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Je Suis un Epicier
Casher
Par Georges Bensoussan (historien), Pascal Bruckner (écrivain), Pierre André Taguieff (philosophe, historien), Jacques Tarnero (essayiste-documentariste), Michèle Tribalat (démographe)
Huffingtopn Post 15/01/2015
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Ceux de Charlie Hebdo ont été
massacrés parce qu'ils défendaient le droit de se moquer de Mahomet, les
policiers ont été assassinés parce qu'ils les protégeaient et symbolisaient la
France islamophobe. Les clients de
l'épicerie casher de Vincennes ont été tués parce qu'ils étaient juifs et
seulement juifs.
Il ne s'agit pas de hiérarchiser
entre les victimes, il s'agit de réfléchir à ce que toutes ces horreurs
signifient.
Pour que l'immense mobilisation du
dimanche 11 janvier ne soit pas perdue, il faut creuser l'analyse non seulement
des faits mais encore des conditions qui leur ont été favorables. Il faut
s'interroger sur ce qui les a rendus possibles, car le combat contre ces
nouveaux barbares endoctrinés est aussi un combat politique, idéologique et
culturel. Depuis le 11 septembre 2001, c'est l'islam radical, ou ce qu'on
appelle l'islamisme, qui a déclaré la guerre à tout ce qui n'est pas lui. Cette guerre se déroule sur plusieurs fronts. De notre lucidité dépend notre capacité de la gagner.
1 - Nommer
l'ennemi
Les tueurs qui invoquent Allah
avant de tirer et de tuer ne sont ni des malades mentaux ni des déséquilibrés.
Ils prétendent venger le prophète Mohamed. C'est la formule "Allahou
aqbar !" qui est rituellement prononcée par
les coupeurs de tête des otages occidentaux en Irak et en Syrie ainsi que par
les tueurs à Paris. C'est bien Dieu qui est convoqué
pour cautionner le crime, pour sanctifier ces gestes supposés purificateurs.
Ces tueurs en mission ne sont pas que des terroristes, ils ne sont pas seulement
des criminels, encore moins de simples
déséquilibrés. Ils sont des islamistes.
Ce sont les mêmes qui ont assassiné trois adolescents juifs en
Israël en juin 2014.
Ce sont les mêmes jouisseurs de
mort qui ont tué trois enfants juifs et leur professeur à Toulouse en mars
2012, qui ont exécuté quatre personnes au musée juif de Bruxelles en mai 2014.
C'est la même idéologie qui a
inspiré les poseurs de bombes de Madrid, de Londres, de Boston.
Ce sont les mêmes imprécations qui
ont accompagné les gestes du tueur de Sidney et de l'agresseur de Joué-les-Tours.
Étaient-ils seulement des malades
mentaux ? Ils se nomment Al-Qaida, État Islamique, Boko Haram en Afrique, Chebab
somaliens, Hamas ou Jihad islamique à Gaza ou Hezbollah au Liban. Cette hydre à têtes multiples a un socle commun et s'il
ne faut bien sûr pas assimiler tous les musulmans à des terroristes, tous ces
terroristes se réclament de l'islam. Certes,
tous les musulmans ne sont pas jihadistes mais tous
les jihadistes sont musulmans. On a le droit de questionner ce qui, de l'intérieur de
l'islam, nourrit cette rage meurtrière. Si cette religion est d'amour et de
paix, il faudrait peut-être y regarder
de près pour extirper de son sein ce qui la dévoie. Cette œuvre de réforme ne
peut être menée à bien que de l'intérieur de la sphère musulmane, dont on sait
qu'elle est hétérogène et conflictuelle.
2 - Qualifier le
crime
Qu'est-ce que le jihad ? Cette guerre sainte ou sacrée promet le paradis à celui
qui pourchasse et anéantit les infidèles, les non-musulmans. Il s'agit de cette
forme spécifique de guerre commise au nom de l'islam, visant à l'extermination
ou à la réduction en esclavage de populations pour la seule raison de leur
identité non musulmane. Ce n'est pas au jihad présenté complaisamment comme une
ascèse spirituelle que nous avons affaire.
