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LA PEUR EST L'ARME DU TERRORISME

Article par Christophe Lamfalussy

Paru dans la Libre Belgique du 21/07/2005

Petites explosions, grands effets jeudi à Londres.

Depuis des décennies, le terrorisme entretient un climat de psychose. C'est sa nature même.

"Il ne faut pas nécessairement détruire physiquement une cible pour obtenir un effet», disait à la fin juin à Bruxelles un général britannique, conseiller en matière de sécurité du Haut représentant européen Javier Solana.

Le terrorisme a en effet parfaitement intégré la logique de la terreur. Il fait alterner menaces écrites et attentats, et entretient très facilement un climat de psychose.

Ce n'est pas pour rien que Tony Blair, quelques heures seulement après les explosions qui ont secoué jeudi le métro de Londres, a d'abord appelé les Britanniques à garder leur calme. «Nous savons pourquoi ils font ce genre de choses. Elles sont faites pour faire peur, effrayer les gens, les rendre anxieux et inquiets. Heureusement dans le cas présent il ne semble pas y avoir de victimes. Je crois que nous devons simplement réagir calmement et autant que possible vaquer à nos occupations comme d'habitude», a dit Blair lors d'une conférence de presse.

 

Frapper au hasard

 

La littérature scientifique a depuis longtemps analysé cet aspect du terrorisme, qui est la capacité des groupes terroristes à exploiter le climat de peur qu'ils créent pour parvenir à leurs objectifs. Le terroriste se place en effet totalement en dehors des lois et des conventions de la guerre. Sa violence, arbitraire et imprévisible, tue au hasard. Sa nature est de frapper telle la foudre pour terroriser une audience.

Paul Wilkinson, l'un des meilleurs spécialistes britanniques, a dès 1977 défini le terrorisme «comme l'utilisation systématique du meurtre et de la destruction, et de la menace du meurtre et de la destruction, pour terroriser les individus, les groupes, les communautés ou les gouvernements et les amener à céder devant les buts politiques des terroristes».

Au fil de ses revendications, la mouvance d'al Qaeda - malgré le fait qu'elle regroupe, selon les experts, 65 organisations - ne cesse de réclamer trois choses: le départ des troupes occidentales d'Irak et d'Afghanistan, le renversement des régimes arabes dits corrompus et, mère de toutes les batailles, la lutte sans merci contre l'Etat d'Israël.

 

Rassurer la population

 

La campagne de peur à laquelle se livrent les terroristes a amené trois chercheurs canadiens à recommander aux gouvernements d'opérer dans trois directions pour combattre le terrorisme. Ronald Crelinsten, Danielle Laberge et Denis Szabo constataient en 1978 que le terroriste n'avait pas peur de la punition légale puisque l'objectif qu'il poursuivait transcendait tous les autres aspects de la vie en société. Il faut, écrivaient-ils, (1) réprimer les auteurs des attentats;

(2) intimider les sympathisants qui seraient tentés de donner un soutien actif aux terroristes et

(3) maintenir la confiance du grand public.

 

Cette analyse avait été faite dans les années 70 après la vague des attentats de la Fraction armée rouge en Allemagne, des Brigades rouges en Italie et des détournements d'avions par les factions palestiniennes. Trente ans plus tard, elle est toujours d'actualité et semble inspirer grandement le gouvernement britannique.

 

Convaincre les médias

 

La stratégie de la peur impose évidemment aux médias d'en prendre conscience et de ne pas entrer dans le jeu du terrorisme. «Involontairement ou non», jugeaient les trois criminologues canadiens, «les médias jouent sur ces peurs. Les dangers sont exagérés, les incidents sont mélodramatisés, la fréquence est gonflée, et le mot terrorisme est utilisé de façon aléatoire».

 

En même temps, les médias reflètent l'état d'esprit de la population, laquelle réclame souvent des mesures immédiates après un attentat particulièrement sanglant. Les gouvernements sont donc obligés de convaincre les médias, notamment de ce qu'ils contrôlent la situation. Ils sont mis en réelle difficulté par le terrorisme qui justement, par son imprévisibilité, cherche à prouver l'incapacité de gouverner. Ce fut la réelle victoire du groupe qui a ensanglanté Madrid en mars 2004, celle d'avoir convaincu les électeurs espagnols que le gouvernement Aznar n'était pas capable de les protéger. Et c'est la menace qui plane désormais sur le gouvernement Blair.

 

© La Libre Belgique 2005