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Antisémitisme des Frères Musulmans
Par Zvi Mazel
25/2/13. Tribune du Crif
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A la base de cette haine tenace se trouve le refus des Juifs
d’accepter l’Islam et sa supériorité sur toutes les autres religions telle
qu’elle s’exprime dans la "Shahada", la
profession de foi des fidèles : "Il n’y a pas d’autre dieu qu’Allah et
Mohammed est le messager d’Allah". Mohammed est le dernier prophète et
vient annoncer une ère nouvelle qui verra l’Islam dominer le monde par des
voies pacifiques – ou par la conquête. L’islam fait sien l’Ancien et le Nouveau
Testament et Mohammed ne pouvait accepter le fait que les Juifs, qui avaient
introduit le monothéisme dans le monde, se refusaient à le reconnaitre et
accepter son enseignement. C’est la raison pour laquelle il y a beaucoup plus
d’attaques contre les Juifs que contre les Chrétiens dans le Coran, bien que
les Chrétiens n’aient pas non plus accepté l’Islam. Quantité de versets
demandent à ce que les Juifs soient humiliés et soumis, car objets de la colère
d’Allah et condamnés au feu de l’enfer au jugement dernier s’ils n’acceptent
pas la vraie religion (Coran 4 :55) et les traitant de descendants de singes et
de porcs (Coran 5 :60).
Les Frères Musulmans ont pour ainsi dire "modernisé" cette haine
séculaire, mais essentiellement passive. Hassan el Banna, qui fonda le
mouvement en 1928, s’est employé à la transformer en une doctrine virulente qui
s’intégrait à la fois dans son rêve de voir renaître le Califat et dans son
combat contre l’occupation britannique de l’Egypte et l’influence grandissante
de l’Occident. Pour lui, les Juifs étaient partout à l’œuvre, sapant l’Islam et
cherchant à étendre leur emprise sur le monde. Les Frères adoptaient ainsi
l’antisémitisme chrétien et ses méthodes, se livrant à une propagande effrénée
contre les Juifs d’Egypte et lançant des pogromes contre le vieux quartier juif
du Caire. De la fin des années Trente et jusqu’à sa mort en 1949, El Banna
développe ses thèses dans d’innombrables écrits. Pour lui, les Juifs sont les
vecteurs du changement et de l’occidentalisation; ils sont donc responsables du
déclin de l’Occident et de l’Islam. La contradiction inhérente ici ne semble
pas le frapper. Pourtant les Frères se battent contre l’Occident et ses valeurs
démocratiques qui leur sont étrangères. En tout cas El Banna correspond avec
Hitler et fait traduire en arabe Mein Kampf sous le
titre "Mon Jihad". Les Frères sont en liaison avec les nazis, des
caricatures tirées de Der Sturmer sont publiées avec
des traductions appropriées dans leurs publications. Ils se trouvent des alliés
auprès de l’importante colonie allemande qui vit alors au Caire et qui compte
nombre d’agents nazis. Des agents qui vont aider le nouveau parti pronazi
"Misr Elfatat", la jeune Egypte, créé
justement pour déstabiliser le régime et combattre les Juifs. Lorsque la guerre
éclate El Banna offre sans hésiter ses services à Hitler, lui demandant en
contrepartie d’aider l’Egypte à se débarrasser des Anglais et des Juifs.
L’organisation clandestine qu’il a fondée transmet ainsi aux Allemands des
informations sur les mouvements des troupes britanniques. Parmi les membres de
cette organisation se trouve un jeune officier ambitieux qui s’appelle Anwar
Sadate. Les services secrets du roi Farouk finissent par localiser El Banna et
le tuent en 1949.
