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Le Sinaï, Carrefour du Terrorisme Mondial
By Zvi Mazel, ancien ambassadeur d’Israël en Egypte,
analyste et membre du CAPE (Jerusalem Center for
Public Affairs).
Jerusalem Post 30/04/2013
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La réaction instinctive
en Egypte lorsque des missiles lancés à partir du Sinaï ont atteint Eilat,
le 17 avril, a été de dire que ce n’était pas vrai. Trois experts – généraux
à la retraite ou commentateurs militaires – sont montés au créneau pour expliquer
que la chose était impossible. L’un d’eux a dit du bout des lèvres que vérifier
la nouvelle à l’aide d’images satellites prendrait du temps.
Pour un autre, le dispositif "Dôme de fer" positionné à Eilat étant
en mesure de détruire tout missile venu d’au delà des frontières, les missiles
ayant frappé la ville venaient donc du territoire israélien, selon ce dernier.
Le gouverneur du sud-Sinaï a renchéri. On se souvient par ailleurs que son
prédécesseur avait accusé le Mossad d’avoir envoyé un requin à Sharm-el-Sheikh pour porter atteinte au tourisme égyptien.
Enfin, "de source militaire digne de foi mais souhaitant ne pas être
identifiée" rien dans l’enquête préliminaire n’indiquait que les missiles
venaient d’Egypte.
Quelques heures plus tard, changement de ton. Une organisation salafiste revendique le lancement des missiles.
Un communiqué sur la page Facebook de l’armée indique
alors qu’une commission d’enquête est dépêchée au Sinaï pour étudier la situation
sur place ; peut-être plus important, ce communiqué déclare que le territoire
égyptien n’a jamais menacé et ne menacera jamais les pays voisins. Il sera
suivi peu après par une déclaration semblable de la présidence, tandis qu’une
"nouvelle source militaire" précise que le général Abdel Fattah Al-Sisi, ministre de la Défense,
a décrété l’alerte maximale le long de la frontière avec Israël.
Un voisin susceptible
Ce que personne
ne dit, c’est que les radars du fameux Dôme d’acier et d’autres installations
avaient bien repéré les missiles ; la décision de ne pas tirer aurait été prise
au plus haut niveau. En effet, l’interception serait intervenue en territoire
égyptien et Israël ne veut pas, à ce stade, porter atteinte à la souveraineté
de son voisin dont la susceptibilité est bien connue. Il ne faut pas oublier
qu’en Egypte, comme dans tous les pays arabes, on refuse de voir les choses en
face, lorsqu’il s’agit d’Israël. Eux n’ont jamais tort ; ce sont toujours les
Sionistes ou les Juifs qui sont coupables. Ce qui ne facilite évidemment pas la
nécessaire coopération entre l’Egypte et Israël en matière de terrorisme, même
quant la sécurité de l’Egypte est en jeu. Pourtant il s’agit d’un intérêt
commun. Les deux pays doivent combattre la montée du terrorisme djihadiste dans la péninsule du Sinaï et à Gaza qui
constitue d’abord une grave menace pour l’Egypte. Des échanges d’information
ont bien lieu ; encore faut-il que cette information soit prise en compte.
Israël avait averti l’ancien chef des services de sécurité égyptien que des
militants djihadistes s’apprêtaient à attaquer une
position de l’armée. Il refusa de le croire et 16 soldats égyptiens furent
massacrés. Lui-même fut limogé. A l’inverse, le déploiement tout récent du
dispositif "Dôme de fer" à Eilat est peut être dû à des informations
reçues concernant les missiles ; si c’est le cas, rien n’a été fait côté égyptien
pour déjouer l’opération.
Le Sinaï est devenu une zone de guerre. Les tribus bédouines, qui n’ont jamais
vu d’un très bon oeil le pouvoir central, sont au bord de la révolte. Voilà des dizaines
d’années que rien n’est fait pour développer la région. Il n’y a pas de travail
et le réseau éducatif laisse à désirer. Le mouvement terroriste du Hamas a
trouvé là des alliés prêts à conduire vers le Sinaï et la bande de Gaza des
armes de contrebande et munitions, missiles compris, venus d’Iran via le Soudan
et la bande côtière.
