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LE GÉNÉRAL JUIF QUI A BATTU LE PAKISTAN

Inde, Gandhi, lutte contre l'intégrisme arabe 

Par Amnon Barzilai – Haaretz du 5 septembre 2004.

Traduit par Albert Soued www.chez.com/soued

 

"La victoire du Parti du Congrès sous la conduite de Sonia Gandhi dans les prochaines élections qui vont se tenir en Inde en mai 2005 n'entraînera aucun changement de la politique de l'Inde envers Israël. Les bonnes relations continueront, et dans certains domaines, elles vont se développer même plus étroitement" estime le lieutenant général J.F.R. Jacob, un ex-officier juif de l'armée indienne, qui a terminé hier une visite de cinq jours en Israël. Jacob ajoute "Si je dois évaluer le niveau actuel des relations entre l'Inde et Israël, je leur donnerai 9 sur 10".

 

Le Général Jacob a des liens étroits avec le parti national (BJP), qui au cours de ses quatre années au pouvoir a resserré ses relations avec l'état d'Israël et a accru sa coopération dans le domaine de la défense. Pendant de nombreuses années, Jacob a servi de conseiller de sécurité du parti. Néanmoins, "selon mes relations personnelles avec le ministre actuel des affaires étrangères, je vois que le Parti du Congrès, comme le Parti national, a tout intérêt à maintenir de très bonnes relations avec Israël". Jacob note que c'était le parti du congrès qui déjà en 1992 a établi des relations diplomatiques avec Israël, "et depuis lors, chaque gouvernement indien a trouvé en Israël un ami sur lequel il pouvait compter".

Jacob pense que le conflit Israélo-Palestinien n'a aucune influence sur l'opinion publique en Inde. Bien que l'Inde soit la plus grande démocratie au monde, "vous devez savoir que plus de 70%de la société indienne est agricole et préoccupée par sa lutte permanente pour l'existence et la survie, et n'est pas intéressée par les affaires étrangères".

 

Le Général Jacob a gagné sa renommée dans sa patrie quand il a dirigé les forces armées indiennes et vaincu l'armée pakistanaise dans la guerre qui a éclaté entre les deux pays en 1971, à propos de la région du Bangladesh (qui après cette guerre est devenu un état indépendant, après avoir été autrefois le Pakistan-est). Pour son rôle décisif dans une victoire rapide, on a accordé à Jacob une citation du mérite. Jacob est fier de dire que son illustre carrière militaire est la preuve indélébile de la tolérance de la société indienne. C'est la seule manière d'expliquer comment il a réussi en tant que jeune juif, descendant d'une famille qui a émigré il y a environ 150 ans d'Irak et qui s'est établie à Calcutta, à être nommé à une des positions de commandement les plus élevées dans l'armée indienne.

 

Il s'appelle Jacob-Farj-Rafaël Jacob. Il est né en 1923. À l'âge de neuf ans, son père, un homme d'affaires qui a réussi, l'a envoyé dans un internat dans la ville de Darjeeling, à environ 500 kilomètres de Calcutta. Depuis lors, il n'est rentré chez lui que pour les vacances. En 1941, à l'âge de 18 ans, il s'est enrôlé dans l'armée indienne, qui était sous commandement britannique. Il se souvient "Mon père était contre mon enrôlement, mais après que j'ai découvert les atrocités des Nazis et comment ils traitaient les juifs, j'ai décidé que je ferai une carrière militaire". Jacob a rejoint une brigade d'artillerie qui a été envoyée en Afrique du Nord pour renforcer l'armée britannique contre l'armée allemande sous le maréchal Rommel. La brigade est arrivée après que la bataille fut terminée. De là, l'unité de Jacob a été envoyée en Birmanie. "Je voulais combattre des Allemands" dit Jacob, "mais en fin de compte j'ai combattu les Japonais pendant trois ans"

 

Avez-vous jamais rencontré Orde Wingate ?

Jacob : J'étais un commandant dans l'artillerie quand je l'ai rencontré en Birmanie. Je connais votre opinion sur Wingate, et sur sa contribution à l'entraînement des forces spéciales en Palestine (Jacob veut parler ici des pelotons spéciaux de nuit de la Haganah's - A.B.), mais j'ai une opinion différente sur lui en tant que commandant. En Birmanie, on lui a assigné une mission qu'il ne pouvait pas remplir (le sabotage des communications derrière les lignes  japonaises). Sa perception militaire était confuse. C'était un désastre. Je préfère ne pas en dire plus".

 

Lieu de pèlerinage

Le Général Jacob est diplômé des écoles d'artillerie d'Angleterre et des Etats-Unis et il est spécialisé dans l'artillerie avancée et dans les missiles. Avant sa nomination comme commandant du front oriental (le long de la frontière du Bangladesh), il a commandé une division d'infanterie et d'artillerie. Il a pris sa retraite de l'armée en 1978, après 37 ans de service. Jacob a essayé le monde d'affaires, tout en restant en contact étroit avec tous les niveaux du gouvernement. Vers la fin des années 90, il est devenu le gouverneur de la province de Goa, et il est plus tard devenu le gouverneur de l'état du Pendjab, aux confins du Cachemire.

Depuis l'établissement des relations diplomatiques entre l'Inde et Israël, Jacob a fait de nombreuses visites en Israël. Le premier ministre Yitzhak Rabin l'avait invité à assister aux célébrations des 3000 ans de Jérusalem. Lors d'une visite récente ici, il a même donné des objets rituels de sa maison familiale au musée du Judaïsme babylonien à Or Yehouda. Pendant des années sa maison à New Delhi a été un lieu de pèlerinage pour les diplomates, les chercheurs et les officiers de sécurité israéliens.

