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REGARDEZ PLUTÔT LE CÔTÉ LUMINEUX

 

Par Fareed Zakharia, journaliste de Newsweek, paru le 3 février 2003

Traduit par Albert Soued, écrivain, www.chez.com/soued/conf.htm

 

La peur a longtemps paralysé la politique occidentale vis à vis du Moyen Orient. Et le résultat de tout cela? La répression, l'Islam radical et la terreur.

 

Hier, une discussion sur le sens qu'il faut donner à l'amour tourna autour du même sujet, l'Amérique et l'Irak – comme toute discussion à Davos, cette année. La plupart des participants Européens et des Moyen Orientaux à cette conférence pensent qu'une guerre contre l'Irak serait un désastre. Vous connaissez les arguments. La guerre pourrait mal tourner. Saddam pourrait mettre le feu à ses puits de pétrole, déclenchant une hausse incontrôlable des prix. La guerre pourrait provoquer des attaques terroristes de grande ampleur, par Saddam ou par d'autres. Le sentiment des Musulmans à travers le monde pourrait s'enflammer contre l'Occident. Si l'Irak implose, toute la région sera déstabilisée…

 

Tous ces arguments sont légitimes. Les risques sont réels. Mais aussi les bénéfices potentiels. Considérez un instant les résultats possibles d'une guerre réussie en Irak.

Un grand producteur d'armes non conventionnelles de destruction massive sera éliminé. Comme il y a peu d'états qui se sont lancés dans ce type de fabrication d'armes chimiques, biologiques et nucléaires, supprimer l'un d'eux de la liste est un grand pas en avant vers la sécurité. D'autres candidats à ce type de fabrication réfléchiraient à deux fois avant de se lancer dans une telle aventure. Le peuple irakien gagnerait en liberté. Quelle que soit la succession de Saddam, elle sera meilleure qu'un régime totalitaire. Pour la majorité des Irakiens – constituée en fait de Kurdes, de Shiites et de Turkmènes – comme pour la minorité sunnite, cela sera la fin du cauchemar de la répression.

 

Le peuple Irakien pourrait se mettre sur la route du bien être économique. La politique actuelle d'encerclement a un côté affreux, faire mourir de faim des milliers d'Irakiens. Les Nations Unies ont essayé de moduler leurs sanctions pour éviter cela, mais grâce aux subterfuges de Saddam, le programme "pétrole contre nourriture" est devenu un programme "pétrole contre palais". La fin du régime entraînera la fin des sanctions. Elle mettra fin aussi à la machine militaire qui a englouti la fortune de l'Irak.

 

Les réformes politiques et économiques pourraient s'intensifier dans le monde arabe. Tout comme le succès économique du Japon d'après guerre devint un exemple pour tout le Sud Est asiatique, même des avancées modérées en Irak pourraient rendre un peu plus hardis les réformateurs de la région.

La source de l'anti-occidentalisme radical et violent pourrait se tarir, ayant alors reçu un coup sévère –l'Islam fondamentaliste et Saddam Hussein partageant des traits communs.

Je citerai Osama Ben Laden qui disait "quand on doit choisir entre un cheval faible et un cheval fort, on prend le cheval fort, car personne ne veut un traînard".

Le cartel pétrolier sauterait. Un Irak ami qui a besoin de pétrole pour reconstruire le pays ne rejoindra pas l'Opec, ou refusera de se plier à ses quotas. Cela signifie la fin du cartel pétrolier, d'autant plus qu'étant l'un des trois plus grands producteurs, avec la Russie et la Norvège, l'Irak ne s'engagera pas à fixer des prix au pétrole. Si les prix tombent, les pressions pour des réformes dans la région s'intensifieront. La plupart des régimes du Moyen Orient sont non démocratiques et non efficaces sur le plan de l'économie; ils ne pourront plus se maintenir au pouvoir, s'ils ne s'ouvrent pas au monde; en bref, si le prix du pétrole tombe à 10 $/baril, la monarchie saoudienne se retrouvera à Majorque.

 

Au fur et à mesure de cette nouvelle ouverture et démocratisation des régimes, les frustrations et les ambitions retrouveront le chemin normal des règles de l'économie et non plus celles de l'idéologie radicale et de la terreur. Et ce n'est pas aussi lointain qu'on pourrait le croire. Rappelez-vous, le communisme radical – qui était une menace sérieuse vers la fin des années 40 et 50 en Europe et en Asie – a perdu son charme dès que ces pays sont parvenus à la liberté politique, à la vitalité économique et à la stabilité.

 

Mais ce que j'ai décrit comme possible ne se réalisera pas en totalité. Peut-être une petite part. De même, tout ce qu'on prédit de catastrophique n'arrivera pas non plus. Même si ce n'est qu'une faible part des bénéfices de la guerre qui se réalise, elle aura un effet positif et durable dans toute cette région.

 

Bien sûr une guerre réussie ne profitera pas à tout le monde. Les élites qui gouvernent le Moyen Orient – notamment celles qui persistent dans leurs méthodes archaïques – seront concurrencées, menacées et sans doute renversées. Pour ces potentats et pour leurs courtisans, cela signifie la fin du filon le plus riche de l'histoire de l'humanité. C'est pourquoi il faudra s'attendre à une lutte féroce pour le garder. Mais pour les peuples du Moyen Orient, après le passage de l'onde de choc, cela signifiera une chance pour briser le cercle d'une terrible stagnation.

 

Il y a toujours des risques inhérents au changement. Mais pendant les 40 dernières années, la peur de prendre ces risques a paralysé la vieille Europe et sa politique envers le Moyen Orient. Et qu'est ce qui est sorti de cette prudence? La répression, l'Islam radical et la terreur.  Dans ces conditions, j'opterai pour prendre un risque.

 

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