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BRAVE, JEUNE ET MUSULMANE

 

Par Thomas L Friedman éditorialiste au New York Times

Article paru le 3 mars 2005 dans le New York Times

Traduit par Albert Soued, www.chez.com/soued/conf.htm

 

Les deux dernières années n'ont été faciles pour personne, moi inclus, qui espérait que la guerre d'Irak pourrait déboucher sur une démocratie décente. Et même à la lumière des remarquables élections irakiennes, du renversement du gouvernement pro-syrien au Liban et des réformes qui se concoctent en Egypte, il est trop tôt pour que quiconque crie victoire. Nous manipulons des ingrédients chimiques instables. Ce qui me rend plus optimiste aujourd'hui, ce sont les résultats de la guerre d'Irak et surtout le nombre d'arabes et de musulmans rencontrés depuis le 11/9/01qui m'ont instamment demandé de continuer à écrire sur le besoin de réforme et de démocratie dans cette partie du monde.

 

Bien sûr beaucoup d'Américains sont surpris par cette situation. Il ne faut pas perdre de vue que l'Amérique a longtemps traité les états arabo-musulmans comme une série de stations-service. Touts ce qui nous intéressait, c'était que les pompes soient ouvertes, que les prix soient bas et qu'il soient aimables envers les Israéliens (?). Aussi longtemps que ces régimes nous offraient cela, peu importait ce qu'ils faisaient chez eux. Ils pouvaient maltraiter leurs femmes, ils pouvaient nous insulter dans leurs journaux et prêcher l'intolérance des autres religions autant qu'ils voulaient. Pourvu que les pompes soient ouvertes, les prix bas et qu'ils soient sympas envers les Israéliens (1).

Le 11/9/01, nous avons compris ce qui se tramait dans notre dos. À partir de ce jour, j'ai compris qu'à moins que nous les aidions à changer leurs régimes autocratiques, à créer un espace de liberté et d'expression libre des idées, devant nous ou dans notre dos, nous allions subir d'autres 11/9/01. J'ai toujours su que nous avions là bas des partenaires, mais les mouvements démocratiques qui sont nés depuis m'ont montré des jeunes gens qui souhaitaient assouvir leurs aspirations et réaliser tout leur potentiel, des choses que le pouvoir et les chefs spirituels bloquaient.

Si vous voulez savoir de quoi je parle, lisez le livre de la courageuse Irshad Manji "le problème avec l'Islam aujourd'hui" et les lettres, débats et chats de jeunes musulmans sur son site www.muslim-refusenik.com . Cette Canadienne musulmane et féministe de 36 ans a osé écrire un livre demandant la réforme de l'Islam. "Il n'y a pas de plus grande idée dans le monde musulman aujourd'hui que l'ouverture des portes de la pensée autonome ou "ijtihad". C'est l'idée essentielle de mon livre pour montrer que l'Islam a été une tradition pluraliste autorisant un débat critique et contradictoire et que nous Musulmans nous devons retrouver cette tradition ancienne pour moderniser l'Islam du 21 ème siècle. Ceci n'a rien de subversif; c'est l'essence de la foi" dit-elle (2).

Née en Ouganda d'un père indo-musulman et d'une mère d'origine égyptienne qui a émigré au Canada, Mme Manji fait de nombreuses conférences sur ce sujet dans les campus. "J'ai remarqué depuis longtemps qu'après mes conférences, de jeunes musulmans attendaient le départ de leurs camarades pour venir me voir et me dire "Irshad, nous avons besoin de nombreuses voix comme la tienne pour nous aider à ouvrir cette religion, sinon, nous allons la quitter". Et les sheikhs n'ont pas encore saisi cette tendance. Nous cherchons à sauver l'Islam en montrant aux jeunes générations comment elles peuvent faire partie d'un monde divers et pluriel  tout en étant des croyants."

Dans ce but, Mme Manji a lancé un projet appelé "Ijtihad" dont le but est de créer un centre de leadership attirant de jeunes musulmans ayant l'esprit de réforme afin qu'ils puissent coopérer ensemble et constituer un ensemble confiant pouvant s'opposer au conformisme de l'Islam établi et apprendre qu'il y eut "un âge d'or" où les 3 religions monothéistes travaillaient ensemble pour développer la connaissance, chose dont on ne parle jamais dans les écoles, qu'elles soient religieuses ou publiques, en Islam.

