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La Faillite du « Machin »

 

Par Dov Zerah

26/09/2024

Source : https://atlantico.fr/article/decryptage/lonu-et-le-droit-international-ces-fictions-conflits-assemblee-generale-societe-des-nations-nations-unies-droit-international-dov-zerah-hirbod-dehghani-azar

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Atlantico : Hier s’est ouverte l’assemblée générale annuelle de l’Organisation des Nations Unis (ONU). Quel(s) jugement(s) peut-on porter sur l’organisation ?

DZ : Le 10 septembre 1960, le général de Gaulle a prononcé un discours à Nantes dans lequel il justifie son refus de financer l'expédition des Casques bleus dans l’ex-colonie belge du Congo, aujourd’hui Congo Brazzaville. Il a, alors, cette formule assassine, « Le machin qu'on appelle ONU. »

Depuis une trentaine d’années, la crédibilité de l’ONU n’a cessé d’être écornée. Alors que les grandes puissances, membres permanents du conseil de sécurité, doivent tout faire pour renforcer l’institution, ils l’ont fragilisée avec :

La 2ème guerre d’Irak engagée par les États-Unis et le Royaume-Uni, sans aval du conseil de sécurité, sous des prétextes fallacieux

L’invasion de l’Ukraine par la Russie alors qu’aux termes du mémorandum signé à Budapest le 5 décembre 1994, Moscou s’était engagé à garantir la sécurité et l’intégrité territoriale de son voisin qui, en contrepartie avait remis au « grand frère » les armes nucléaires stationnées sur son territoire

La Chine n’est pas en reste avec la remise en cause unilatérale de l’accord de rétrocession de Hong Kong, les violations répétées de la souveraineté de Taïwan et surtout les nombreuses tentatives d’appropriation des îles de la mer de Chine…

La cause à l’origine de l’échec, des échecs, de la Société des Nations (SDN, à savoir la mésentente entre les principales puissances, Allemagne, France et Royaume Uni, se retrouve aujourd’hui pour acter la faillite de l’ONU.

La guerre civile syrienne est, à cet égard, un bon exemple. L’ONU n’a rien pu faire pour rétablir la paix civile. Seul le retrait américain décidé unilatéralement par OBAMA, au grand dam des Français, et la prise en main du pays par la Russie, l’Iran et les terroristes du Hezbollah ont permis d’éradiquer les oppositions, au prix de 500 000 morts.

L’institution est en blocage du fait des antagonismes entre Pékin, Moscou et Washington, et il est difficile d’entrevoir une lueur d’espoir compte tenu des volontés chinoise et russe, aidées par de nombreux autres pays (Corée du Nord, Colombie, Iran, Syrie, Turquie…) de contester la puissance américaine et la prédominance occidentale.

Cette « internationale des voyous », également dénommé « le grand sud » n’a qu’un seul point commun, la détestation de la démocratie occidentale, la contestation de la liberté individuelle. Nous sommes confrontés à une remise en cause de notre mode de vie, à une véritable « guerre de religions » … La solidarité entre ces pays entraine un contournement des sanctions édictées par l’ONU.

Prétendre que le grand sud est une extension du groupe des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du sud) est intellectuellement excessif. L’acronyme des BRICS, mis en lumière par une banque internationale, regroupe des pays ayant des indicateurs économiques voisins, et non un programme politique commun.

Dans ces conditions, il est peu probable que l’ONU puisse rétablir sa capacité d’intervention, voire même d’influence. Nous sommes confrontés à une lame de fond, la revanche du Sud face aux « blancs colonisateurs », et elle va durer compte tenu du déséquilibre de croissance démographique.

 

Atlantico : Accordez-vous quelque succès à l’ONU ?

DZ : Depuis sa création en 1945, l’ONU n’a réussi à mettre fin à aucune guerre, n’a pas été en mesure de promouvoir une quelconque paix.

Pour s’en convaincre, reprenons une liste non exhaustive des guerres et conflits depuis 1945.

De la guerre d’Indochine 1946-1954 au génocide au Rwanda en 1994, en passant par les 3 guerres (1947, 1965 et 1971), la guerre de Corée 1950-1953, la guerre entre l’Éthiopie et l’Érythrée 1958-1991, la 2nde guerre du Vietnam 1964-1973, la guerre du Biafra 1967-1970, l’invasion de Chypre par la Turquie en 1974, les Khmers rouges 1975-1978, le conflit au Sahara occidental depuis 1976, l’invasion de l’Afghanistan par l’Union soviétique 1979-1989, la guerre Iran-Irak 1980-1988 …

En égrenant cette liste, il est difficile de trouver un seul conflit solutionné grâce à l’ONU, un seul success story.