Le théoricien de la Confrérie et celui qui va jeter les bases religieuses du
combat contre les Juifs et les grand thèmes de la propagande antisémite, c’est
Sayed Qoutb, souvent appelé père de l’idéologie des
Frères et grand-père des mouvements jihadistes
d’aujourd’hui. Condamné à mort par Gamal Abdel Nasser en 1966, Qoutb fut exécuté par pendaison. Dans son livre le plus
connu, Jalons, paru deux ans avant sa mort, il accuse les Juifs d’œuvrer à
l’éradication de toutes les limites imposées par la foi et la religion afin de
pouvoir infiltrer tous les rouages politiques et mettre en œuvre leurs néfastes
projets. Il les accuse de pratiquer l’usure afin que toutes les richesses de
l’humanité tombent aux mains de leurs institutions. Rappelons que plusieurs
années auparavant, il avait écrit un pamphlet intitulé "Notre combat
contre les Juifs". Il y affirme que depuis l’aube de l’Islam les Juifs
complotent contre lui et qu’ils continuent aujourd’hui encore. Il n’hésite pas
à proclamer qu’il s’agit d’une véritable guerre qui fait rage depuis quatorze
siècles. Pour lui les Juifs disposent d’une véritable armée d’agents –
professeurs, philosophes, docteurs et jusque dans les rangs des autorités
religieuses islamiques. Les Juifs sont selon lui à l’origine du matérialisme,
de ce qu’il appelle "une sexualité animale", de la destruction de la
famille et même de la société. Il cite les Juifs Marx, Freud, Durkheim et Jean
Paul Sartre [sic]. On pourrait continuer mais la démonstration est faite. Qoutb a été jusqu’à écrire qu’Allah avait envoyé Hitler
pour punir les Juifs.
Les Frères ont continué et continuent l’œuvre de Qoutb.
Il est impossible d’énumérer les livres, pamphlets, essais ainsi que les
décrets religieux (fatwas) contre les Juifs. Le Sheikh Youssef Kardawi, un Egyptien qui vit au Qatar, est aujourd’hui le
chef de file des théologiens de la Confrérie. Il attaque les Juifs sans
relâche. Lors d’une intervention le 28 janvier 2009 à la chaine Al Jazeera, dont il est le commentateur attitré, il a dit:
"A travers l’histoire, Allah a imposé aux Juifs des peuples voulant les
punir de leur corruption… C’est Adolphe Hitler qui a infligé la dernière
punition. Par tout ce qu’il leur a fait – même s’ils en ont exagéré
l’importance – il a réussi à les mettre à leur place. C’était une punition
divine pour eux. Si Allah le veut, la prochaine sera administrée par les
Croyants"
Deux sourates du Coran – 5 :20-25 et 7 :130-137 –
reconnaissent en termes non équivoques que la Terre Sainte a été donnée aux
Juifs. Cependant, lorsque le Calife Omar el Khattab
fit la conquête de Jérusalem et de la Terre Sainte et d’autres territoires, il
érigea en forme de dogme que toute terre conquise par l’Islam devait faire part
du Califat pour l’éternité. La renaissance d’Israël a donc été considérée comme
inacceptable par les Arabes et les Musulmans, un sentiment d’autant plus
profond qu’ils avaient pris l’habitude de considérer les Juifs comme une
minorité asservie. Ils ne pouvaient admettre la nouvelle réalité et le fait que
ces mêmes Juifs aient arraché une partie des terres qu’ils considéraient comme
appartenant à l’Islam. Que le petit Etat juif ait réussi à affronter
victorieusement les armées de cinq pays arabes durant la guerre d’indépendance
de 48-49 est considéré comme une insulte supplémentaire qui a renforcé la haine
des Juifs dans la culture arabe et islamique. En Egypte, comme dans l’ensemble
du monde arabe, les termes "Juifs", "Sionistes" et
"Israéliens" sont interchangeables. Les Juifs ayant été maudits par
le prophète, ils ne peuvent faire que le mal et la création de l’Etat d’Israël
est pire encore. Les médias en Egypte – presse écrite, télévision, radio –
utilisent indifféremment "Juifs", "l’ennemi sioniste",
"Israël" ou "l’entité sioniste" pour parler de l’Etat
juif.
