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UNE GUERRE DE 60 ANS DANS L'HISTOIRE D'ISRAËL
Les inventions des Nouveaux Historiens
Par Efraim Karsh, professeur et
responsable des Etudes Méditerranéennes au King College de Londres, auteur du
livre récent "L'impérialisme islamique: une histoire"
InFocus –Printemps 2008 – Jewish
Policy Center
Traduit et adapté par Albert
Soued, www.chez.com/soued pour www.nuitdorient.com
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sur la désinformation au Moyen
Orient
Depuis la Fondation de l'Etat d'Israël
en 1948, on a assisté à 2 conflits simultanés entre ce pays et les Arabes. Le
premier est de nature militaire, se jouant sur les champs de bataille, avec ses
héros, ses martyrs, ses traitres et ses victimes. Le second conflit est moins
sanguinaire, mais non moins incendiaire, c'est celui de "la culpabilité
historique" concernant la guerre de 1948 et de l'exode de nombreux arabes
palestiniens.
La narration historique vue
d'Israël perçoit la tragédie Palestinienne comme essentiellement auto-infligée,
résultant de leur rejet catégorique de la résolution de l'Onu de 1947, créant 2
états en Palestine, et de la tentative violente des Etats Arabes d'étouffer
Israël à sa naissance. A l'opposé, les Palestiniens voient cette histoire comme
résultant de la stratégie sioniste pour les déposséder de leur terre.
Les Nouveaux
Historiens
Vers la fin des années 80, la
narration palestinienne a été renforcée par l'intervention d'un groupe
d'Israéliens, s'intitulant "Nouveaux Historiens", qui ont voulu
réécrire l'histoire du sionisme d'une façon systématique, déformant l'histoire de
l'état israélien dans sa lutte pour la survie. Les agresseurs sont désignés
comme de pauvres victimes et les victimes sont devenues les agresseurs. Dans
cette rétrospective révisionniste, on parle rarement de l'engagement déclaré
des Arabes de détruire la nation juive, dès les années 1920, ni des efforts
obstinés des Juifs qui cherchaient à parvenir à une coexistence pacifique. Le
sionisme est dépeint plutôt comme un
mouvement agressif et expansionniste, une conséquence de l'impérialisme
rapace de l'Europe. Selon Avi Shlaim, un nouvel historien, Israël était
"une superpuissance agressive et dominatrice", alors que les Arabes
Palestiniens ne sont que des "victimes".
Conscients que leurs principaux
arguments et "révélations" étaient déjà niés par le travail de
recherche d'auteurs Israéliens comme d'auteurs occidentaux, arabes et
palestiniens, pour asseoir leur légitimité, les nouveaux historiens, misaient
sur de supposés documents récemment déclassifiés, venant des archives de
l'époque du Mandat Britannique et des débuts de l'état d'Israël. Ce subterfuge
a été démystifié entre autres par des aveux saisissants de Benny Morris de
l'Université Ben Gourion du Négev.
Pour se documenter et écrire
l'ouvrage le plus important des nouveaux historiens "Naissance du problème des Réfugiés Palestiniens -1947/49", Morris n'a pas pu avoir accès aux Archives de
Tsahal (Idfa), ni à celles de la Haganah, ni à un quelconque document militaire.
Néanmoins Morris insiste: "les nouveaux documents auxquels j'ai eu
accès ces dernières années tendent à confirmer et à renforcer les principales
descriptions et analyses et les conclusions de l'ouvrage".
Cette affirmation est très
accablante, car ce qui pouvait intéresser dans les écrits de Morris et de ses
collègues, ce sont leur revendication d'avoir produit des preuves nouvelles
pour asseoir leurs allégations. Leur nouvelle formulation de l'histoire
d'Israël devait être étayée par ces preuves. Morris a admis qu'il "n'avait
pas eu accès" ou "ne se doutait pas de l'existence" d'une
volumineuse documentation dans les archives des Institutions d'Israël intervenant
dans le conflit de 1948 et qui sont décriées par lui. Avec les documents qu'ils
avaient, Morris et d'autres "nouveaux historiens" n'ont pas réussi à étayer
leurs conclusions. Ils n'ont pu confirmer que ce que l'on savait déjà,
c'est-à-dire l'effondrement et la dispersion de la société Palestinienne qui sont
dus principalement à ses chefs et aux chefs arabes, non aux sionistes.
Les
falsifications de Morris
Si on regarde de près le texte de
Morris, on s'aperçoit que lui comme les autres Nouveaux Historiens ont falsifié
systématiquement les preuves. Ils ont pratiquement inventé une histoire pour
justifier les idées politiques dont ils font la promotion. La méthode utilisée
va de l'acte innocent de tirer de fausses conclusions à partir de documents
jusqu'à tronçonner ces documents de manière tendancieuse pour en changer le
sens initial, et même jusqu'à réécrire intégralement le texte d'origine pour
diffuser leurs propres idées. Deux exemples brefs méritent le détour.