Les groupements djihadistes plus ou moins affiliés à Al-Qaïda ont fait de
même, mettant en place des cellules terroristes avec l’aide de Bédouins
trouvant là d’importantes sources de revenus. La situation a empiré après la
chute de Moubarak et l’affaiblissement du pouvoir central. Les forces de
sécurité ont fui en désordre et la péninsule est devenue le paradis des
contrebandiers ; aux armes s’ajoutant la drogue et le lucratif transit
d’Africains en quête d’une vie meilleure en Israël.
Avec la chute de
Kadhafi, la Libye est devenue une nouvelle source d’armes. Le pouvoir égyptien
pendant ce temps multipliait les déclarations lénifiantes et les projets de
développement grandioses qui restaient sans suite. Pour certains commentateurs,
ce refus de prendre les mesures indispensables serait ancré une fois encore
dans la crainte du voisin. Israël pourrait, à la faveur du développement de
l’agriculture et de la création d’usines "infiltrer pacifiquement le
Sinaï". Ce qui expliquerait les restrictions imposées aux Bédouins qui ne
peuvent acheter des terres ou créer des entreprises.
La colère des Bédouins
Le mois dernier
le gouvernement s’est enfin décidé à agir et a promulgué un décret autorisant
les Bédouins pouvant faire la preuve qu’eux-mêmes et leurs parents ont la
nationalité égyptienne et n’ont pas d’autre nationalité à acquérir ou louer des terrains. L’encre était
à peine sèche que le ministre de la Défense promulguait, lui, un texte
interdisant tout achat de terre sur une bande de cinq kilomètres de profondeur
le long de la frontière égyptienne avec Israël et avec Gaza. L’armée veut en
effet contrôler de près cette zone ultrasensible, éviter les infiltrations
terroristes et superviser les tunnels de contrebande. La mesure a provoqué une
levée de boucliers chez les Bédouins qui ont agité la menace d’une campagne de
désobéissance civile si elle n’était pas annulée.
Les négociations en cours pour résoudre le problème se prolongent sans apporter
de solution. C’est le moment qu’a choisi Mohammed Mehadi
Akef, l’ancien guide suprême de la confrérie des
Frères Musulmans, pour lancer un brûlot.
Dans une interview la semaine dernière au quotidien du Koweït Al-Jarida, il accuse les Bédouins d’être tous des
collaborateurs : un tiers avec les services de sécurité du ministère de
l’Intérieur ; un tiers avec les services secrets et le renseignement militaire
; et le troisième tiers avec Israël (il n’a pas évoqué la collaboration avec le
Hamas ou le Djihad). Furieux, les Bédouins ont manifesté devant le siège du
mouvement au Sinaï et ont menacé de le réduire en poussière si Akef ne leur présentait pas des excuses. D’autres
manifestations sont prévues et certains chefs veulent porter plainte pour
diffamation.
Inutile de dire qu’il ne faut pas s’attendre dans cette ambiance à voir les
Bédouins aider le gouvernement central à combattre les groupes terroristes ;
d’autant que nombre d’entre eux font vivre leurs familles avec l’argent gagné à
faire passer armes, drogues et personnes en quête d’asile.
Et Israël dans tout cela ?
Des dizaines de
groupes terroristes lourdement armés ne cachent pas leur intention de porter
atteinte à sa sécurité ; mais le gouvernement a les mains liées. Les échanges
d’informations avec l’armée et le renseignement se poursuivent certes, mais,
sans la coopération au plus haut niveau qui existait à l’époque Moubarak, ils
ne sont pas vraiment efficaces. Il y a quelques mois, l’armée égyptienne avait
annoncé qu’elle lançait une vaste opération contre le terrorisme au Sinaï.
Malheureusement, aujourd’hui encore les terroristes agissent en plein jour,
attaquant des postes de police, mettant en place leurs barrages routiers et ne
craignant pas de tirer sur les patrouilles militaires. La semaine dernière, ils
ont pris pour cible un poste de police, tuant un officier et en blessant un
autre.
Sans une étroite collaboration de part et d’autre de la frontière la situation
ne peut qu’empirer. Or, on ne voit pas très bien comment cette collaboration
pourra se faire alors que les Frères musulmans sont à la barre du pays.