Résumons : lorsque Moubarak a pris le
pouvoir, l’antisémitisme égyptien englobait tous les éléments mentionnés
ci-dessus : Islam, Arabisme, Israël en terre arabe, défaite. Moubarak n’a rien
fait pour enrayer ce phénomène et les attaques ont continué dans les médias et
dans les mosquées, qui étaient sous le contrôle de l’Etat. Ainsi il était
interdit de critiquer le président et les forces armées, mais aussi interdit
d’évoquer la discrimination dont la minorité copte était victime, mais on
pouvait vilipender les Juifs. Il y avait donc un déferlement quotidien de haine
contre eux et contre Israël ; il était entendu qu’aucune information présentant
les Juifs ou Israël de façon positive ne pouvait être publiée. Qu’il se soit
agi d’une politique officielle ou non, le but était la démonisation
des Juifs et d’Israël et d’empêcher toute normalisation entre les deux pays.
Quelques exemples : 1) Présentation
tendancieuse des faits : ainsi après un attentat sanglant dans une discothèque
à la mode à Tel-Aviv, une manchette en rouge barrait la première page du
quotidien Al Goumhuria qui appartient à l’Etat :
"Des morceaux de chair israélienne ont volé en l’air à la suite de
l’opération héroïque". Les villes israéliennes étaient toutes
qualifiées de colonies, ainsi "opération fedayin dans la colonie de Haifa" émoussant ainsi l’impact d’une attaque
terroriste au cœur d’une ville paisible au cœur d’Israël. On appelle les
Israéliens "El Yahoud", les Juifs. Quant
Israël cherche à réfuter une accusation, on accole le terme "soi-disant" pour bien montrer que sa
version n’est pas acceptée.
2) Des éditoriaux accusent régulièrement les Juifs de tous les péchés du monde et plus particulièrement de traîtrise envers l’Egypte, comme "infiltration en Afrique pour tourner les Africains contre l’Egypte". Il s’agit là de rendre les Juifs responsables du différend qui oppose l’Egypte et les pays du Haut Nil concernant la répartition des eaux de ce fleuve vital. Des éditoriaux expliquent que l’existence d’Israël est illégale et que ce pays doit être rayé de la carte. Le négationnisme est aussi courant, sous diverses formes, soit l’Holocauste n’a pas eu lieu, soit il y a bien eu quelque chose mais c’était mineur et les Juifs gonflent les chiffres pour exploiter l’événement, ou encore dans tous les cas les Juifs sont pires aujourd’hui que les nazis (le 27 janvier 2013 Fox News a rapporté qu’un proche assistant du président Morsi avait déclaré que les six millions de Juifs prétendument assassinés avaient été en fait transférés clandestinement aux Etats-Unis). 3) Des caricatures représentent régulièrement des femmes palestiniennes et des petits enfants face à des soldats israéliens qui les menacent de leur mitraillette ; les soldats sont bottés et leur casque frappé de la Svastika pour bien montrer qu’ils sont aussi féroces que les nazis.
4) D’autres caricatures montrent des Juifs pratiquants au nez crochu égorgeant des enfants palestiniens.
5) Quantité de livres, de films et de séries télévisées se basent sur les « Protocoles des Sages de Sion », un faux notoire, où l’on présente des Juifs monstrueux ; les livres d’auteurs négationnistes comme Roger Garaudy ou David Irwing font l’objet de nombreuses rééditions.
6) Enfin utilisation des versets du Coran et des Hadith pour
démontrer les turpitudes et la traitrise des Juifs et la façon dont ils ont
attaqué Mohammed et l’Islam et rappeler le sort qui les attend au Jugement
Dernier.
Il serait impossible de minimiser l’impact de ces mesures sur une opinion
publique égyptienne privée d’informations objectives et réduite à accepter une
image faussée. Les protestations répétées du gouvernement israélien n’ont pas
abouti, les Egyptiens répliquant que la presse était libre. Trois exemples
encore : lorsque le pape Jean Paul II s’est rendu en visite en Egypte en
Février 2000, le 26 février un éditorial vengeur du quotidien en langue
anglaise "Egyptian Gazette" -- qui appartient
au gouvernement égyptien -- accuse l’église d’avoir cédé au chantage israélien
appuyé par l’Amérique en publiant dans Vatican II un document "acquittant
les Juifs de la mort de Jésus". En 2009 un historien inconnu
jusqu’alors, Abdel Wahab el Messiri,
publia son Encyclopédie des Juifs, du Judaïsme et du Sionisme, somme de 3 000
pages en huit volumes. Lors d’une intervention télévisée il s’explique : il a
entrepris ce vaste travail pour démontrer que le peuple juif n’existe pas. La
même année le président Moubarak lui octroie un prix spécial pour cet effort.
