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Un Antisémitisme Encore Brûlant Aujourd’hui ?

C’est ce qu’affirme le président de la République…

Par Anne Mansouret,  femme politique française. Ancienne membre du Parti socialiste et du MRG.

19 juillet 2022

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Lors de l’inauguration de la gare de Pithiviers transformée en musée, le 17 juillet, le président Macron a dénoncé un antisémitisme “brûlant et rampant” et une forme de “révisionnisme historique”.

Mes ancêtres ne sont pas « Gaulois » mais « Persans ». Je ne suis pas née Française, mais Iranienne… À Téhéran. J’ai choisi et assimilé la France comme on adopte une ascendance qui ne vous a pas engendré, comme on apprend à aimer une mère qui ne vous a pas mise au monde, mais qui vous a appris le monde. Parfaitement intégrée culturellement et affectivement, j’aime la France dans toutes ses dimensions, y compris la France la plus médiocre et la plus mesquine.

C’est peut-être la raison pour laquelle je n’ai jamais vraiment compris la honte et le sentiment de culpabilité qui semble ronger les Français « de souche » lorsque l’on évoque la période de leur Histoire qui a suivi la capitulation du Maréchal Pétain, la fin de la Troisième République et l’occupation du pays par les Allemands. Ces évènements détestables me touchent, bien sûr, mais je les ai toujours analysés objectivement et replacés dans leur contexte historique sans mauvaise conscience personnelle. J’avoue ne pas être une inconditionnelle du « devoir de mémoire » ; ce principe qui logiquement appelle à la « repentance », démarche à laquelle je suis philosophiquement opposée.

Que l’on demande individuellement pardon à celles et ceux que l’on a pu offenser, cela me parait moralement légitime. Que l’on demande pardon pour des actes commis par vos prédécesseurs dans les fonctions représentatives et/ou électives que vous occupez, cela me semble plus complexe, mais concevable… A contrario, dès lors qu’il s’agit d’actes commis par vos parents ou vos ancêtres au cours de l’Histoire de votre pays, alors là, c’est pour moi philosophiquement inacceptable. Chaque individu est responsable des actes, des délits et des crimes qu’il commet, pas de ceux commis par ses aïeux ! C’est la fameuse fable du Loup et de l’Agneau, chère à Esope comme à La Fontaine.

Au cours de cette sinistre et peu glorieuse période de l’Histoire de France que fut la collaboration du régime de Vichy avec l’Allemagne nazie occupant le territoire français, nombre de compatriotes ont défoulé un antisémitisme odieux, indéniablement en phase avec le racisme théorisé par Hitler. C’est pourquoi tout ce qui se rapporte à la Shoah, monstrueuse et massive extermination des juifs d’Europe, occupe une place très particulière dans la mémoire collective des Français. J’y vois la manifestation d’une forme refoulée de mauvaise conscience qui s’est pérennisée au cours de la seconde moitié du 20ème siècle, plus ou moins consciemment. C’est pourquoi, en entendant dimanche le président de la République prononcer un discours contre l’antisémitisme pour le 80e anniversaire de la rafle du Vél’d’Hiv, je ne pouvais qu’approuver ses propos, dénonçant, je cite, « un antisémitisme encore brûlant aujourd’hui ».

Jamais, en effet, depuis les monstrueuses exactions commises par les nazis sous l’Occupation, jamais les juifs français n’avaient vécu ce qu’ils vivent aujourd’hui. J’en veux pour preuve l’exode massif des juifs français en Israël. Il est patent que cet Alyah est décidé en famille par peur du climat d’antisémitisme qui sévit en France depuis plus d’une dizaine d’années.

En revanche, cet antisémitisme n’est plus le fait de partis nationalistes qu’Emmanuel Macron situe politiquement à « l’extrême-droite ». S’il y a sans doute des groupuscules identitaires antisémites qui sévissent à la périphérie du RN, il est faux de prétendre qu’ils incarnent « l’antisémitisme » que dénonce à juste titre le président de la République. J’ai beaucoup étudié la période de notre Histoire pendant laquelle sévissait l’Action Française ; cette culture conservatrice farouchement antisémite, propagée par les œuvres de Charles Maurras et sa doctrine du nationalisme intégral. Cet antisémitisme grand bourgeois qui s’était propagé dans la classe moyenne commerçante (le plus souvent urbaine) et qui s’est traduit par les dénonciations, les arrestations et les déportations de juifs dans les camps d’extermination nazis.

Mais aujourd’hui, et le président de la République le sait parfaitement, ce n’est plus de cet antisémitisme-là dont les juifs ont peur. Ce qu’ils craignent, c’est la haine viscérale « anti-feuj » qui sévit dans les communes et les quartiers occupés par des musulmans politisés par l’islam radical et qui s’étend alentour par capillarité. Cette haine qui se manifeste tous les jours dans les cours des collèges et des lycées, cette haine qui fait apparaître tout juif comme un « sioniste » à éliminer, complice et coupable des massacres de milliers d’enfants palestiniens ; un mec « pété de tunes » parce que tous les juifs sont riches, c’est bien connu, comme était supposé l’être Ilan Halimi… Ou juste un « putain de feuj de sa race » à exterminer.

La publication par le gouvernement des derniers chiffres officiels des violences judéophobes en France signale un regain d’antisémitisme inédit. À côté de ces statistiques, on peut constater la banalisation des insultes quotidiennes qui ne sont pas signalées mais qui pourrissent le climat de ces quartiers où plus rien n’évoque les mœurs et les coutumes françaises. Ce climat de plus en plus malsain fait l’objet d’un déni politique, médiatique et intellectuel, comme Emmanuel Macron vient de le démontrer dans son discours. Comme le prouvent, également, les propos du Grand Rabbin de France, Haïm Korsia, reçu sur LCI par Darius Rochebin, qui cite deux ou trois prélats catholiques bien-pensants, mais fait totalement l’impasse sur la problématique de l’islam et revient finalement sur Zemmour et Pétain, comme si là se situait l’urgence… Alors que l’urgence, aujourd’hui, c’est d’arrêter de nier les problèmes pour éviter d’avoir à les résoudre.