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LE GRAND SIMULACRE

 

Par Barry Rubin, directeur du Global Research in International Affairs Center, et rédacteur en chef de la Middle East Review of International Affairs.

Paru dans le Jerusalem Post du lundi 27 Juin 2005

Traduction Jean-Pierre Bensimon – Primo-Europe

 

La situation actuelle d’Israël et des négociations israélo-palestiniennes mérite d’être qualifiée de bizarre, à bon droit. Pour comprendre les évènements à venir, on doit décrire très exactement où nous en sommes aujourd’hui.

• Il est dans l'intérêt de pratiquement tout le monde de faire semblant de croire qu’il y a une véritable chance d’aboutir à un accord de paix, et que de ce fait il y un progrès. En réalité on est dans l’impasse, avec un noyau dirigeant palestinien bien incapable de contribuer à l’élaboration d’un traité qui mette fin conflit.

• La stratégie de Mahmoud Abbas consiste à rechercher la conciliation avec ses adversaires radicaux plutôt qu’à remplir ses engagements et faire la paix avec Israël. Il recherche la conciliation avec ses compagnons des hautes sphères du Fatah, les bandes armées des Brigades des Martyrs d'Al-aqsa, du Hamas et du Jihad islamique. Pour éviter de les contrarier, il n'a absolument pas l’intention de confisquer leurs armes, de mettre un terme à l'incitation à la haine anti-israélienne, d’enterrer pour toujours l’objectif commun d’élimination d’Israël, ni d’exercer une pression trop forte pour mettre fin aux attaques contre Israël. Abbas ne mettra probablement pas en place un gouvernement stable dans la bande de Gaza après le retrait d’Israël. Il ne prendra aucune mesure radicale contre la corruption, les bandes armées, l’anarchie qui règne dans les villes palestiniennes, et il ne prendra pas le contrôle effectif des forces de sécurité.

• Même si Abbas "gagne" les prochaines élections, le Hamas, les islamistes, les gauchistes et les militants du Fatah disposeront d’une minorité de blocage qui le dissuadera d’accomplir les étapes requises vers la paix, et de réaliser ses engagements.

• Les choses vont mieux aujourd’hui que lors des quatre années précédentes parce que le terrorisme recule, mais cela n'annonce en rien une solution. Nous sommes encore dans une situation de « ni guerre, ni paix ». Cependant peu de gens comprennent cela en Occident et moins encore admettent que nous abordons une longue phase intermédiaire avant que puisse intervenir une véritable solution. La paix est aujourd’hui aussi lointaine qu’elle l’était en 1993.

 

Le gouvernement d’Israël se retirera de Gaza et maintiendra ensuite le terrorisme à un niveau "acceptable". Le redéploiement ne sera pas considéré comme un désastre en Israël, mais personne ne pourra dire qu’il a apporté des bénéfices importants.

Dans ce contexte, qu’en sera-t-il de la politique de l’Europe et des États-unis après le retrait de Gaza ? C’est regrettable, mais les gouvernements européens sont généralement indifférents aux impératifs de sécurité d’Israël et à ses intérêts nationaux : ils veulent seulement une "solution" conforme à leur intérêts, obtenue le plus rapidement possible. Ces intérêts consistent à faire du commerce à grande échelle avec les États arabes, à instaurer un climat plus calme dans le monde arabe pour réduire les flux d’immigrants musulmans chez eux, à marquer des points contre les États-unis, et à se poser comme les champions humanitaires des opprimés.

En conséquence, il semble probable qu’ils ne donneront rien à Israël pour les concessions énormes qu’il consent (bien que ces concessions aient été décidées unilatéralement). Ils seront vraisemblablement indifférents, en termes diplomatiques, au chaos à venir dans la bande de Gaza et à l’augmentation des tentatives d’attaques terroristes contre Israël. Ils ignoreront les insuffisances de Abbas et la non application de ses engagements, sauf à les utiliser pour exiger que les choses aillent plus rapidement. Ils interpréteront la feuille de route comme un plan pour créer aussi vite que possible un État palestinien dans les frontières de 1967.

 

La position souvent mal comprise des États-unis est tout à fait différente, mais elle a un point important en commun avec celle des Européens. C’est en effet dans l’intérêt des Américains de faire croire que le processus de paix est viable.

Les architectes de la politique américaine, qui croient que tout remplaçant de Abbas sera pire que lui, feront tout leur possible pour le dépeindre comme un modéré et l'aider à survivre. Quand Abbas ne remplit pas ses obligations, Washington peut le critiquer, mais il ne le punit pas. Washington s’efforcera d’établir de bonnes relations avec Israël et exercera sur lui une pression limitée, mais il lui demandera de donner davantage, même par petites quantités, sans recevoir beaucoup en échange.

Il n’est pas difficile de comprendre les motifs de l’administration Bush. Le gouvernement des États-unis veut montrer à l'Europe et à ses homologues arabes qu'il fait tout son possible pour résoudre le conflit. La vérité, c’est que l’absence de progrès est due à l'intransigeance palestinienne, au refus des États Arabes de donner un coup de main, et à la politique européenne qui les encourage.

Pour les États-unis, le principal problème de la région est de trouver une solution en Irak, de promouvoir la démocratie et de combattre le terrorisme. Les dirigeants américains veulent réduire au minimum l’effet de diversion du conflit israélo-arabe sur cette stratégie. En même temps ils comprennent qu’une solution définitive est inaccessible pour longtemps.

A l’opposé de l'Europe, les dirigeants américains ne sont pressés d’aboutir à la phase des négociations finales. Ils savent que Abbas ne peut pas tenir ses engagements et ils craignent qu’en essayant de parvenir à un accord de paix ils n’aboutissent à un blocage total, comme en 2000, où Yasser Arafat rejeta les propositions de Camp David et le plan de Clinton. Leur but est donc de donner une apparence de progrès dans le contexte d'une étape de transition.

 

Ainsi, les Européens et les Américains demanderont à Israël, dans quatre ou cinq mois quelle sera sa prochaine concession, même si Abbas se dispense de poursuivre les terroristes, de les désarmer, et de les affronter énergiquement. Israël devra proposer quelque chose qui n'est pas trop préjudiciable à ses impératifs de sécurité. La seule chose qui puisse changer ce scénario, ce serait l’effondrement du régime de Abbas, le retour du Hamas à une politique agressive, ou la fin du cessez le feu suite à un grand nombre d'attaques palestiniennes.

 

Cette prévision n'est pas aussi pessimiste qu'il pourrait sembler. Dans la pratique, Israël ne sera pas l’objet de fortes pressions, même s’il est critiqué. La période de transition va se poursuivre, les succès des terroristes seront rares ; les relations israélo-américaines demeureront solides.

Les souffrances éprouvées par les Palestiniens resteront, pour une part écrasante, des souffrances qu’ils s’infligent à eux-mêmes. Et aussi longtemps qu'ils n'auront pas un gouvernement en mesure de mettre un terme à l’anarchie et au terrorisme et qui développe une véritable stratégie de paix, ils devront se contenter des chimères des média qui leurs sont favorables et des déclarations européennes qui n'ont aucun effet sur leur situation matérielle.