Enfin, lors de la visite de Shimon Peres en 2001 un photomontage paru dans
l’hebdomadaire Al Arabi (de tendance nassériste) le
représente en uniforme de la gestapo.
Malheureusement, la chute de Moubarak n’a pas apporté le
changement espéré. De façon paradoxale les manifestants brandissaient des
portraits du président frappés de l’étoile de David pour montrer qu’il n’était
qu’un pantin aux mains des Juifs ! La journaliste américaine Laura Logan a été
attaquée place Tahrir par une foule enragée la
traitant de juive. Les Juifs et Israël se sont vus de plus en plus ciblés au
fur et à mesure que les Frères Musulmans prenaient la tête de la révolution,
tandis que l’Occident, aveuglé par ce qu’il voyait comme un printemps d’espoir
et de démocratie, hésitait à en parler. En janvier 2012, un effort concerté des
Frères porta ses fruits et le pèlerinage sur la tombe d’Abou Hatsira, un saint homme juif qui repose dans un petit
village du delta non loin d’Alexandrie, a été annulé. Ce pèlerinage attirait
des Juifs du monde entier. Un certain Gamal Hashmet,
qui venait d’être élu au parlement sur la liste du parti des Frères Musulmans
"Justice et liberté" avait proclamé qu’il serait suicidaire pour les Israéliens
de venir, ajoutant "le problème About Hatsira
est celui d’un peuple qui rejette la normalisation (avec Israël) et la présence
de quelque sioniste que ce soit sur le sol égyptien… Personne ne peut forcer
les habitants de cette région à accepter la normalisation". Le
Conseil Suprême des Forces Armées alors au pouvoir a donné instruction à toutes
les représentations égyptiennes dans le monde de ne pas délivrer de visas pour
le pèlerinage.
Maintenant que le parti "Justice et Liberté", la branche politique
des Frères, est au pouvoir, l’antisémitisme qui est au cœur de leur doctrine
est devenu l’idéologie du régime. Il y a bien un fil conducteur de Moubarak à Morsi, mais aujourd’hui l’impact se fait beaucoup plus
sentir. Les dirigeants religieux, forts du soutien du gouvernement, envisagent
l’élimination de l’Etat juif dans un proche avenir comme première étape vers le
rétablissement du califat. Ils tonnent jour après jour contre les Juifs du haut
de leur chaire dans les mosquées ou dans la presse. Depuis son élection Morsi prend soin de ne pas dire tout haut sa haine
d’Israël, et quand on lui rappelle certaines déclarations outrancières, comme
celle citée par le New York Times le 14 janvier 2013 dont il sera question plus
loin, il réplique que ces propos ont été sortis de leur contexte.
Pour leur part, les Frères n’avaient pas attendu. Déjà, lors de la campagne
pour les élections au parlement, ils avaient organisé le 25 novembre 2011 une
manifestation de masse à l’université Al Azhar "pour combattre la
judaïsation de Jérusalem". Ce jour là, cinq mille manifestants ont
entendu Cheikh Al Azhar – qui n’appartient pas à la Confrérie des Frères
Musulmans – les avertissant que les Juifs menaçaient la mosquée Al Aqsa, ajoutant « Nous ne les laisserons pas judaïser Al Quds » et déclarant que depuis l’aube de l’islam les Juifs
s’étaient employés à entrainer les partisans de Mohammed dans une guerre civile
et que désormais ils s’efforçaient d’éviter l’union de tous les Musulmans. »
Les représentants des Frères présents ont lancé un appel au Jihad pour libérer
la Palestine et cité la célèbre Hadith "Le jour viendra où nous tuerons
tous les Juifs et les arbres et les pierres même s’écrieront : il y a un juif
derrière moi, viens le tuer !" Il y a eu là l’une des plus grandes
démonstrations de la haine des Frères pour les Juifs à l’époque actuelle.
