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Etat Islamique, les Psychopathes Parlent aux
Pychopathes
Par Claude Moniquet, codirecteur de l’ESISC
24/09/2014
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Durant la Seconde Guerre Mondiale, la BBC diffusait chaque soir une émission destinée à la France occupée et qui commençait par une formule célèbre : "Ici Londres, Les Français parlent aux Français !".
Eh bien l’Etat Islamique a innové, ce lundi 22 septembre en
diffusant un message de menaces à l’égard de la France -- et, plus généralement
de l’Occident -- qui pourrait s’intituler "Ici
Raqqa, les psychopathes parlent aux psychopathes".
Dans une littérature terroriste ou jihadiste déjà
passablement indigeste, un nouveau palier a en effet été franchi par cet appel
à frapper les Américains, Européens, Australiens ou Canadiens -- et tout
particulièrement "les méchants et sales français" -- : "Si
vous ne pouvez pas trouver d’engin explosif ou de munition, alors isolez
l’Américain infidèle, le Français infidèle ou n’importe lequel de ses alliés.
Frappez sa tête avec une pierre, égorgez-le avec un couteau, écrasez-le avec
votre voiture, jetez-le d’un lieu en hauteur, étranglez-le ou empoisonnez-le".
Cette fatwa pour décérébrés amateurs de jeux vidéos sanglants appelle plusieurs
commentaires.
- D’abord, elle souligne que l’Etat Islamique (E.I.) s’inscrit dans la droite ligne
-- mais en franchissant encore quelques degrés dans la violence -- de
l’évolution d’al-Qaïda (A.Q.) qui, ces dernières années, privilégiait les
attentats individuels faute de pouvoir organiser un attentat de masse comme
celui du 11 septembre ou même ceux de Londres ou de Madrid. On se rappellera
que le numéro deux du magazine "Inspire" publié en anglais par
al-Qaïda dans la Péninsule arabique contenait un article intitulé : "Comment
fabriquer une bombe dans la cuisine de ta mère"…
Qu’ils appartiennent à A.Q. ou à l’E.I., les jihadistes ont
pris pleinement conscience de la montée en puissance du renseignement et de
l’excellence de la coopération entretenue entre le Renseignement Occidental et
celui de nombreux Etats musulmans -- à commencer, mais pas uniquement par l’Arabie
saoudite et la Jordanie --, montée en puissance qui rend extrêmement difficile
l’organisation d’attentats très élaborés faisant appel à de trop nombreux
complices. Place donc aux attentats individuels, une dérive que j’avais démontrée et expliquée dès l’année
dernière dans mon dernier livre (1).
- Ensuite, ce message souligne, si besoin était que l’EI entend combler le vide
laissé depuis des années par al-Qaïda, qui n’est plus que l’ombre de ce
qu’elle fut à la fin des années quatre-vingt-dix. C’est cela entre autres qui
explique son succès mais aussi la réorientation de sa stratégie et la guerre
désormais menée contre l’ennemi lointain
-- qui était au centre de la réflexion et de la praxis d’al-Qaïda -- et non
plus seulement contre les gouvernements locaux.
- Troisièmement, on ne peut que constater que l’on est ici au degré zéro de la
pensée politique. On est loin des discours complexes, nourris de versets
coraniques et de réflexions théologiques répondant à une stratégie bien pensée
-- toutes choses qui ne justifient évidement en rien le fond du discours --
auquel nous avait habitué al-Qaïda. L’Etat Islamique vise en dessous de la
ceinture et s’adresse à des marginaux, de vrais violents, des hommes, et
quelques femmes, jeunes et bien davantage attirés par la violence brute et
sauvage que par l’exégèse des textes sacrés appliquée au Califat.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les départs vers la Syrie, qui avaient
diminué depuis un an, ont repris de plus belle depuis l’entrée de l’EI en Irak
et la proclamation du Califat : les
massacres de shiites, de chrétiens et de Yazidis, les enlèvements massifs de
femmes violées, puis vendues comme esclaves sexuelles aux dits combattants, les
égorgements d’otages ne semblent pas rebuter ces volontaires mais, bien au
contraire, les attirer.
On en trouve la confirmation en consultant les messages visibles par tous, sur
les réseaux sociaux : photos d’assassinats, vidéos de cadavres trainés derrière
des pick-ups flambants neufs, discussions entre volontaires sur le prix et les
qualités des esclaves vendues à Raqqa pour le repos du guerrier, films de
soirées barbecues, autour des piscines de magnifiques villas, volées à leurs
propriétaires -- probablement massacrés : de quoi attirer les petits voyous,
anciens toxicomanes, individus mal dans leur peau et autres frustrés qui sont
l’une des cibles du recrutement de l’E.I.
L’Etat Islamique, c’est le
djihad version "Orange mécanique".
Quand on sait que cette organisation a attiré dans ces rangs entre 2500, évaluation
conservatrice, et 4000 volontaires venus d’Occident, qu’elle est dix à quinze
fois plus riche que ne le fut jamais al-Qaïda, au temps de sa splendeur,
et qu’elle occupe un tiers de la Syrie et pas loin de la moitié de l’Irak et
commence à regarder du côté du Caucase et des pays du Golfe, on comprend que la guerre – car cette fois plus personne
ne peut dire que ce n’en est pas un -- sera longue et douloureuse. Et que la
victoire ne pourra être proclamée que si l’Etat Islamique est anéanti et ses
membres physiquement éliminés. Le plus rapidement possible.
(1) Néo-Djihadistes, Editions Jourdan, Paris 2013.