] C'était un ordre venant de la Syrie."

Assad cherche à entraîner le Liban dans la guerre civile afin de fermer l'enquête sur l'assassinat d'Al-Hariri et de retourner au Liban

 

"Il est clair que le régime syrien a deux objectifs : le premier est d'entraîner le Liban dans la guerre civile, afin de fermer l'enquête sur l'assassinat de [l'ancien] Premier ministre Rafiq Al-Hariri (…) Le deuxième objectif du régime syrien est de créer une situation explosive au Liban, où les alliés [de la Syrie – en référence au Hezbollah] réussiront à prendre le contrôle du Liban – ce qui permettra au régime syrien de retourner au Liban (…)"

La décision d'assassiner Al-Hariri a été prise par Bashar Al-Assad

 

S'agissant de l'assassinat de Rafiq Al-Hariri, Khaddam a déclaré : "Bashar Al-Assad sait ce qu'il fait. [Il sait] comment la décision [d'assassiner Al-Hariri] a été prise, comment le crime a été perpétré et qui y a participé (…) Aucune opération de sécurité ne peut être mise à exécution en Syrie sans le consentement du président. Rustum Ghazale aurait-il pu se saisir d'une tonne d'explosifs dans l'entrepôt de l'armée [sans qu'Assad n'en sache rien] ? Rustum Ghazale aurait-il pu mettre en place le groupe qui a placé les explosifs, poursuivi [la victime] et perpétré [l'assassinat] sans qu' [Al-Assad] n'en sache rien ?  Mon explication est que cette décision est venue du président…

Je persiste à dire à Bashar Al-Assad que je suis persuadé que l'enquête remontera jusqu'à lui, et il le sait bien… Le régime syrien s'effondrera… L'espérance de vie de ce régime est faible ; le dernier discours de Bashar Al-Assad [donné 15 août 2006] s'avèrera être son [discours d'] adieu." (2)

Notes

 (1)   Dernièrement, la presse gouvernementale syrienne a déclaré que la résistance dans le Golan combattrait Israël "comme la résistance libanaise l'a combattu." Voir la Dépêche spéciale n° 1264 de MEMRI, Syrian Government Press Threatens War in the Golan: ‘Those Who... Call for Peace Must Always Support the Resistance’, 25 août 2006.

(2)   Al-Mustaqbal (Syrie), le 28 août 2006.