Malgré sa prudence, Morsi avait lui-même prêté
serment de délivrer Jérusalem pendant une réunion électorale à Sharm al-Sheikh et avait paru écouter avec la plus grande
complaisance les diatribes enflammées du clergé contre les Juifs et Israël dans
d’autres réunions. Lors d’un grand meeting dans la ville de Mahalla,
un prédicateur fanatique, cheikh Safwat Hegazy, a répété plusieurs fois avec emphase que Morsi allait réaliser le rêve de la restauration du califat
et que « les Etats Unis Arabes » seront bientôt constitués et que leur capitale
ne sera ni la Mecque ni Médine mais bien Jérusalem. Dans la déclaration publiée
par le New York Times évoquée plus haut, Morsi avait
appelé à "nourrir nos enfants et nos petits-enfants de la haine pour
les Juifs et les Sionistes". Toujours selon le New York Times Morsi avait, lors d’une intervention télévisée quelques
mois plus tard, qualifié les Sionistes de "gens assoiffés de sang qui
attaquent les Palestiniens, ces fauteurs de guerre, descendants de singes et de
cochons"
Dès le lendemain de son élection, on assiste à une recrudescence des attaques
contre les Juifs dans les médias, que ce soit de la part d’intellectuels, de
journalistes ou de religieux. On peut trouver les plus extrêmes sur le site de
l’Institut de Recherche sur le Moyen Orient (MEMRI). La Confrérie fait
ouvertement la promotion de ses objectifs doctrinaires tout en laissant
ostensiblement le président gouverner avec pragmatisme. En fait, tous les
membres du parti "Justice et Liberté" sont des cadres supérieurs de
la Confrérie. En Octobre dernier, le chef de ce mouvement, Mohammed Badie, qui a le titre de Guide Suprême, a repris la
tradition de cours de Coran et de Charia tous les Mardis inaugurée par Hassan
el Banna et qui avait été abandonnée après sa mort. Lors de l’une des toutes
premières leçons, il a demandé à tous les Musulmans de conquérir Jérusalem par
le jihad, étant donné que selon lui cet objectif ne pourrait être accompli par
la négociation ou grâce aux Nations unies, ajoutant qu’il s’agissait d’une
obligation pour tous les Musulmans. A cette occasion, il a prétendu que "Les
Juifs ont dominé la terre, répandu la corruption dans le monde, versé le sang
des fidèles et profané par leurs actions les Lieux Saints, y compris les leurs".
Quelques mois plus tôt, en juin, il avait dit "Allah
nous a averti de la traîtrise des Juifs et de leur rôle dangereux en provoquant
des guerres. La guerre au Soudan et la partition de ce pays est l’œuvre des
Juifs comme l’est le conflit entre Ramallah et Gaza".
La haine des Juifs prend parfois de curieuses formes. Ainsi
« Justice et Liberté », l’organe officiel du parti de ce nom, citait le 5
novembre un vénérable cheikh qui aurait dit « Si le destin de l’Islam avait été
de disparaitre du monde, il aurait disparu le jour où est montée l’étoile de ce
Juif maudit Atatürk qui a commis le plus grand crime contre le califat …. Mais
cela ne s’est pas produit car le califat illumine encore le cœur des Musulmans.
»
Lors des manifestations de masse place Tahrir
durant l’opération « Pilier de Défense », en décembre 2012, les militants de la
Confrérie chantaient « Donnez-nous des armes, donnez nous des armes et
envoyez-nous à Gaza ! Khaybar, Khaybar, l’armée de Mohammed revient ! » On a
beaucoup parlé des Juifs pendant la campagne du référendum sur la constitution.
Le prédicateur de l’une des plus grandes mosquées des faubourgs du Caire a
appelé les fidèles à voter oui « car les Juifs essayaient de détruire l’Egypte
en versant d’énormes sommes d’argent aux Egyptiens pour les faire voter contre
la constitution ». Toujours en 2012, des ouvrages dont la couverture annonçait le
caractère violemment antisémite étaient exposés dans le pavillon égyptien à la
foire du livre de Francfort – la plus importante du monde de l’édition. Le
centre Wiesenthal a protesté mais rien n’a été fait.