Qu'est-ce qui définit en droit la
notion de crime contre l'humanité ? Qu'est-ce qui caractérise ce crime ? Cette
notion, établie après les jugements des crimes nazis au procès de Nuremberg,
caractérise les crimes de masse commis contre des personnes en raison de leur
origine, qu'elle soit ethnique, nationale ou religieuse, ou de leur affiliation
politique. Il s'agit de crimes commis contre des personnes pour ce qu'elles
sont, en raison de leur identité, de leur appartenance, de leur religion ou de
leurs croyances.
Le jihad -- tel qu'il est
invoqué et pratiqué par les groupes islamistes -- s'inscrit dans cette
définition pénale du crime contre l'humanité.
Depuis Daniel Pearl, combien
faudra-t-il d'autres journalistes assassinés, d'autres têtes coupées pour que
les juristes qualifient les crimes de cette nouvelle barbarie? Qualifier
pénalement le jihad de crime contre l'humanité, au nom de principes universels,
permettrait de faire un tri entre ceux qui partagent cette idée d'un universel
commun pour une humanité commune et ceux qui refusent cette idée de communauté
humaine acceptant des règles obéissant à des lois universelles. Cela
constituerait déjà un fort coup de semonce contre tous ceux qui habillent leurs
crimes du masque d'une différence culturelle.
Tant que ceux qui prétendent être
dépositaires de l'héritage spirituel de l'islam n'auront pas fait un travail
critique sur leur propre corpus spirituel, ils resteront aveugles sur les
sources intimes de ce désastre. Prétendre que tout ce qui nous arrive n'a rien
à voir avec l'islam ne les aide guère à l'entreprendre. C'est du sein de
l'islam que des voix doivent s'élever pour dénoncer cette imposture. La maladie de l'islam
caractérisée en 2002 par le regretté Abdelwahab Medeb n'a cessé depuis de s'aggraver et de s'étendre. C'est
la raison de notre inquiétude.
3 - Ouvrir grand
les deux yeux
En juillet dernier, c'est un
pogrom qui a été tenté à Sarcelles et rue de la Roquette à Paris. Ce sont des
"mort aux Juifs !" qui ont accompagné ces manifestations violentes de soutien
aux Palestiniens de Gaza. Ce sont les drapeaux du Hamas, du Hezbollah et l'État
Islamique qui ont été exhibés place de la République."Nous sommes
tous des jihadistes " ont crié certains
manifestants. Combien d'autres mécréants, combien d'autres infidèles, combien
de "croisés" et combien de Juifs vont être assassinés au nom de cet islam-là
? Combien d'autres adolescents israéliens vont être assassinés pour que l'on
comprenne qu'ils sont victimes d'une barbarie identique? Les uns sont les
disciples du nouveau Calife de l'État Islamique en Irak et au Levant, les
autres sont les sectateurs du Hamas. Tous vénèrent Allah et tous vouent aux
flammes de l'enfer un État satanique, dit
"entité sioniste", pour ne pas avoir à prononcer son nom. Ne
pas faire le lien entre la part proche-orientale et anti-israélienne pour ne
considérer que l'offensive islamiste en Occident, c'est s'interdire de penser
la globalité de cette menace. Israël en
constitue la ligne de front la plus avancée.
Avec le masque de la bonne
conscience, certains ont instillé de manière totalement irresponsable cette
haine d'Israël en se couvrant des mots "de progrès et de justice". La haine du Juif accompagne désormais la haine d'Israël. Que cette vieille haine s'habille des atours supposés
progressistes de l'antisionisme ne change rien à l'affaire.
Le déni idéologique de cette réalité
constitue l'autre face de ce désastre de la pensée.
Le propalestinisme
victimaire et obsessionnel d'une partie de la gauche et de l'extrême gauche a aussi nourri la haine des Juifs. L'antisionisme
obsessionnel de certains sert de légitimation idéologique à la haine antijuive
des tueurs, qui connaissent la chanson.
