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Les Ayatollahs et le Moment Pearl Harbor

Par Amir Taheri    
13/01/2012 
Adaptation Marc Brzustowski     
http://www.asharq-e.com/news.asp?section=2&id=28072 
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Le leadership global de l’hyperpuissance américaine est “terminé” et le Capitalisme est au bord de l’effondrement”. Le temps est venu, pour la République Islamique de conduire l’humanité vers une nouvelle voie »

Ceci est le message que, cette semaine, deux dirigeants iraniens de premier plan ont essayé de répandre à l’intérieur, en Iran et à l’étranger.

A l’intérieur de l’Iran, le “Guide Suprême » Ali Khamenei s’est rendu à Qom, au cours de sa sixième visite de l’année dans cette ville pour mobiliser la base cléricale déclinante du régime.

Rappelant les victoires du prophète Ghazavat, Khamenei s’est vanté d’être « au seuil d’un nouveau moment de vérité, comme ceux de Badr -2- et de Khaybar  -1-».

A des milliers de kilomètres de là, à Caracas, la capital vénézuélienne, le Président Mahmoud Ahmadinedjad se vantait de la façon dont l’Amérique Latine, « autrefois l’arrière-cours du Grand Satan américain », était en train de devenir rapidement « le poste avancé d’une révolution globale », dirigée par l’Iran.

Commentant cette visite, le quotidien Kayhan de Téhéran est même allé plus loin : « Aujourd’hui, l’Amérique latine est l’arrière-cour de l’Iran », a-t-il affirmé dans un éditorial, ce mardi.

L’illusion selon laquelle les Etats-Unis sont au bord de l’effondrement et que leur rôle-phare pour le monde sera dévolu à l’Iran, est devenu un thème central de la propagande khomeyniste.

C’est le thème central des discours dans les séminaires, auxquels assistent des professionnels de l’anti-américanisme venus d’Europe et des Etats-Unis, et un sujet favori pour les éditoriaux dans les medias appartenant à l’Etat.

Presque chaque jour, l’agence de presse officielle fait figurer l’interview d’un quelconque supposé “expert international”, depuis des régions aussi distinctes que la Russie ou la Bolivie, prétendant que les “jours du Grand Satan sont comptés”.

Vraisemblablement influencés par de tels “experts”, les généraux du Corps des Gardiens de la Révolution Islamique (CGRI) affirment, de façon devenue routinière, qu’ils cherchent une occasion “de donner une leçon à l’Amérique”.

Un effet de l’escalade dans l’orgueil khomeyniste se traduit par la disparition virtuelle d’Israël dans la propagande haineuse officielle.

Il fut un temps où “rayer Israël de la carte » était la façon la plus sûre d’atteindre un moment de gloire d’au moins 15 minutes, pour n’importe quelle crapule.

Aujourd’hui, Israël est perçu comme une ennemi trop insignifiant pour le puissant empire khomeyniste. Les crapules ont grimpé dans l'échelle, de plusieurs barreaux supplémentaires, pour parler, désormais, de rayer les Etats-Unis de la carte.

Certains responsables moins affectés par des accès d’orgueil, offrent une analyse plus modérée. Le ministre des affaires étrangères Ali-Akbar Salehi, par exemple, dit que, avec les Etats-Unis se dirigeant vers la porte de sortie, l’Iran pourrait partager une gouvernance globale, notamment avec la Chine et la Russie, en forgeant un « Nouvel Ordre Mondial ».

Des propagandistes déguisés en universitaires sont en train de construire une industrie fondée sur les prétentions que les Etats-Unis sont devenus un “Tigre de papier” et que quiconque doté d’une once de courage pourrait lui tordre le bras en toute impunité.

Des journaux entiers consacrent leurs publications sur la manière dont les Etats-Unis, sous le Président Barack Obama, “se sont enfuis” d’Irak et se préparent à « fuir” d’Afghanistan. Plus encore s’appuient sur le fait qu’Obama ait rédigé des lettres à Khamenei sans obtenir la moindre réponse.

 

Tous comptes faits, les Etats-Unis ont tout-à-fait les moyens de défendre leurs intérêts. Ils dépensent plus de 700 milliards de $, presque autant que le Produit National Brut (PIB) de l’Iran, sur le budget de la Défense. Le corps expéditionnaire américain fait le double du total des corps expéditionnaires de la Chine, de la Russie, de l’Inde, du Japon, du Brésil, de la France et du Royaume-Uni.

Les Etats-Unis disposent de la seule marine en eaux profondes capable d’opérer sur tous les océans (la semaine dernière, c’était bien la marine des Etats-Unis, et non les "navires conquérant le monde" du CGRI, qui ont libéré les pêcheurs iraniens kidnappés et détenus par les pirates somaliens depuis des mois).

La petite portion des actifs maritimes et aériens des Etats-Unis concentrés autour de l’Iran et dans les régions environnantes fournissent, en toute occasion, bien plus de puissance de feu que le « Guide Suprême’ » ne pourrait jamais rassembler.