Au cours de l’été, le quotidien Al Masry
Al Yom a publié une série d’articles – sept en tout – sur ce que son auteur, le
Dr. Noha Al Zini, appelle «
le second exode des Juifs d’Egypte – vérité et illusion ». Elle prenait comme
point de départ le bestseller de Lucette Lagniado
L’homme au complet blanc, qui retrace le destin d’une famille juive forcée à
l’exil dans les années cinquante et qui a erré de France aux Etats-Unis se
sentant partout étrangère. Déjà en Egypte, bien que son père se
considérait comme faisant partie de la société égyptienne, elle-même ne
connaissait pas l’arabe et se sentait étrangère ; en France on la traitait
d’égyptienne et aux Etats-Unis on lui disait qu’elle venait d’un pays
sous-développé. Là est, selon Madame Al Zini, la base
de cette haine ressentie envers les Juifs et ce sont eux qui portent la
responsabilité de leur deuxième sortie d’Egypte. Elle cite l’ouvrage du
professeur Rashad al Shami,
qui enseigne la littérature hébraïque à l’université Ein
Shams, La personnalité juive israélienne et l’esprit
d’agression, où il démontre que cette personnalité a été formée par un
sentiment d’infériorité. C’est dans le préambule des Dix Commandements que le
professeur trouve la preuve de sa théorie en utilisant ce qu’il appelle les
principes de la psychanalyse : « Je suis le Seigneur ton Dieu qui t’ai fait
sortir du pays d’Egypte et de l’esclavage » (Exode 20 :2) ; et plus tôt « J’ai
vu la misère de mon peuple qui est en Egypte, j’ai entendu son cri devant ses
oppresseurs, oui je connais ses angoisses. Je suis descendu pour le délivrer de
la main des Egyptiens. » (Exode 3 :7-10). En d’autres termes les Juifs ont
toujours été humiliés et persécutés ce qui a formé leurs caractéristiques
malveillantes. Il y a un autre facteur, selon le professeur : les persécutions
subies lors de l’exil de Babylone et plus tard les massacres perpétrés par les
Romains. En conséquence tout ce qu’il y avait de fort et de combattant chez les
Juifs a été éliminé, ne laissant que la couardise qui a formé la psyché des
Juifs : soumission, servilité, dépression les conduisant à se tourner vers le
mensonge, la fraude et la ruse pour arriver à leurs fins. Le distingué
professeur en conclut que ce sont les Juifs eux-mêmes qui doivent être blâmés
pour leur second exode d’Egypte. Al Zini s’étonne du
fait que sa mère avait l’habitude de lui montrer sur une photo de classe « sa
bonne camarade, la juive Odette. » « Comment peut-on dire d’un Juif que c’est
un ami ? C’est comme si on disait que l’hiver est chaud ou qu’on parlait d’un
noble voleur. »
On peut encore trouver une expression de cette haine sans
limite dans un épisode qui eut lieu en Août 2012. Iman Kandil,
un acteur célèbre, avait été invité dans un studio de télévision pour ce qu’il
croyait être une interview à la télévision allemande. La charmante speakerine
qui l’a accueilli lui dit qu’il s’agissait en fait de la télévision
israélienne. C’était bien entendu faux, il s’agissait d’un canular. Sans
attendre l’explication, il explosa, projetant la jeune femme sur le mur en
l’insultant violemment jusqu’à ce qu’il ait compris qu’il s’agissait d’une
blague. Il ne s’est pourtant pas excusé et a dit que c’était de sa faute à
elle. Une scène semblable se déroula avec une actrice qui se mit à hurler «
qu’Allah avait maudit les vers et les mites comme il avait maudit les Juifs. »
Antisémitisme et haine d’Israël font désormais partie de la culture égyptienne sans qu’il n’y ait de véritable différence entre laïcs et religieux. Malheureusement, compte-tenu de la montée de l’Islam, tant dans les pays arabes qu’en Occident, on ne peut s’attendre à ce que la situation s’améliore – à moins, bien sûr, que l’Occident ne se décide enfin à voir ce qui se passe et à agir.