Tous entonnent le refrain : "venger
les enfants palestiniens" ! Mais les enfants juifs, qui, parmi les belles âmes qui
défilent, se soucie de les venger ?
4 - Ce ne sont
pas les supposés islamophobes qui ont tué mais les islamistes
La confusion est à son comble
quand, au nom de l'antiracisme, certains attribuent la responsabilité première
des crimes islamistes comme une réaction au climat d'islamophobie censé être
suscité et entretenu par certains intellectuels et écrivains. Tout ceci ne
serait pas arrivé, nous dit-on, si Finkielkraut, Zemmour
et Houellebecq n'avaient pas écrit « L'Identité malheureuse », « Le Suicide
français » ou « Soumission ». Tous les inquisiteurs vertueux de la pensée
désignent ces trois-là comme les principaux responsables des malheurs actuels
de la société française. C'est contrevenir aux canons de la pensée éclairée que
de considérer le port du voile islamique comme faisant problème. Ce serait là
faire preuve d'un manque de respect pour les différences culturelles et
stigmatiser les musulmans, installés dans la position de victimes.
Sur un autre front, on juge
"néo-réac", avant tout examen, toute pensée critique portant sur la
notion d'identité nationale. Il n'y a pas pire en France, dans la sphère
intellectuelle, que d'être qualifié de "néo-réac" ou de "néo-con".
La gauche de la gauche, qui va de Médiapart aux Verts
en passant par le NPA, a tout compris, et le
pas d'amalgame ! sonne comme une injonction conjuratoire. Le
souci légitime du "pas d'amalgame", résonne désormais comme un interdit de penser. Avec la peur d'être pris en flagrant délit de
stigmatisation de l'islam, il justifie le refus de voir la part proprement
raciste de l'islamisme.
La responsabilité de ces crimes ne
serait donc pas à chercher du côté des tueurs aux kalashnikovs,
mais du côté de ces intellectuels déclarés islamophobes. C'est ce que Médiapart, Edwy Plenel et Noël Mamère, parmi bien
d'autres, s'acharnent à instiller dans les esprits. Plus sommairement, c'est ce
que certains élèves des écoles ont dit dans le 9-3 – "ils l'ont bien
cherché !" - pour justifier leur refus de respecter la minute de
silence pour les morts de Charlie Hebdo. Ce
renversement pervers, qui transforme la victime en bourreau, s'inspire de la
grande astuce mise au point par la gauche de la gauche, consistant à
transformer les Juifs/Israéliens/sionistes en nazis dans le conflit
israélo-palestinien.
5 - Remettre la
Palestine là où elle est
"Il ne faut pas importer en
France le conflit du Proche-Orien". Cette
incantation devenue slogan représente une composante de l'incapacité à
comprendre la mécanique psychique des islamistes. Depuis les années 80, ce
conflit tue en France. L'attentat de la rue Copernic, en octobre 1980, en fut
une des premières manifestations. Toutes les guerres israélo-arabes ont
alimenté en France les représentations des Juifs et des Arabes. Dans
l'imaginaire collectif, la figure du Juif-victime sorti des camps en
Avec la Seconde Intifada (2000),
le renversement s'achève : le Juif/Israélien/sioniste est devenu un
colon/raciste/nazi tandis que le Palestinien se transforme en sa victime
innocente. Le soutien à ce Juif de
substitution qu'est le Palestinien-victime est une méthode de rédemption, qui
permet aux Européens d'échapper à la culpabilité.
Mais la "cause
palestinienne" n'est ici qu'un prétexte.
