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LE MYTHE DU PASSANT INNOCENT

 

Par Evelyne Gordon, journaliste

Paru dans le Jerusalem Post édition internationale des 28/7-3/8 2006

Traduit par Albert Soued, www.chez.com/soued/conf.htm

 

L'un des aspects les plus étranges de cette crise israélo-libanaise c'est l'unanime insistance de la communauté internationale prétendant que le gouvernement libanais est innocent dans cette guerre et, par conséquent, il ne devrait pas subir les conséquences des actions du Hezbollah.

La déclaration officielle de la réunion du G8, par exemple, disait qu'Israël devait éviter toute initiative qui pourrait déstabiliser le gouvernement du Liban. Angela Merkel disait aux journalistes "Nous sommes convaincus qu'il faut accorder tout notre soutien au Gouvernement du Liban!" Tout en disant qu'Israël avait le droit de se défendre, le président G Bush a précisé qu'il ne fallait pas qu'il affaiblisse le gouvernement du Liban….

Cette affirmation de l'innocence de Beyrouth a inévitablement influencé les critiques subies par Israël lors de sa riposte aux attaques du Hezbollah. Ainsi par exemple le président finlandais de l'UE (Union Européenne), a déclaré "l'UE est très préoccupée par l'usage disproportionné de la force par Israël au Liban…On ne peut justifier le blocus aérien et maritime"

En fait ce blocus était sans doute justifié contre le Hezbollah, pour l'empêcher de s'approvisionner en missiles, en n'oubliant pas que l'aéroport de Beyrouth a été la principale plaque tournante pour ces armes. Dans les guerres entre états, la légitimité des blocus ne peut être mise en question, car c'est le moyen normal d'arrêter le flux d'armes ennemies. Mais c'est la vision erronée de l'UE quant aux partenaires de la guerre, estimant que le gouvernement de Beyrouth n'était qu'un "passant innocent", qui lui a fait percevoir le blocus comme une punition infligée à un pays tout entier, pour des actes de quelques voyous. En fait, l'attaque du Hezbollah était loin le fait des seuls  voyous, lancée dans l'ignorance du gouvernement établi. Le gouvernement l'a activement soutenue, en paroles et en actes.

D'abord le Hezbollah reste un membre du gouvernement avec 2 sièges au cabinet. Il a probablement exécuté l'enlèvement des soldats israéliens sans le consentement, ni l'information des autres membres du cabinet. Mais dans tout pays normal, ce genre de comportement aurait dû être désavoué et le Hezbollah exclus du gouvernement. Bien au contraire, le gouvernement libanais a défendu avec passion les attaques du Hezbollah, au niveau international. Le 15/7, à une réunion de la Ligue Arabe, par exemple, le ministre des affaires étrangères de l'Arabie saoudite, appuyé par la Jordanie, le Koweit, l'Irak, l'AP, les émirats… a vilipendé cette attaque du Hezbollah la qualifiant de "inappropriée et irresponsable". Alors que son homologue libanais Fawzi Salloukh, loin d'agréer, a présenté un projet de résolution défendant cette attaque. Celle-ci spécifiait que "le Liban avait le droit de résister à l'occupation par tout moyen légitime…", demandait la libération de tous les prisonniers Libanais (voir ci-dessous). Ces revendications ont justement été le prétexte du Hezbollah pour justifier son attaque d'Israël.

Il faut savoir que le Hezbollah n'a pas accepté la constatation officielle par l'Onu qu'Israël s'était retiré de tout le territoire libanais en 2000, insistant que les "fermes de Sheba" étaient libanaises contrairement à la décision onusienne précisant, preuves à l'appui, que ce territoire était syrien. Le Hezbollah avait besoin d'un prétexte territorial pour continuer à harceler son voisin Israël. Et le gouvernement Libanais, par la voix de son ministre des affaires étrangères, a précisé "qu'il avait le droit de résister à l'occupation israélienne", rejoignant ainsi le prétexte du Hizbollah plutôt que la décision de l'Onu.

 

Ensuite, le Hezbollah a toujours menacé d'enlever des soldats israéliens pour les échanger contre le seul Libanais en prison israélienne, Samir Kuntar, plusieurs fois condamné pour infiltration et assassinats (un habitant de Naharya et sa fille de 4 ans, assassinés de sang froid, puis un policier). C'était en 1979, 3 ans avant l'invasion du Liban par Israël en 1982. Quand Fawzi Salloukh affirme le droit du Liban de libérer ses prisonniers, il fait référence à celui envoyé par le Hezbollah pour assassiner, et par conséquent, il est son complice dans le forfait.

 

Mais le gouvernement libanais ne s'est pas seulement contenté de soutenir les attaques du Hezbollah contre Israël après coup, il les a facilitées. Ces attaques n'auraient pas eu lieu si le Liban avait exécuté la résolution 1559 de l'Onu lui demandant de désarmer le Hezbollah et de déployer son armée le long de la frontière avec israël. En fait l'armée libanaise a laissé le champ libre au Hezbollah pendant 6 ans au sud Liban, en prétextant la faiblesse des effectifs. Mais cette excuse ne peut être avancée pour les autres actions du gouvernement libanais qui ont facilité la guerre actuelle du Hezbollah: l'introduction libre et visible par l'aéroport de Beyrouth de 12 000 missiles et de matériel de guerre lourd et conséquent. Un autre point de passage contrôlé par l'armée libanaise, la frontière avec la Syrie: là aussi du matériel et des armements ont traversé sans histoire. L'armée libanaise a aidé le Hezbollah à attaquer la marine israélienne le 14/7, en mettant à sa disposition les radars nécessaires à la localisation du vaisseau visé, radars que le Hezbollah n'a pas.

 

Loin d'empêcher les attaques du Hezbollah contre Israël, le gouvernement libanais l'a activement défendu, facilité et aidé à tout moment. Il n'y a aucune raison de le considérer comme un "passant innocent". Et toute solution de la crise actuelle passe par cette constatation, le gouvernement Libanais est "de mèche" avec le Hezbollah qui pourtant ne représente qu'une infime partie de la population.

 

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