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COMMENT LE MONDE
ECRIT L’HISTOIRE
Ou un nouvel exercice de désinformation
“Le Monde” s’étant encore surpassé au sujet du sort des Coptes
d’Egypte, Jean-Gérard Lapacherie, comme à son habitude, démonte une à une les
méthodes du quotidien du soir.
Par
Jean-Gérard Lapacherie pour www.LibertyVox.com le 21/04/06
Staline,
dit-on, crevait les yeux des popes, afin qu’ils fussent moins distraits en
lisant leur bréviaire. C’est ainsi que l’idéologie en use, si bien que presque
tout le monde est aveugle là où ce monstre règne. On a deux yeux depuis quinze
ans en Pologne, en Hongrie, en Russie; les Français ne sont pas près d’ouvrir
un œil, car en France, il est des gens en place au Monde et ailleurs qui ne
veulent même pas que l’on soit borgne.
Venons-en aux faits. En Egypte, depuis trente ans ou plus, il ne se passe pas
de semaine sans que des coptes soient agressés, pas de mois sans que des coptes
soient assassinés, pas d’année sans qu’une église soit vandalisée ou incendiée.
Le Monde, daté du 18 avril, en rend compte lumineusement.
Première règle:
ne pas appeler les choses par leur nom. Les crimes ne sont jamais nommés
crimes, mais «heurts entre coptes et musulmans»; les pogroms ne sont des
pogroms, mais des «tensions interconfessionnelles»; les incendies volontaires
d’églises sont le résultat de la «montée des extrémismes coptes et musulmans».
À la descente, ce sera au tour des mosquées d’être incendiées. On ne sait pas
qui est agressé, sinon qu’il y a eu un copte assassiné et cinq coptes blessés,
mais on ne sait pas non plus qui agresse. Victimes et bourreaux sont renvoyés
dos-à-dos, bien que, au cours des trente dernières années, jamais un seul copte
n’ait tué un étranger, ni même des musulmans.
Deuxième règle:
révéler des causes fictives. Le Monde ne dit pas qui sont les criminels; en
revanche, il va tout droit aux causes, en sautant toutes les étapes. La cause
première est abstraite, très éloignée, presque épurée, mais elle est double:
c’est la «structure» et c’est la «crise». La «structure» incriminée est la
«structure politique du pays»; la «crise» qui cause tous ces maux est la «crise
économique et sociale». Le Monde tient la révélation de ces causes du
responsable d’une revue littéraire éditée par un parti marxiste. Que vient
faire la littérature là-dedans? Elle est là sans doute pour révéler, mais au
deuxième ou au troisième degré, le caractère fictif des causes révélées. En
Egypte, il y avait quelques marxistes, quand il y avait des Juifs, c’est-à-dire
avant 1952. Ceux qui ne se sont pas réfugiés à l’étranger, comme Curiel, ont
rejoint les partis extrémistes de l’islam, comme Mahmoud Hussein. Mais c’est
aux marxistes qu’il est fait appel pour piocher, ce qu’ils font depuis un
siècle et demi, dans le même éternel réservoir à causes: le pouvoir asservi au
capitalisme (la «structure politique») et le capitalisme lui-même, dont on sait
qu’il est entré dans la phase terminale de son existence et que la «crise»
qu’il connaît va déboucher sur le Grand Soir.
Troisième règle:
faire porter sur les victimes la responsabilité des crimes qu’ils subissent. Un
homme est montré du doigt: il vit aux Etats-Unis. Ce n’est pas Bush, c’est un
prêtre copte dénommé le «père Zakaria» qui prêcherait la haine de l’islam «sur
une télévision satellitaire copte». Il existe des sites Internet coptes, il
n’existe pas de télévision copte par satellite. Au Monde, on doit avoir abusé de
cocaïne ou de whisky pour prendre les chaînes de télévision islamiques appelant
à tuer les Chrétiens pour des chaînes de télévision coptes appelant à tuer des
musulmans.
Quatrième règle:
regretter les temps anciens. Le Monde est un journal de référence, puisqu’il a
des références historiques. Les temps anciens évoqués avec nostalgie sont les
années 1920, quand le parti Wafd avait pour mot d’ordre «La religion est pour
Dieu et la patrie pour tous» et avait dessiné sur ses bannières le croissant et
la croix.
Cinquième règle:
désigner les vraies victimes. Ce ne sont pas les coptes, mais les artistes de
gauche. Dans un pays où «la Constitution affirme que l’islam est la religion de
l’Etat et la charia la source principale de la législation», «les cheiks de la
mosquée Al-Azhar multiplient les fatwas sur le côté licite du point de vue
religieux ou non de toute production intellectuelle, culturelle et artistique».
Sixième règle:
ne jamais replacer les crimes dans la situation ou le contexte où ils sont
commis. Depuis plus de trente ans, en Egypte, les coptes sont victimes au mieux
de discriminations ouvertes et éhontées, au pis de pogroms et de ratonnades. En
juin 1981, pendant trois jours, des groupes armés islamiques ont tué, souvent
au hasard, des dizaines de malheureux dans un quartier chrétien du Caire:
pendant la décennie qui avait précédé, il ne se passait pas de semaine sans que
soit incendiée ou vandalisée une église, agressés des coptes, par ailleurs
soumis à la jiziya, tués des malheureux. Pendant près de vingt ans, la Ligue
égyptienne des droits de l’homme a protesté contre les émissions de télévision
qui, chaque vendredi, présentaient les Chrétiens comme des sous-hommes qui ne
méritaient pas de vivre. Les pogroms d’Alexandrie en novembre dernier (églises
attaquées, une religieuse assassinée, etc.) et de ce mois-ci («attaque à l’arme
blanche, vendredi 14 avril, de trois églises coptes de la ville», écrit Le
Monde daté du 18 avril: sic: les églises ont été attaquées au couteau?),
s’inscrivent dans une longue série de pogroms, de ratonnades, de meurtres
gratuits, de crimes racistes. Dans ce journal de référence et
incontournable, il n’est fait aucune référence aux événements antérieurs, ni
même au rapport de force (favorable à l’islam: neuf musulmans pour un
chrétien), ni même aux chartes de l’ONU qui sont censées défendre les
minorités, ni même à l’existence en Egypte depuis plus de 80 ans de partis
musulmans qui prônent l’islamisation totale de l’Egypte par la violence, ni
même aux versets du Coran qui appellent à «tuer» les infidèles. Aucun de ces
faits n’existe.
La réalité que les lecteurs du Monde sont invités à retenir est exprimée dans
le titre en gros caractères: c’est la «montée des extrémismes coptes et
musulmans». Être une référence signifie aujourd’hui faire la révérence,
toujours aux mêmes puissants.