Quand Mohamed Merah
vient tuer des enfants juifs dans une école à Toulouse en 2012, il le fait
"pour venger les enfants palestiniens". Si l'État Islamique est
dénoncé comme un mal absolu, "un cancer", par les États-Unis, la France et les Européens,
le Hamas jouit d'une certaine considération, malgré sa charte génocidaire et la
dictature qu'il exerce. Il a même reçu sur ses terres des intellectuels de
gauche à la française, Stéphane Hessel et Régis Debray. Est-on capable en
France de regarder cela en face ? On pourra toujours invoquer les mânes de la
République et déclarer solennellement que ces gestes, quand ils sont commis en
France, sont isolés et qu'ils défigurent la patrie des droits de l'homme.
Mohamed Merah, Mehdi Nemmouche
ou Amedi Coulibaly sont, hélas, aussi le produit du
système des cautions idéologiques de la terreur tel qu'il fonctionne dans la
France d'aujourd'hui. Les violentes manifestations en faveur de Gaza de juillet
dernier n'étaient pas seulement propalestiniennes, elle étaient aussi antijuives. Et bien sûr
anti-islamophobes, ultime alibi du pseudo-antiracisme contemporain.
Les Juifs et les islamophobes
ont ainsi été désignés comme des cibles.
6 - Israël n'est
pas responsable du malheur arabe
Le malheur arabe est réel, comme
le malheur palestinien en particulier, mais la raison de ce malheur ou de ce
désastre est à chercher bien plutôt dans le goulag intellectuel où ce monde
s'est lui-même enfermé. C'est de l'intérieur de ce monde que viennent "les
fatwa" condamnant des intellectuels arabes en dissidence ou en rébellion
contre le garrot que l'islamisme a passé autour du cou des peuples arabes.
Faire d'Israël le responsable
du malheur arabe constitue l'une des grandes impostures de l'histoire
contemporaine. L'Algérie a payé un prix
élevé à l'islamisme meurtrier et pourtant quand Boualem
Sansal ou Kamel Daoud pointent ce qui, dans l'islam,
est à la source de cet obscurantisme, c'est en France, et à gauche, que
certains hurlent à l'islamophobie.
Les indignés hesseliens
sont-ils descendus dans la rue pour dénoncer les massacres de Palestiniens en
Syrie ?
Sont-ils indignés par les deux
cent mille morts en Syrie ?
Sont-ils descendus dans la rue
pour dénoncer les kidnappings de centaines de jeunes filles au Nigéria commis
au nom d'Allah par la secte islamiste Boko Haram ?
Ont-ils dénoncés les attentats
contre d'autres musulmans en Somalie, en Algérie, au Liban, en Irak, en
Afghanistan ?
Les massacres arabo-arabes ou
islamo-islamistes seraient-ils à ce point une affaire de famille qu'on y trouve
une excuse ?
Quelle serait cette normalité
acceptée pour cette barbarie alors que chaque riposte d'Israël pour assurer la
protection de ses habitants serait considérée comme infiniment plus condamnable
?
Quel souci ont-ils de la Palestine
ceux qui ont fait de la haine du Juif une seconde nature?
On ne sortira pas vainqueur de la
guerre que l'islamisme nous a déclarée sans un examen critique de ce qui lui a
permis de prospérer à l'intérieur de la sphère arabo- musulmane autant qu'en Occident
par myopie à son égard. Ce sont aussi les constructions idéologiques de ces
vingt dernières années qui lui ont facilité la tâche.
On éprouve un grand malaise devant
les larmes de crocodile versées par ceux-là mêmes qui avaient dénoncé Charlie
Hebdo comme islamophobe et laïcard. Ce sont les mêmes qui délivrent aujourd'hui aux jihadistes un permis de tuer en dénonçant publiquement
certains intellectuels, journalistes et écrivains comme islamophobes. On éprouve le même malaise devant les larmes versées sur
les Juifs assassinés porte de Vincennes. Au bal des Tartuffes, le Front de
gauche, Edgar Morin, Régis Debray, Stéphane Hessel ou Edwy
Plenel ne feront pas banquette.
Désormais la menace est ici,
chez nous, en France, en Europe. Ne pas en considérer et comprendre TOUTES les
composantes, c'est programmer notre défaite.