Pour l’Iran, provoquer une confrontation militaire avec les Etats-Unis ferait une très mauvaise affaire, c’est le moins qu’on puisse dire.

L’hypothèse disant que les Etats-Unis sont “finis”, en tant que superpuissance, est également, erronée. 

Quoi qu’il arrive, les Etats-Unis sont le troisième pays le plus vaste, en termes de territoire et de population. C’est aussi la plus forte économie du monde, avec un PIB d’environ 15 trillions de $, presque un quart du PIB global total.

Alors que la puissance économique et militaire a contribué à affirmer la pole-position de leadership de l’Amérique, cette position n’est pas le fruit de la seule puissance brute. Depuis plus d’un siècle, pour différents peuples tout autour du globe, les Etats-Unis ont été un pôle magnétique culturel et politique d’une attractivité unique en son genre.  

Il n’y a pas d’Américains qui souhaitent immigrer en Iran ; mais allez dans les Consulats américains de Dubaï ou d’Istanbul et vous pourrez voir des files d’attentes de gens cherchant à obtenir un visa pour les Etats-Unis aller et venir autour des bâtiments.

Les Américains ne se précipitent pas pour acheter le Rial iranien, qui a perdu 50% de sa valeur à l’égard du dollar dans les quelques derniers mois qui se sont écoulés.

Avant que les Mollahs ne s’emparent du pouvoir, un dollar américain était échangé contre 70 rials iraniens. La semaine dernière, le dollar valait 18 000 Rials, alors que les Iraniens faisaient la queue pour acheter du billet vert.

Construire une stratégie sur de l’anti-Américanisme brut est autant mal avisé que, finalement, autodestructeur. Le cours de l’histoire est encombré des épaves éparpillées des rêves anti-américains. A son époque, Hitler prévoyait « la Fin de l’Amérique » et l’avènement « du leadership aryen global ». Les militaristes japonais chantaient leurs hymnes à « la fin de l’Amérique » comme on chante des cantiques et Staline et ses successeurs ont fait dégénéré le Marxisme en un culte « anti-Américain » à l’état brut. Mao Tse Toung a été l’inventeur original de l’expression « Tigre de papier », pour décrire l’Amérique. Des despotes plus vulgaires, comme Saddam Hussein et Mouammar Kadhafi se sont aussi appuyés sur l’Anti-Américanisme.

La version khomeyniste est encore plus déplacée, parce que, en tant que peuple, les Iraniens ne sont pas anti-Américains. Depuis des décennies, tout sondage d’opinion a démontré que les Etats-Unis sont plus populaires en Iran qu’en France ou même en Grande-Bretagne.

Employant l’illusion que les Etats-Unis n’aurait plus la volonté de defendre ses intérêts et les intérêts de ses alliés, les factions radicales belliqueuses exhortent à l’irruption d’une confrontation militaire avec le « Grand Satan ». La menace du Corps des Gardiens de la Révolution de fermer le Détroit d’Hormuz était une provocation délibérée.

De tels gestes [de provocation] sont dangereux pour l’Iran et pourraient s’avérer mortels pour le régime. Ils pourraient provoquer un Moment Pearl Harbour, bien plus sûrement qu’un Moment Badr ou Kheybar, contraignant un public réticent à soutenir une action militaire contre l’Iran. En situation de faillite idéologique, Khamenei pourrait bien entraîner l’Iran vers la guerre.

 

Notes

 

La Bataille de Khaybar ou Khaïbar (arabe : خيبر) a opposé, lors de la septième année de l'Hégire (628-629), Mahomet et ses fidèles aux Juifs vivant dans l'oasis de Khaybar, située à 150 kilomètres de Yathrib, actuelle Médine, dans la partie nord-ouest de la péninsule arabique, actuellement en Arabie saoudite. La ville était assez riche, bien fortifiée et majoritairement peuplée de juifs avant cette expédition, qui devint le symbole de la victoire musulmane sur les juifs.

 

Bataille de Badr : Il s'agit de l'attaque d'une grande caravane commerciale mecquoise, voyageant de Syrie vers La Mecque, dans le but de s'emparer des marchandises. Elle était dirigée par Abû Sufyân, un Quraychite ennemi de Muhammad, qui avait rassemblé une force de 3002 hommes pour protéger la caravane. Abû Sufyân réussit à éviter l'affrontement pendant plusieurs jours. Pendant ce temps, Abu Jahl rassemblait à La Mecque une force de 600 à 800 hommes pour défendre la caravane et éliminer Muhammad qui faisait obstacle au commerce mecquois.

Les deux forces se trouvèrent face à face le 15 mars 624 à un emplacement de puits nommé Badr, situés entre Médine et La Mecque. La bataille de Badr tourna à l'avantage du petit groupe des Arabes musulmans alors que leurs adversaires étaient beaucoup plus nombreux. Elle aurait fait 72 morts du côté mecquois (dont Abu Jahl) et seulement 14 de l'autre, qui aurait en outre capturé une cinquantaine de prisonniers. Ce succès, fit beaucoup pour la réputation de Muhammad comme chef de guerre, grâce au butin qu'elle rapporta.