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LE ROMAN D'UN MENTEUR
Par Michel Gurfinkiel, journaliste et écrivain - 2001
Le Roman d'un Menteur . Ce fut le titre d'une fiction de Sacha Guitry. Et
ce pourrait être le sous-titre d'une biographie de Yasser Arafat. Bien sûr,
le chef du mouvement palestinien ne manque pas d'excuses. Le Proche et le
Moyen Orient ne sont-ils pas, depuis la plus haute Antiquité, les terres classiques
du mensonge ? Et surtout, qui mentirait s'il n'y avait point, en face de lui,
d'oreilles complaisantes ? Plus Arafat a fabulé, plus il est trouvé d'Occidentaux
et même d'Israéliens pour le croire...
Je ne puis procéder, en quelques minutes, à l'analyse critique et la rectification
du corpus arafatien tout entier. Je me bornerai à trois mensonges particulièrement
exemplaires.
Le premier concerne la naissance du grand homme. Yasser Arafat, Mohamed Abdel
Raouf Arafat al-Qudwa al-Husseini de son vrai nom, est issu d'une famille
palestinienne de Gaza, originaire d'Égypte et conservant de nombreux liens
familiaux dans ce pays. Il affirme être né en 1929 à Jérusalem. Mais aucun
document n'étaie cette thèse. Et la maison Al-Saoud, où il aurait passé ses
premières années, se situait comme par hasard dans le quartier Moghrabi de
la Vieille Ville, aujourd'hui démoli. En revanche sa carte d'identité universitaire
de la fin des années quarante, document qui a été retrouvé par des journalistes
occidentaux dès les années soixante-dix, le fait naître au Caire. Cela coïncide
avec ce que l'on sait par ailleurs de la vie de son père, Abdel Raouf. Ce
dernier a quitté Jérusalem pour Le Caire dès 1927 à la suite d'une querelle
familiale, et s'est installé définitivement dans cette ville en 1937 à la
suite de son veuvage. Emmenant avec lui ses sept enfants.
Deuxième mensonge, touchant également aux jeunes années. Comment Arafat a-t-il
échappé à la répression qui en 1954, touche le mouvement nationaliste et intégriste
des partisans, dont il est membre depuis son inscription, en 1949, à l'École
d'Ingénieurs de l'université Roi Fouad Ier du Caire ?
Les Frères musulmans ont d'abord soutenu, en 1952, la révolution nassérienne.
Mais sont rapidement passés dans l'opposition. Et en 1954, un de leurs commandos
tente d'assassiner le raïs. La répression est féroce : rafles massives, procès,
pendaison des chefs du mouvement. Comme les autres Frères, Arafat est incarcéré.
Mais alors que la plupart de ses camarades végètent en prison pendant des
années entières, il est libéré au bout de trois mois seulement. Il a affirmé
par la suite qu'il a bénéficié de l'intercession de l'un des compagnons de
Nasser, Kamal el-Din Hussein : celui-ci a démenti avec un sourire ironique.
En fait, Arafat a sauvé sa tête en acceptant de travailler pour les Moukhabarat,
les services secrets du régime. " Désegyptianisé ", transformé en
" réfugié palestinien né à Jérusalem " , il mène à partir de cette
date une carrière de commis voyageur politique. Jusqu'en 1967, date à laquelle,
paradoxalement, la nouvelle débâcle égyptienne face à Israël lui permet enfin
de s'émanciper et de commencer une carrière politique indépendante, à la tête
de l'OLP.
Troisième mensonge, le plus cocasse peut-être, mais aussi l'un des plus vivaces.
Depuis près de vingt ans, Yasser Arafat fait état devant ses visiteurs français
d'une " correspondance " qu'il aurait eue " avec le général
de Gaulle en 1968 " et montre même qu'il porte au cou une croix de Lorraine
que le général de Gaulle lui aurait envoyée à cette occasion.
En 1988, ces propos ayant été publiés par le magazine Paris-Match, je suis
allé interroger un témoin de premier plan : l'amiral Philippe de Gaulle, fils
du fondateur de la Ve République. Celui-ci m'a accordé une interview, parue
dans le magazine Valeurs Actuelles à la date du 12 décembre 1988. Je ne résiste
pas au plaisir de la citer : " Je n'ai pas connaissance d'une éventuelle
correspondance entre mon père et M. Yasser Arafat ", explique Philippe
de Gaulle. " Je n'ai rien vu dans les archives à ce sujet. Les anciens
collaborateurs de mon père, que j'ai interrogés, n'en ont pas souvenir non
plus ".
Sur l'envoi d'une croix de Lorraine à Arafat, Philippe de Gaulle est encore
plus clair : " Cela me surprendrait, dit-il. Mon père n'a jamais donné
de croix de Lorraine à qui que ce soit, pas même aux membres de sa famille
".
En dépit de ce démenti autorisé et public, Arafat a continué à colporter cette
histoire absurde. Et ce qui est plus grave, Paris-Match n'a pas hésité à l'accréditer
une fois encore la semaine dernière. Mentez, mentez, il en restera toujours
quelque chose. Surtout quand cela arrange votre interlocuteur.
© Michel Gurfinkiel, 2001.
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