En examinant cette liste, il est logique de s’interroger sur la pertinence de la décision d’avoir accordé en 2001 le prix Nobel de la paix à l’ONU ! Il en est de même pour les 11 autres Nobel de la paix attribués à des institutions du groupe des Nations-Unies : programme alimentaire mondial (PAM) en 2020, organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) en 2013, groupe d’experts intergouvernemental pour l’évolution du climat (GIEC) en 2007, agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) en 2005, forces de maintien de la paix de l’ONU en 1988, haut-commissariat pour les réfugiés (HCR) en 1981, organisation internationale du travail (OIT) en 1969, fonds des Nations-Unies pour l’enfance (UNICEF) en 1965, Daag HAMMARSKJÖLD en 1961, à nouveau le haut-commissariat pour les réfugiés (HCR) en 1954 et Ralph BUNCH en 1950.

Quelle que soit la pertinence de ces distinctions, il est difficile d’oublier que le conseil des droits de l’homme a été présidée, à plusieurs reprises, par des représentants de dictatures comme l’Arabie saoudite, la Lybie du colonel KHADAFI, ou la République démocratique du Congo... N'oublions pas la responsabilité de l’ONU dans la propagation en 2011 du choléra à Haïti avec les casques bleus népalais.

 

Atlantico : Existe-t-il selon vous vis-à-vis d’Israël une sorte de “deux poids deux mesures” des institutions internationales, qui ne cessent de s’en prendre à l’État hébreu en fermant les yeux sur les crimes et défauts de nombreux autres États ?

DZ : Oui, sans conteste, et les réactions onusiennes depuis le 7 octobre en apportent la preuve flagrante.

L’ONU et son secrétaire général se sont distingués dans leur hostilité à l’égard de Jérusalem ;

La condamnation du pogrom, comme des violences faites aux femmes le 7 octobre, s’est faite avec retard et mezza voce

Après avoir refusé de condamner les personnels de l’UNRA ayant participé au 7 octobre, aujourd’hui, l’institution a l’outrecuidance de demander leur immunité ! Les victimes n’ont eu droit à aucune excuse.

Le 21 août 2024, l’ONU a commis une ignominie à l’occasion de la 7ème journée internationale du souvenir en hommage aux victimes du terrorisme, en occultant purement et simplement Israël. Si les États-Unis, en nombre de victimes du fait du 11 septembre, est le 1er pays touché par le terrorisme, Israël est le seul à l’être depuis 75 ans ! À un moment où les commentateurs réécrivent l’histoire, il est important de rappeler qu’un terroriste est une personne qui, quelle que soit la légitimité de son combat, s’attaque à des civils. Aucun résistant français, danois, hollandais, norvégien… ou tchèque ne s’en est pris à un civil allemand.

La dernière résolution de l’assemblée générale de l’ONU demande aux États-membres de prendre des mesures pour ne pas livrer d’armes à Israël s’il y a des motifs « raisonnables » de penser qu’elles pourraient être utilisées dans les territoires palestiniens. Cela revient tout simplement à obliger Israël de subir le terrorisme palestinien et à programmer la destruction de l’État juif, au mépris de l’article 51 de la charte des Nations-Unies qui protège le droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective.

Israël est le seul pays de l’ONU à bénéficier du traitement privilégié d’avoir la très grande majorité des résolutions de l’assemblée générale le condamnant. C’est devenu un marronnier pour les États arabes et islamiques, avec la complicité de certains pays européens, de montrer du doigt l’État juif. Rappelons-nous la résolution de 1974 assimilant le sionisme au racisme

Dans la même veine, l’UNESCO n’a pas hésité à nier les liens entre Israël et Jérusalem d’une part et les Juifs d’autre part… Par ses excès anti-israéliens, l’ONU s’est interdite tout rôle constructif au Proche Orient.

En mai 1967, l’inaction de l’ONU en ne permettant pas le respect de la libre circulation dans le détroit de Tiran et le canal de Suez et en acceptant le dictat égyptien de retrait des casques bleus, a conduit à la guerre.

À aucun moment depuis sa création, l’ONU n’a été un facilitateur pour la promotion de la paix au Proche Orient. Elle n’a eu aucun rôle dans les différents accords entre l’État juif et ses voisins : Accords d’armistice signés en 1949 entre Israël et chacun des 4 pays arabes, Égypte, Liban, Syrie et Transjordanie ; Accords d’armistice entre Israël et 2 pays arabes, Égypte et Syrie en 1974 ; Traité de paix israélo-égyptien de 1979 ; Accords d’Oslo de 1993 entre Israéliens et Palestiniens ; Traité de paix entre Israël et le Jordanie de 1994 ; Accords d’Abraham entre Israël et plusieurs pays arabes, Bahreïn, Émirats arabes unis (EAU), Maroc et Soudan en 2020.

Comble de son inefficacité, elle a alimenté les antagonismes lorsque le 22 novembre 1967, le conseil de sécurité a adopté la résolution 242 demandant le « retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés », version française, alors que le texte en anglais mentionne « de territoires ».

Forum permanent anti-israélien, l’ONU a fait de l’État juif le bouc émissaire de tous les maux de la planète. Comment alors s’étonner de la déferlante antisémite à laquelle nous assistons depuis le 7 octobre ?

