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Réflexions
sur la Mythologie Antisioniste
Par Pierre-André Taguieff, philosophe,
politiste et historien des idées, directeur de recherche au CNRS, a notamment
publié sur la question : Criminaliser les Juifs. Le mythe du
« meurtre rituel » et ses avatars (antijudaïsme, antisémitisme,
antisionisme) (Hermann, 2020) ; Liaisons dangereuses :
islamo-nazisme, islamo-gauchisme (Hermann, 2021) ; LAntiracisme
devenu fou (Hermann, 2021) ; Sortir de lantisémitisme ? (Odile
Jacob, 2022).
21/11/22
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Lintellectuel engagé Pierre Goldman écrivait dans Libération le 31 octobre 1978 : Nous fûmes quelques gauchistes juifs à être retenus au seuil du soutien à la cause palestinienne par lantisémitisme indiscutable qui suintait en sourdine du discours propalestinien.
Aujourdhui, la plupart des gauchistes juifs des années 1960 et 1970 ont compris la leçon: ils ont cessé non seulement dêtre propalestiniens mais aussi dêtre gauchistes. Certains sont restés de gauche, avec modération, dautres sont passés à droite, parfois sans modération. Ils ont fini par comprendre que la frontière entre ce quon appelle « antisionisme » et « antisémitisme » était poreuse, quelle avait pour effet deffacer le clivage droite-gauche, et aussi que la défense de la « cause palestinienne » était souvent un masque porté par les nouveaux antijuifs, dont la principale caractéristique est quils se réclament de lantiracisme.
Telle est la vraie nouveauté dans les nombreuses métamorphoses de la vieille question juive : linstrumentalisation de lantiracisme et de lantifascisme à des fins antijuives, à travers la diabolisation du sionisme et dIsraël. Il faut préciser en outre que la catégorie diabolisée, « les sionistes », est élargie selon les besoins de la polémique pseudo-antiraciste : elle comprend non seulement les Juifs sionistes au sens strict du terme (quils soient ou non citoyens israéliens) et les Juifs défenseurs dIsraël, mais aussi toutes les personnes favorables à lexistence de lÉtat dIsraël. Cest donc au nom de la lutte contre le racisme que « les sionistes » ainsi identifiés sont diabolisés et criminalisés. Il y a là un inquiétant retournement idéologique et politique, dont la cause fondamentale est le rejet inconditionnel de lexistence dIsraël, qui forme le cur de lantisionisme.
Comment laccusation de sionisme est devenue centrale
En 2003, dans un contexte où, depuis près de trois ans, des synagogues étaient incendiées, des cimetières juifs profanés et des Juifs visibles menacés ou insultés sur fond de cris Mort aux Juifs ! lancés par des émeutiers, Alain Finkielkraut, au début de son bref essai intitulé « Au nom de lAutre », formulait ce constat aussi lucide que désenchanté :
Pendant cinquante ans, les Juifs dOccident ont été protégés par le bouclier du nazisme. Hitler, en effet, avait, comme la écrit Bernanos, déshonoré lantisémitisme. On croyait ce déshonneur définitif. Il nétait peut-être que provisoire. Ce quon prenait pour un acquis apparaît rétrospectivement comme un répit. Et cest en France, le pays dEurope qui compte le plus grand nombre de Juifs, que la parenthèse se ferme de la façon la plus brutale [1].
Déjà, en 1972, Léon Poliakov se demandait avec inquiétude si les censures dont lantisémitisme faisait lobjet depuis la Deuxième Guerre mondiale ne commençaient pas à disparaître [2]. Mais, en 2003, il ne sagissait pas dun simple retour du refoulé ou dune levée des tabous, comme on la cru alors. Ni dune résurgence occasionnelle des passions antijuives héritées de lantijudaïsme chrétien. Ce nétait pas le vieil antisémitisme français traditionaliste ou nationaliste dorigine chrétienne qui refaisait surface, cétait tout autre chose, de lordre dune émergence que nul navait prévue. Sa caractéristique idéologico-politique la plus visible était quelle se situait principalement à gauche et à lextrême gauche. Mais, en France notamment, cette évidence a été masquée par quelques saillies antijuives de démagogues nationalistes situés à lextrême droite, montées en épingle par la gauche.