 

Pourquoi l'Inde est-elle intéressée à la technologie militaire israélienne ?

Jacob: Le savoir-faire et la technologie d'Israël sont en avant-garde. Mais également parce que les pays comme les Etats-Unis et l'Angleterre ne sont pas aussi généreux qu'Israël à notre égard. Depuis l'établissement des relations diplomatiques, Israël a montré qu'il est heureux de collaborer avec l'Inde. C'est un grand changement, comparé à la situation qui a prévalu auparavant.

En fait, ce que vous voyez aujourd'hui a été précédé par une longue histoire. Dès 1962, pendant la guerre entre l'Inde et la Chine, le premier ministre Nehru a fait appel au premier ministre David Ben-Gourion, pour lui demander une aide militaire. Déjà à cette époque, Israël avait envoyé un équipement militaire, principalement des mortiers de 120 mm et des munitions. Cela s'est répété  encore dans la guerre contre le Pakistan en 1965 et dans la guerre en 1971 : Israël a fourni l'Inde des munitions de mortier de 160 mm. Et Israël a prouvé de nouveau sa générosité dans le conflit avec le Pakistan en 1999. À cette occasion, Israël a également fourni des munitions, et même des missiles pour les avions Mirage des forces aériennes.

 

Comment voyez-vous le développement de la coopération de la défense entre l'Inde et Israël ?

Jacob: la collaboration est dans l'intérêt commun des deux pays, dans la guerre contre la terreur, et tout qu'elle nécessite: barrières électroniques, systèmes de radar, capteurs. Israël nous aide également dans le domaine des missiles. Il y a aussi le développement et la production en commun d'hélicoptères. Et naturellement, l'avion de surveillance Phalcon pour la détection précoce d'une attaque surprise du Pakistan ou de la China.

 

L'Inde a également montré son intérêt dans l'achat de missiles H'etz (Arrow).

Jacob: Je pense que lorsque les Etats-Unis lèveront les obstacles, l'Inde sera très intéressée à acquérir des missiles Arrow pour sa défense contre les missiles balistiques. Nous avons besoin d'eux surtout pour nous protéger du Pakistan.

 

Dans le cadre des entretiens actuels entre les chefs des deux pays, les relations avec le Pakistan ne sont-elles pas meilleures ?

Jacob: L'inde a été attaquée à plusieurs reprises par le Pakistan. Nous ne pouvons pas prendre des risques, et nous devons être prêts pour une attaque-surprise. L'Inde devrait être préparée aussi bien contre le Pakistan que contre la Chine. Par conséquent, il y a un besoin de missiles antimissiles, notamment en raison du danger pakistanais et de la menace de lancement des missiles avec les ogives nucléaires. Et il est important de le mentionner: nous ne voulons pas de missiles Patriot américains, qui sont seulement capables d'arrêter des missiles à une basse altitude de 20 kilomètres (par opposition à Arrow qui est conçu pour arrêter des missiles à une altitude de 100 kilomètres ou plus)

 

Al Qaeda au Cachemire

Jacob: Malgré les différences dans la taille entre l'Inde et Israël, il y a une similitude dans leur situation géopolitique. Les deux pays sont entourés par des états musulmans, ils ont de fortes minorités musulmanes et ils sont menacés par le terrorisme Islamique. L'Inde n'a aucun problème avec les pays musulmans, mais seulement un problème avec la terreur. Et la difficulté est que le Pakistan est devenu un asile pour des groupes de terreur. Les terroristes d'Al Qaeda sont actifs au Cachemire et nous suspectons que ces gens soient en activité non seulement en Afghanistan mais également au Pakistan. Le président pakistanais Musharraf prétend qu'il ne soutient pas la terreur, mais il s'avère qu'il n'a ni les capacités, ni les moyens de contenir les groupes de terreur. Et j'avoue ne pas savoir ce que tout cela cache. En dépit de tout, je dis qu'une guerre nucléaire entre l'Inde et le Pakistan n'est pas prévisible, parce que les deux pays ne peuvent pas se permettre une telle crise. Fondamentalement, il y a un équilibre de la terreur entre les deux pays.

 

Et les Israéliens à Goa ?

Jacob: Ils n'aident pas et ne nuisent pas.

Lors de son gouvernorat à Goa vers la fin des années 90, le Général Jacob a eu l'occasion de connaître d'autres facettes du caractère israélien. "J'ai eu la chance de rencontrer des Israéliens à Goa. Ces jeunes gens sont venus là après un long service militaire, et sans argent. Tout ce qu'ils voulaient c'est vivre en paix, sur la plage, avec le minimum de moyens!"

Y avait-il des problèmes avec eux ?

"Certains Israéliens sont impliqués dans le trafic de drogue, mais c'est un petit pourcentage. Je peux dire qu'en aucun cas ils ne nuisent au pays. Mais en même temps, leur contribution au tourisme indien est insignifiante parce qu'ils ne dépensent pas d'argent, puisqu'ils n'en ont pas. Je voudrai voir des Israéliens venir non seulement à Goa ou à Puna, mais venir pour connaître le pays, pour apprendre sa culture. En même temps, je les comprends. Ils arrivent en Inde juste après le service militaire. Ils veulent s'amuser et apprécier la vie, c'est bien aussi. Je n'ai pas de problème avec cela".

 

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