 

Atlantico : Quelles sont les racines de l’ordre juridique international ? Cela remonte-t-il à la Société des Nations ? Comment et à travers qui s’exerce le droit international ?

DZ : Les premières manifestations du droit international public (DIP) sont bien antérieures à la Société des Nations (SDN).

Il est possible de remonter à l’Ancien testament, et notamment dans le Deutéronome, pour trouver des critères d’engagement, des règles précises de la conduite de la guerre, notamment l’interdiction de provoquer la famine.

Dans l’Antiquité, l’essor des cités grecques a entrainé la généralisation des règles relatives aux protections diplomatiques et consulaires, à l’arbitrage, aux traités, au statut et droits des otages et prisonniers... Rome les a reprises et développées. Mais ces règles ne constituaient pas un ensemble homogène.

Il a fallu attendre le XVème siècle, la fin du moyen âge et de la féodalité, la constitution concomitante de grandes puissances pour avoir le point de départ de la construction du DIP.

Dès le début des grandes découvertes, les États éprouvent le besoin d’établir des règles pour déterminer les conditions d’attribution et de possession des territoires.

Fondement de la paix et de la stabilité collective, le DIP s’est progressivement constitué et enrichi. Les négociations des traités de Westphalie de 1648 caractérisent l’apparition du multilatéralisme et marquent une étape importante. Mais, il y a aussi les traités comme celui de Vienne de 1815, de Versailles de 1919… Au fil des ans, les guerres ont entrainé des réactions positives, comme la création de la croix rouge après la bataille de Solférino en 1856, les conventions de Genève, de la 1ère en 1864 à celles de 1949 ; le tribunal de Nuremberg après la Shoa…

Dans ce panorama historique apparaissent des personnages comme Hugo GROTIUS auteur du « droit de la guerre et de la paix », ou Saint Thomas d’AQUIN et son concept de « guerre juste ».

L’émergence de l’État moderne et l’affirmation du principe de l’état de droit tant en interne qu’à l’international ont constitué de profonds stimulants à la constitution d’un corpus cohérent de règles pour régir les relations entre les États. Développée par le siècle des Lumières, la nécessité d’avoir un « contrat social » entre les membres d’une communauté nationale, est étendue aux États acteurs du Monde.

Mais cette patiente construction multiséculaire, voire multimillénaire est en train d’être détricotée par les dictateurs.

Jusqu’en 1945, la guerre commençait par une déclaration de guerre et se terminait par un traité de paix. Rien de tel aujourd’hui, notamment à cause des guerres asymétriques avec des terroristes.

 

Atlantico : L’ordre juridique international a-t-il jamais véritablement existé et pu s’exercer de manière effective ? Le droit international n’est-il pas le symbole d’une domination militaire et économique de l’Occident, qui a pu donner l’illusion d’une domination morale et idéologique ?

DZ : Par construction, le droit interne d’un pays est l’expression de la pensée dominante, ne peut être que « politiquement correct » ! Il en est de même pour le droit international, tant public que privé.

Les quatre piliers de la gouvernance mondiale mise en place après la 2nde guerre mondiale sont de plus en plus fragilisés :

L’ONU qui était censée faciliter la durabilité de la paix et gérer les crises, conflits et autres guerres

Depuis les Accords de la Jamaïque de 1975 abandonnant les changes fixes et laissant les marchés arbitrer, le fonds monétaire international (FMI) a perdu son rôle de gendarme monétaire et s’est transformé en super banquier des crises de certains pays. De ce fait, le dumping monétaire chinois peut se développer sans aucune contrainte et déstabiliser toute l’industrie européenne

La création par la Chine de la Banque asiatique d’investissements concurrence directement la Banque mondiale et la banque asiatique de développement

Le libre échange préconisé d’abord par les accords du GATT puis par l’OMC est battu en brèche pat une Chine conquérante. Plus généralement, le multilatéralisme est de plus en plus contesté même par des États censés être libéraux comme les États-Unis.

Nous assistons au retour de l’affirmation de l’État et au déclassement des institutions multilatérales. Tout autant que l’ONU, nous assistons à la faillite de certaines institutions continentales ou régionales ; ni l’OUA, ni la CEDEAO n’a fait grand-chose contre les coups d’État dans sept pays africains : Burkina Faso, Gabon, Guinée Conakry, Mali, Niger, Tchad.

La Chine fait aussi cavalier seul sur le sujet de la dette africaine ; elle a déjà annulé certaines dettes, mais elle l’a fait de manière bilatérale, en dehors des règles collectives du Club de Paris. La procédure multilatérale est essentielle pour empêcher qu’un créancier obtienne des contreparties dolosives.

La récente décision allemande de remettre des frontières nationales constitue un autre exemple la décrédibilisation d’institutions ou procédures collectives.

Dans ces conditions, la rénovation du système mis en place au sortir de la 2nde guerre mondiale, ou la construction d’une nouvelle gouvernance est peu vraisemblable tant les antagonismes sont forts.