Dans une lettre adressée à son
fils et datée de 1937, Ben Gourion, le premier ministre d'Israël, écrivait:
"Nous ne souhaitons pas et
nous n'avons pas besoin d'expulser les Arabes et de prendre leur place. Toutes
nos aspirations sont construites sur l'hypothèse – prouvée à travers toute
notre activité – qu'il y a assez d'espace pour nous et pour les Arabes de
Palestine"
Dans son ouvrage précité, Morris
prétend que Ben Gourion a écrit l'inverse, c'est-à-dire "Nous devons
chasser les Arabes et prendre leur place". Curieusement, dans ses
écrits en hébreu, Morris reproduit fidèlement la lettre de Ben Gourion, sachant
peut-être que les lecteurs lisant l'hébreu pouvaient vérifier la source
d'origine.
Dans un autre article, Morris a
déformé les propos de Ben Gourion, lors d'une réunion de cabinet le 16 juin
1948: "Nous n'avons pas commencé cette guerre. Ils nous ont fait la
guerre. Jaffa nous a fait la guerre, Haifa nous a fait la guerre, Beit Shean
nous a fait la guerre. Et je ne veux pas qu'ils fassent de nouveau la guerre".
La phrase-clé (écrite par Morris) est "Je ne veux que ceux qui on fui
reviennent" et elle ne se trouve pas dans la transcription du compte-rendu
de la réunion où on lit le texte cité ci-dessus "Et je ne veux pas
qu'ils fassent de nouveau la guerre". Et, bien sûr, dans son texte en
hébreu Morris n'a pas déformé les propos de Ben Gourion qui sont reproduits
fidèlement.
Les Nouveaux
Historiens ne risquent rien en déformant l'histoire
Dans la recherche de la vérité au
passé, quand on se targue d'écrire l'Histoire, une grande discipline s'impose :
on rejette toute falsification flagrante des faits. Cependant dans les études
relatives au Moyen Orient qui sont extrêmement "politisées", les
nouveaux historiens sont adulés, comme étant des pionniers qui défrichent un
nouveau terrain. Ils sont perçus par les collègues et leurs collaborateurs
comme des gens courageux qui prennent des risques en "débusquant les mythes
sionistes".
Mais qu'ont-ils risqué sur le plan
professionnel, ces nouveaux historiens ? Rien!
Toutes les facultés de Sciences
Humaines et sociales d'Europe et des Etats-Unis, et même les Universités
israéliennes sont dominées par des universitaires de même nature. En effet, les
Nouveaux Historiens sont devenus célèbres et ils ont profité de leur prestige.
On publie leurs livres, on les invite de par le monde pour partager leurs
"trouvailles". Comme le journaliste et Nouvel Historien Tom Segev le
dit en rigolant "nous nous produisons dans les mariages et les bar-mitswas.
Même une figure mineure comme Teddy Katz, un étudiant à l'Université de Haifa
qui publie des affirmations bidon sur un supposé massacre de Palestiniens en
1948, dans le village de Tantoura, est invité dans des campus américains pour
promouvoir ses élucubrations.
Les Nouveaux
Historiens sont appréciés des Palestiniens
Il n'est pas étonnant que la
machine de propagande Palestinienne s'est emparée rapidement des thèses des
Nouveaux Historiens. Qui peut apporter une meilleure preuve de la validité du conte palestinien que des érudits
Israéliens qui prétendent avoir eu accès à des documents déclassifiés? En appui
de leurs revendications territoriales et politiques d'éminents Palestiniens tels
le président de l'Autorité Palestinienne Mahmoud Abbas et le porte parole de
l'OLP Hanan Ashrawi, des universitaires, y compris le défunt Edward Saad et
Rashid Khalili de l'Université de Columbia ont constamment cité les Nouveau Historiens.
Le journal engagé Journal of Palestine Studies ouvre en permanence ses colonnes
aux Nouveaux Historiens. Les sites web de propagande contiennent des
"faits" tirés de leurs écrits. Les négociateurs palestiniens des
défunts sommets de paix de Camp David (juillet 2000) et Taba (janvier 2001) ont
invoqué les travaux de ces Historiens Nouveaux, notamment l'ouvrage précité de
Morris, afin de prouver la culpabilité israélienne dans la catastrophe ou
"naqba" de 1948.
