www.nuitdorient.com
accueil -- nous écrire -- liens -- s'inscrire -- site
CONVERSATION SUR L’ISLAM AVEC ANDRÉ MALRAUX
Source : Valeurs Actuelles n° 3395 paru le 21
Décembre 2001- Dossier : Un siècle religieux
“La nature d’une civilisation, c’est ce qui s’agrège autour
d’une religion. Notre civilisation est incapable de construire un temple ou un
tombeau… Elle sera contrainte de trouver sa valeur fondamentale, ou elle se
décomposera.”
"C’est le grand phénomène de notre époque que la violence
de la poussée islamique. Sous-estimée par la plupart de nos contemporains,
cette montée de l’islam est analogiquement comparable aux débuts du communisme
du temps de Lénine. Les conséquences de ce phénomène sont encore imprévisibles.
A l’origine de la révolution marxiste, on croyait pouvoir endiguer le courant
par des solutions partielles. Ni le christianisme, ni les organisations
patronales ou ouvrières n’ont trouvé la réponse. De même aujourd’hui, le monde
occidental ne semble guère préparé à affronter le problème de l’islam. En
théorie, la solution paraît d’ailleurs extrêmement difficile. Peut-être
serait-elle possible en pratique si, pour nous borner à l’aspect français de la
question, celle-ci était pensée et appliquée par un véritable homme d’Etat. Les
données actuelles du problème portent à croire que des formes variées de
dictature musulmane vont s’établir successivement à travers le monde arabe.
Quand je dis “musulmane”, je pense moins aux structures religieuses qu’aux
structures temporelles découlant de la doctrine de Mahomet. Dès maintenant, le
sultan du Maroc est dépassé et Bourguiba ne conservera le pouvoir qu’en
devenant une sorte de dictateur. Peut-être des solutions partielles
auraient-elles suffi à endiguer le courant de l’islam, si elles avaient été
appliquées à temps… Actuellement, il est trop tard ! Les “misérables” ont d’ailleurs
peu à perdre. Ils préféreront conserver leur misère à l’intérieur d’une
communauté musulmane. Leur sort sans doute restera inchangé. Nous avons d’eux
une conception trop occidentale. Aux bienfaits que nous prétendons pouvoir leur
apporter, ils préféreront l’avenir de leur race. L’Afrique noire ne restera pas
longtemps insensible à ce processus. Tout ce que nous pouvons faire, c’est
prendre conscience de la gravité du phénomène et tenter d’en retarder
l’évolution".
André Malraux, le 3 juin 1956
Elisabeth de Miribel,
transcription par sténo
Source Institut Charles
de Gaulle