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QUE LES ETATS-UNIS VIENNENT NOUS LIBÉRER !  

 

Par Farid Pirouzian - Gooya News

Traduit et publié par Courrier international - n° 751 - 24 mars 2005      

 

Au moment où Téhéran se mobilise face aux pressions de Washington, un article sur un site iranien plaide au contraire pour une intervention militaire, seul chemin vers la démocratie en Iran.       

Ces derniers temps, un certain nombre d’articles consacrés à l’éventualité d’une attaque militaire et d’une occupation américaines de l’Iran ont été publiés par des personnalités iraniennes. La thèse défendue dans ces articles consiste à dire qu’une intervention et une occupation militaires rendraient nécessairement impossible l’installation de la démocratie en Iran. Elles auraient même pour conséquence de laminer complètement le mouvement démocratique iranien et de provoquer une partition du pays.

Certes, nous avons des exemples d’occupation militaire d’un pays par un autre avec des conséquences désastreuses en termes de promotion de la démocratie ; mais il existe aussi des contre-exemples où une occupation a pu jouer un rôle de catalyseur de la démocratie – l’Allemagne ou le Japon après 1945, ou plus récemment l’Afghanistan et l’Irak. Certains estiment ainsi que la démocratie ne peut être qu’une production locale et qu’aucune force étrangère n’est en mesure d’instaurer en Iran le règne de la démocratie et des droits de l’homme. Selon eux, nous devrions nous en remettre à ce lent processus qui, comme le pense Shirine Ebadi [avocate iranienne Prix Nobel de la paix], nous conduirait in fine à la démocratie.

Le mouvement démocratique existe bel et bien en Iran

L’action en faveur de la démocratie de la part de journalistes, de défenseurs des droits de l’homme, d’associations d’étudiants et même de personnes évoluant au sein de l’appareil d’Etat est là pour montrer qu’il existe bel et bien en Iran un mouvement démocratique. Ce mouvement d’intellectuels est une condition certes nécessaire mais à elle seule insuffisante pour que l’Iran se démocratise réellement. Croire que ce mouvement extrêmement lent va avec le temps nous rapprocher de la démocratie s’apparente donc à une belle illusion. En effet, ce n’est pas avec quelques intellectuels que l’on fonde une démocratie. Dans la mesure où la conjoncture socioéconomique et la situation politique et culturelle vont en se détériorant, la probabilité qu’un gouvernement démocratique soit capable de gérer seul le pays semble très faible. Année après année, notre économie se porte de plus en plus mal. On assiste ainsi en Iran à une hausse des prix vertigineuse, à un creusement du fossé entre classes sociales et à l’extension du fléau de la drogue. La croyance à toute sorte de superstitions et l’attirance pour les sectes se répandent dans toutes les couches de la société, y compris chez les plus diplômés. Dans ces conditions, le facteur temps prend toute son importance. En effet, plus les fondamentaux économiques et sociaux se dégradent, moins la situation sera propice à l’avènement d’un gouvernement démocratique.
Imaginons un instant qu’après plusieurs décennies de lutte en faveur de la démocratie, l’Iran accède enfin à ce régime politique. Le prix que l’Iran aura alors eu à payer aura été extrêmement lourd. Pendant ces vingt à vingt-cinq années – pour prendre un exemple de durée réaliste –, l’Iran aura accusé un retard très important par rapport au monde et à ses voisins tels que la Turquie ou Dubaï. Dans ces conditions, si nous voulons poursuivre selon ce même processus lent pendant encore vingt à vingt-cinq ans, les valeurs démocratiques que nous désirons tant pour notre pays risquent de ne déboucher que sur de la désolation. Il n’y a donc pas de temps à perdre. Chaque minute qui passe nous sépare encore davantage du monde civilisé.

Un bilan catastrophique après 25 ans de gestion

Le régime actuel en Iran est bien incapable de tenir un discours justifiant sa présence. Ces gens, dont la gestion du pays après vingt-cinq années de pouvoir s’avère être une faillite complète, auraient bien du mal à faire des promesses d’avenir à la population. Dès lors, le seul discours qui justifie l’existence de ce régime consiste précisément à dire qu’il n’existe pas d’autre alternative. Même Khatami, à lire son site officiel, considère que l’Iran cumule trop de handicaps sociaux et historiques pour pouvoir accéder dans un avenir proche à la démocratie. Il est vrai que l’état de l’opposition iranienne aujourd’hui donne en quelque sorte raison à la République islamique. En effet, en vingt-cinq ans, l’opposition iranienne de l’extérieur a été incapable de créer la moindre plate-forme démocratique commune. Les Iraniens de l’intérieur comme de l’extérieur ont bien compris que cette opposition, aussi éprise de démocratie soit-elle, n’est pas en mesure de diriger le pays. Des groupes à l’idéologie totalitaire, comme les Moudjahidines du peuple, pourraient sans doute, eux, prendre le pouvoir par la force en l’absence de la République islamique. Dès lors, la seule alternative ne peut résider que dans l’intervention d’une puissance étrangère organisée. Celle-ci, en l’occurrence les Etats-Unis, pourrait protéger les démocrates iraniens des ennemis d’une société libre – qu’il s’agisse des Moudjahidines ou du Hezbollah (milice du régime). Les Etats-Unis aideraient de la sorte l’opposition iranienne, qui n’a toujours pas appris à s’asseoir autour d’une table, à entrer dans le jeu démocratique.

En réponse aux doutes de Khatami, il convient simplement de dire que le principal obstacle à l’avènement de la démocratie en Iran n’est autre que la République islamique elle-même. Il faudrait en effet lui demander pourquoi les Kurdes et les chiites d’Irak ont découvert la culture démocratique alors que les Iraniens en seraient incapables. Les Américains, même s’ils ne le font qu’en fonction de leurs intérêts, peuvent certainement, tout comme ils l’ont fait en Irak et en Afghanistan, créer en Iran un contexte favorable à la démocratie.