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L’ESCALADE A ETE DECIDEE PAR LE PARTI DE DIEU ET L’IRAN

 

Magnus Ranstorp, universitaire suédois, membre du Defense National College de Stockholm, éminent spécialiste du Hezbollah, qu’il suit depuis vingt ans.

Propos recueillis par Georges Malbrunot.

Le Figaro le 22 juillet 2006

LE FIGARO. – Comment le Hezbollah a-t-il décidé d’enlever les deux soldats israéliens ?

Magnus RANSTORP. – Une telle décision est prise par son chef, Hassan Nasrallah, au sein de la choura karar, la plus haute instance de décision du mouvement.

Celle-ci compte sept membres, dont deux Iraniens attachés à l’ambassade d’Iran à Beyrouth, qui sont liés aux services de renseignements de Téhéran.

À travers eux, l’Iran sait exactement ce que fait le Hezbollah, surtout quand une décision à prendre dépasse les lignes rouges habituelles, comme d’attaquer Israël hors des fermes de Chebaa (NDLR : occupées par l’État hébreu).

Dans ce cas, le Hezbollah consulte également les Syriens, car un enlèvement de soldats israéliens a des implications pour la sécurité de la Syrie.

Avec Damas, les consultations se font souvent via l’agent de liaison Hassan Khalil, qui est en liaison avec les services de renseignements militaires à Damas.

 

Quels sont les autres liens entre le Hezbollah et l’Iran ?

Ils passent par l’ambassade d’Iran à Beyrouth, la plus importante hors d’Iran, et par le représentant personnel du guide Ali Khameneï au Liban, cheikh Mohamed Yazbek.

Mais ce n’est pas tout. Imad Moughnieh, qui fut responsable de certains enlèvements d’Occidentaux dans les années 80 au Liban, joue également un rôle très important.

Il fait la navette entre Téhéran et Beyrouth, via l’aéroport de Damas, avant d’emprunter les routes militaires de la plaine de la Bekaa. Moughnieh, toujours traqué par les Américains, ne passe jamais par l’aéroport de Beyrouth.

Il est lié directement à Nasrallah, qui a lui-même des liens personnels anciens avec les dirigeants iraniens.

À travers Moughnieh, le Hezbollah et l’Iran se sont impliqués dans l’intifada palestinienne depuis 2000. Moughnieh est notamment chargé du recrutement d’étrangers pour des opérations de reconnaissance en Israël ou ailleurs. Et à Beyrouth, le représentant du Hamas, Oussama Hamdane, est aussi un pion essentiel dans l’implication iranienne en Palestine ; il était auparavant le représentant du Hamas à Téhéran.

                     

Comment fonctionne le Hezbollah ?

 

Soixante-dix personnes comptent au sein de la direction des dignitaires religieux, des « militaires » et des technocrates.

Et vous avez aussi 80 Iraniens environ, des conseillers militaires pour la plupart, très discrets.

Sur le terrain, le Hezbollah compte 75 zones militaires dirigées par des commandants locaux.

Les plus importantes sont au sud face à Israël, sous la responsabilité de Cheikh Nabil Kaouk. Elles recrutent des jeunes chiites qui connaissent le terrain. Hezbollah a pris soin d’atomiser ses bases pour échapper aux attaques israéliennes. Il ne dispose plus de camps d’entraînements fixes et ses unités sont devenues très mobiles.

Dans son fief de la Bekaa, la plupart de ses responsables militaires ont une couverture officielle, des commerçants par exemple. Ils peuvent ainsi se noyer parmi la population.

                    

Sont-ils obnubilés par leur sécurité ?

Ils ne font confiance à personne. Comme les Israéliens, le Hezbollah dispose de fiches sur beaucoup d’individus, afin de lutter contre les infiltrations.

Son service de renseignement infiltre les autres mouvements libanais. Il est dirigé par Wafic Safa, l’homme des négociations avec le BND, le service de renseignement allemand, à propos des otages israéliens détenus par le Hezbollah, une affaire qui va prendre du temps, je le crains.

Israël et le Hezbollah sont des ennemis, mais ils se respectent. Les Israéliens n’ont pas tué un seul membre des 75 plus hauts responsables du Parti de Dieu depuis dix ans. Ils connaissent le prix d’un tel crime. De son côté, le Hezbollah connaît parfaitement la vie politique israélienne.

Comme Israël, le Hezbollah est attaché à la guerre psychologique. En 2001, il a construit des studios souterrains, d’où sa chaîne de télévision al-Manar diffuse, alors que le Liban est sous les bombes. Influencer les masses arabes a toujours revêtu une grande importance pour le Hezbollah.

                             

Israël peut-il briser l’appareil militaire du Hezbollah ?

Cela dépend du nombre de missiles qu’il leur reste. Les Israéliens ont tiré sur des camions qui transportaient des missiles longue portée. Ils ont cherché à les exposer pour les neutraliser rapidement. Mais le Hezbollah est expert en matière de guérilla. Le briser me semble très très difficile.

 

Quel est le but ultime du Hezbollah au Liban ?

Se doter d’une plate-forme qui lui permette de continuer la lutte armée contre Israël.                  Son agenda dépasse le cadre libanais, il est dicté par l’Iran. N’oubliez pas qu’il garde aussi une capacité terroriste à l’étranger. Nasrallah appelle à la fin du confessionnalisme politique au Liban.

Étant les plus nombreux, s’il y a des élections démocratiques, leurs partisans chiites les remporteront, et il y aura un mini- Iran aux portes d’Israël.