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L'Emergence de l’Hégémonie Iranienne

 

Par Emmanuel Navon, dirige le département de Science politique et de Communication au Collège universitaire orthodoxe de Jérusalem et enseigne les relations internationales à l'Université de Tel Aviv et au Centre interdisciplinaire d’Herzliya. Il est membre du Forum Kohelet de politique publique.

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I24News Publié 12 Novembre 2014

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L'effondrement des régimes arabes soutenus par les USA a laissé un vide comblé par Téhéran

La formation d’un nouveau gouvernement au Yémen en début de semaine ne marque pas la fin de la rébellion chiite soutenue par l'Iran dans ce pays. En septembre, les rebelles chiites (également connus sous le nom de "Houthis") ont pris le contrôle de la capitale Sanaa et du port d'Al-Hudayah sur la Mer Rouge (deuxième port du Yémen après celui d’Aden). Le but immédiat de l'Iran est que son allié chiite au Yémen prenne le contrôle de Bab el- Mandeb, qui est un passage stratégique entre la Mer rouge et l'Océan indien. La stratégie globale de l'Iran consiste à encercler l'Arabie saoudite avec des alliés chiites.

 

Ali Akbar Velayati, un ancien ministre des affaires étrangères iranien et actuel conseiller diplomatique du guide suprême Ali Khamenei, a déclaré que son but est que les Houthis deviennent au Yémen ce que le Hezbollah est au Liban, c’est à dire une faction chiite contrôlant un État arabe. Ali Riza Zakani, un député iranien proche de Khamenei, a ajouté qu’avec la chute de Sanaa il y avait désormais quatre capitales arabes sous le joug de l'Iran: Bagdad, Damas, Beyrouth, et maintenant Sanaa. Certes, Bagdad et Damas sont sous la menace du groupe État islamique (EI). Mais les Forces Al-Qods, commandés par Téhéran, ont réussi à maintenir Bagdad sous contrôle iranien, et en Syrie, Bachar al-Assad se maintient au pouvoir grâce au soutien de l'Iran.

Avec l'Irak, la Syrie et le Liban au nord et le Yémen au sud, l'anneau iranien autour de l'Arabie Saoudite se resserre. La prochaine cible de l'Iran est le Bahreïn. Kayhan (le quotidien iranien contrôlé par Khamenei) a récemment prédit que la famille al-Saoud allait finir par tomber et que le royaume sunnite ne survivrait pas à la rébellion houtie au Yémen. Le journaliste iranien Mohammad Sadeq Al-Hosseini a déclaré à la chaîne libanaise Mayadeen que l'Arabie saoudite était une tribu en voie d'extinction et qu’une fois que l'Iran contrôlerait le détroit de Bab el-Mandeb, il bloquerait l'accès d'Israël à l'Océan Indien. Si l’Iran contrôle Bab el-Mandeb, il sera également plus difficile pour Israël d'intercepter les navires remplis d’armes que l'Iran expédie à Gaza.

Il y a dix ans, l'Iran était sur la défensive. Le pays était encerclé par les troupes américaines en Irak et en Afghanistan. Sous la pression des États-Unis, Assad fut contraint de retirer son armée du Liban. Aujourd'hui, la situation a radicalement changé. L'Iran est sur l’offensive. Il est même courtisé par l'administration Obama pour lutter contre l’EI. Dès que l'Iran deviendra un pays au seuil nucléaire grâce à l'accord qu’il est en train de négocier avec l'Occident, il deviendra la nation la plus influente et la plus puissante du Proche-Orient. Un Iran nucléaire, ou même quasi-nucléaire, permettra à cette puissance régionale de contrôler les détroits stratégiques d’Ormuz et de Bab-el Mandeb.

 

Rétrospectivement, l'Iran a été le principal bénéficiaire de ce qu’on a appelé à tort le “printemps arabe”. L'effondrement des régimes arabes soutenus par les Etats-Unis et le retrait américain d'Irak ont laissé un vide comblé par l'Iran. La lutte contre l’EI a fait passer l'Iran, presque du jour au lendemain, de l'ennemi numéro un de l'Amérique au statut de partenaire indispensable. En réalité, les échecs américains au Proche-Orient ont toujours servi, à long terme, les intérêts de l’Iran. Ce fut le cas lorsque les États-Unis renversèrent les Talibans en Afghanistan en 2001 puis Saddam Hussein à Bagdad en 2003. Aujourd’hui, les États-Unis adoptent une attitude conciliante dans les négociations nucléaires afin de sécuriser la prétendue coopération de l'Iran dans la lutte contre l’EI.

 

Pourtant, l’Iran est de plus en plus franc et direct quant à sa stratégie. Il se vante de contrôler quatre capitales arabes, affirme vouloir la chute de la famille al-Saoud, et admet chercher à contrôler les deux détroits stratégiques au nord et au sud de la Péninsule arabique.

 

Quant à Israël, Khamenei vient de tweeter un plan en neuf points pour la destruction de l’État juif. Le secrétaire d'Etat américain John Kerry a condamné cet appel à la destruction d’Israël de Khamenei, le qualifiant d’”inacceptable et de choquant." Pourtant, c’est à l'Iran de Khamenei que l'administration Obama s’adresse pour l'aider à lutter contre l’EI, et c’est avec l'Iran de Khamenei que la même administration veut maintenant conclure un accord sur le nucléaire -un accord qui va placer l’Iran dans une position où il sera quelque mois de la capacité à produire la matière fissile nécessaire à la construction d’une bombe.

 

Les progrès des Houthis au Yémen doivent donc être compris dans un contexte plus large. L’Iran sort gagnant de la lutte fratricide entre sunnites et chiites. Si l'accord se concrétise entre l'Iran et les grandes puissances, la République islamique chiite sera capable de se munir d’une bombe d'ici un an, et son hégémonie au Moyen-Orient sera irréversible.