Ils ont influencé
l'opinion israélienne
Les Nouveaux Historiens ont eu un
profond impact sur l'opinion israélienne durant les années Oslo. Fatigués par
des décennies de terreur, cherchant désespérément la normalité et la
réconciliation avec les Arabes, beaucoup d'Israéliens éduqués ont épousé ces
nouvelles fausses thèses qu'Israël était le coupable du conflit. Ils ont assumé
que si la réconciliation avec leurs voisins ne pouvait pas être obtenue par la
dissuasion, un nouveau départ pourrait peut-être être obtenu en acceptant les
exigences arabes, c'est-à-dire reconnaître la culpabilité d'Israël pour les
souffrances palestiniennes et accepter des concessions politiques et
territoriales, du fait de la "faute originelle" de l'état juif…
Cet état d'esprit explique en
partie l'enthousiasme des élites éduquées devant le processus d'Oslo et leur
insistance à croire que l'intransigeance arabe allait être résolue. Pour eux,
la violence palestinienne et son vitriol ont généré la conviction d'être
coupables. Convaincus que les griefs arabes étaient ancrés dans l'agression
d'Israël, de nombreux Israéliens ont cru que cette violence pouvait être
circonscrite par l'apaisement et les concessions. Tout au long des années
Adopter la
Nouvelle Histoire sous le feu de l'Intifada
Même la guerre terroriste appelée
"Intifada d'al Aqsa" que nous ont imposée les Palestiniens à partir
de septembre 2000 n'a pas réussi à éveiller de nombreux Israéliens aux périls
des inventions des Nouveaux Historiens. En effet Israël continuait ses
négociations de paix, même si Arafat disait clairement qu'il venait de lancer
la guerre pour libérer Jérusalem.
Shlomo Ben Ami, un négociateur de
la paix a loué la contribution des Nouveaux Historiens dans le processus
politique. Il disait "les négociations sont une lutte entre deux
récits, et les Nouveaux Historiens ont certainement aidé à consolider le récit
Palestinien… nous sommes arrivés à la table de négociation munis des
perspectives offertes par cette récente recherche sur l'Histoire". Ben
Ami était tellement impressionné par celle-ci, qu'il a investi le nouvel
historien de l'université d'Oxford, Avi Shlaim, de la tâche de lire le
manuscrit de son livre de 2006 sur le conflit arabo-israélien.
On continue à chanter
le même refrain
Des années après l'échec
retentissant du processus d'Oslo, les effets délétères de cette Nouvelle
Histoire se font encore sentir. L'atmosphère intensément anti-Israël et
antisémite qui a émergé après des années d'intifada ne s'est pas encore
dissipée. L'horrible équation sionisme=nazisme a encore cours, parallèlement à
des théories de complot Juif dans les affaires du monde. On a assisté à travers
l'Europe à une résurgence d'attaque de cibles juives, comme jamais vues depuis
les années 30 du siècle dernier.
Et là aussi les Nouveaux
Historiens ont joué leur rôle. Prenez par exemple le rapport de Stephen Walt et
John Mearsheimer sur ledit détournement de la politique étrangère américaine
par le lobby juif, une impitoyable cabale ! Walt-Mearsheimer citent les
Nouveaux Historiens pour prouver de supposés mauvais traitements infligés par
Israël aux Palestiniens. Ces 2 théoriciens ont tellement cité de références de
son livre que Morris s'est mis en colère contre eux disant qu'ils l'avaient mal
compris et "qu'ils avaient pris des citations hors de leur contexte".
Croyez-vous que Morris a eu le moindre picotement dans sa conscience, du fait
des dégâts qu'il avait provoqués en Israël et dans la morale de l'Histoire ?
Après avoir vilipendé Walt-Mearsheimer, il s'est mis à critiquer Yasser Arafat
et la campagne de terreur qu'il a lancée, après l'échec des pourparlers de
Taba. Mais même après s'être débattu pour corriger les dommages causés, il s'est
empressé de sortir une nouvelle version de son livre précité ("Naissance du problème des Réfugiés Palestiniens -1947/49"), une resucée de ses plus anti-israéliens canards et
réécritures de l'Histoire.
D'autres Nouveaux Historiens comme
Avi Shlaim et Ilan Pappe n'ont apparemment pas d'appréhensions. Pappe prétend
faussement avoir été persécuté par son université, offrant un prétexte au
boycott de 2005 de l'Université de Haifa par l'Association des professeurs
d'Université de Grande Bretagne ( AUT). Tout au long de ses nombreuses tournées
et apparitions dans les médias, Ilan Pappe n'a eu cesse de ridiculiser l'Etat
Juif, le traitant d'état raciste, artificiel, colonialiste, implanté au Moyen
Orient, méritant de disparaître comme le régime apartheid d'Afrique du Sud. Il
est rejoint pas Shlaim qui, ces dernières années, est devenu un fervent avocat
de la solution "un seul état" en Palestine, euphémisme pour remplacer
Israël par un nième état arabo-musulman, ramenant les Juifs au niveau d'une
minorité permanente. Malgré sa campagne pour le suicide politique d'Israël, et
ses falsifications malveillantes de l'Histoire, Shlaim a été récemment invité
pour parler au Centre Dayan pour les études du Moyen Orient et d'Afrique, à
l'Université de Tel Aviv. Cette invitation est une illustration crue du malaise
qui afflige le milieu universitaire, et le public israélien en général,
contaminés d'une manière qui semble indélébile par les inventions des Nouveaux
Historiens.