À la demande des étudiants, Mme Manji a pu traduire récemment son livre en arabe et en ourdou, et l'a mis sur le net sur son site. De jeunes Arabes et Pakistanais en parlent déjà. Cette semaine un petit éditeur opérant au Liban et en Allemagne, et venant de s'installer en Irak, a proposé d'éditer son livre en Irak…(3)

"Je ne peux qu'apprécier ce symbole. Bagdad était le centre de la renaissance islamique du 8ème au 12ème siècle; c'était le carrefour des idées, des biens et des hommes" dit-elle.

Cela prendra du temps pour que ces idées cheminent et l'issue est incertaine. La bonne nouvelle est que de jeunes Arabes et Musulmans commencent à parler différemment, "derrière" et de plus en plus d'entre eux demandent à parler "devant".

 

Notes de la traduction

1. cette plaisanterie paraît surprenante vu la répétition de conflits provoqués par les pays arabes contre Israël

2. d'après de nombreux spécialistes de l'Islam, il y a des Musulmans modérés, mais il n'y a pas d'Islam modéré. L'argument est peut-être habile mais la réforme de l'Islam n'est pas pour demain.

3. l'Institut JJRousseau a reçu Irshad Manji à la mairie du 5ème arr. en déc 2004;

en effet il s'agit d'une personnalité frêle et brillante certainement très courageuse. Il en faudrait des centaines comme elle pour rameuter les Musulmans modérés.

 

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IRSHAD MANJI À LONDRES - UNE PLUME QUI DÉRANGE

Article par M. Afroukh - Paru dans al Watan (la Patrie) le 10 mai 2005-

Elle s'appelle Irshad Manji. Elle est écrivain et journaliste et vit au Canada. On la décrit comme " le plus grand cauchemar " de Ben Laden. De passage à Londres, où elle doit animer une conférence jeudi prochain, Irshad s'apprête à appeler au lancement d'un mouvement pour la réforme islamique, dont le but est de réfléchir sur un changement des attitudes dans les sociétés musulmanes vis-à-vis des droits de l'homme, des femmes et du pluralisme. Lors d'une conférence de presse à Londres dimanche, Irshad Manji a fait savoir qu'elle lancera, lors de la conférence de jeudi, sa campagne pour l'ijtihad, le pluralisme islamique, avec comme objectif la création d'une fondation pour les jeunes musulmans portés sur les réformes et prêts à défier certains aspects de leur foi. "Aucune communauté, aucune ethnie, aucune culture et aucune religion ne sont immunisées contre le respect de l'universalité des êtres humains", estime Irshad Manji. "Bien sûr qu'une telle idée véhicule un message controversé à un âge de relativisme culturel. Je crois vraiment que nous pouvons devenir pluralistes sans devenir relativistes", fait-elle remarquer. "A travers nos apitoiements et nos silences manifestes, nous, musulmanes, complotons contre nous-mêmes. Nous sommes en crise et nous sommes en train d'entraîner le reste du monde avec nous. Si le moment est arrivé pour une réforme islamique, c'est maintenant", a-t-elle ajouté. Irshad Manji est l'auteur du best-seller The Trouble with Islam : A Call for Honesty and Change (le problème avec l'Islam: un appel à l'honnêteté et au changement), qui, selon la critique littéraire, est aussi bien lu en Occident qu'en Orient, avec des publications au Pakistan, en Inde, en Turquie et en Irak. Elle a fait l'objet de plusieurs menaces de mort. "Il n'y a pas de doute que certains jeunes musulmans me détestent et détestent mon message. Ils ont tendance à représenter la frange la plus vocale et la plus extrémiste", a-t-elle dit. "Mais là où je vais, des musulmans m'approchent de manière pacifique, particulièrement les jeunes femmes, qui ont désespérément envie de savoir qu'il est possible de se détacher de l'orthodoxie, tout en restant fidèle. Le défi actuel est d'aider à transformer cette soif souterraine de changement en une soif de changement qui soit du domaine public", explique Irshad Manji. "Il y a beaucoup de musulmans versés vers les réformes à travers le monde ; il se trouve tout simplement que chacun de nous travaille dans l'isolement. Nous devons développer ce genre de liens et compter les uns sur les autres". Présentant son livre, Khaleed Mohammed, professeur de religion à l'université d'Etat de San Diego aux Etats-Unis, a déclaré : "Je devrais haïr Irshad Manji. Si les musulmans l'écoutaient, ils s'arrêteraient d'écouter des gens comme moi, un imam qui a passé des années dans une université islamique traditionnelle. Elle menace mon autorité de mâle et dit des choses à propos de l'Islam qui, j'aurais souhaité, ne soient pas vraies. C'est une grande gueule. Mais quand je regarde au fond de mon cœur et mets mon esprit à rude épreuve, j'arrive à une conclusion déroutante : Irshad dit la vérité", estime Khaleed Mohammed.