Cest dans ce contexte quen janvier 2002 jai publié « La Nouvelle Judéophobie », essai dans lequel joffrais une courte synthèse des réflexions que javais faites sur la question depuis le début des années 1980 [3], à la suite de lattentat du 3 octobre 1980 contre la synagogue de la rue Copernic (4 morts) et du massacre commis rue des Rosiers le 9 août 1982 au restaurant Goldenberg (6 morts), mais aussi de laffaire Faurisson qui éclate après la publication dans Le Monde, le 29 décembre 1978, dun article intitulé Le problème des chambres à gaz ou la rumeur dAuschwitz, signé Robert Faurisson , eu égard aux liens entre loffensive négationniste et la propagande antisioniste dextrême gauche. En témoigne le texte lu par Faurisson le 17 décembre 1980 au micro dEurope n° 1 :
Les prétendues chambres à gaz hitlériennes et le prétendu génocide des Juifs forment un seul et même mensonge historique, qui a permis une gigantesque escroquerie politico-financière dont les principaux bénéficiaires sont lÉtat dIsraël et le sionisme international et dont les principales victimes sont le peuple allemand mais non pas ses dirigeants et le peuple palestinien tout entier.
Pour comprendre le sens de cette émergence, il fallait cesser de chercher des continuités historiques et des héritages idéologiques en fouillant dans le passé de la nation française ou plus largement des nations européennes, et considérer lune des conditions de possibilité du surgissement de cette nouvelle grande vague antijuive, qui, au début des années 2000, nen était quà ses débuts : la présence en France de la population musulmane la plus importante dEurope. Car limaginaire politico-religieux de cette population musulmane était déjà fortement imprégné des thèmes de la propagande antisioniste venant du monde arabo-musulman, qui sinscrivaient dans lantijudaïsme islamique traditionnel et entraient en synthèse avec ceux des antisionismes dextrême gauche, marqués par un antinationalisme et un anticolonialisme de principe, mais surtout héritiers de lantisionisme soviétique, qui mêlait antifascisme, anti-américanisme et antiracisme, non sans puiser dans une vision conspirationniste du sionisme comme puissance mondiale occulte. Dès la fin des années 1960 et le début des années 1970, cette rhétorique de propagande sétait à la fois fixée et internationalisée[4].
La centration négative des ennemis des Juifs sur le sionisme nest pas le fruit du hasard. Elle est notamment liée au fait que lidée sioniste reste vivante, non moins que lÉtat-nation quelle a inspiré. Cest pourquoi il convient davoir à lesprit ces remarques de lhistorien Georges Bensoussan : De toutes les réponses juives à la modernité, le sionisme seul a survécu. Ce nest pas là jugement de valeur mais constat. Le socialisme universaliste a sombré et lautonomisme du Bund a été balayé par la Shoah [5]. Lengouement des Juifs pour le communisme est désormais chose du passé, ce qui a entraîné la désuétude du stéréotype daccusation sur-employé à lépoque nazie : le judéo-bolchevisme et le judéo-bolchevique, cest-à-dire le Juif international ayant pour programme daction la révolution mondiale. Le stéréotype daccusation qui a survécu est celui de la haute finance juive ou du financier juif international, exploiteur, dominateur et manipulateur. On sait quil est toujours véhiculé par le mythe Rothschild, qui reste ancré dans limaginaire social occidental, non sans avoir fait le tour du monde.
Lhostilité antijuive sest ainsi fixée sur le sioniste, construit à son tour comme lennemi du genre humain. La dénonciation du sionisme mondial sest banalisée. Le complot sioniste mondial a remplacé le complot judéo-maçonnique et le complot judéo-bolchevique, non sans intégrer, en les reformulant, certains thèmes daccusation ritualisés par la diffusion des deux grands récits de complot antijuifs précédents. Mais la grande nouveauté idéologique et discursive aura été lislamisation progressive de la propagande antisioniste, notamment après la révolution islamiste iranienne de 1979.
Dun antisionisme à dautres
Sil est vrai que le mot antisionisme est équivoque ou, si lon préfère, polysémique, il faut partir dune enquête sur les emplois du terme, les identifier et les distinguer précisément. Les débats interminables sur la question viennent du choc entre des thèses dogmatiques, dérivant de définitions du type Lantisionisme est la figure contemporaine de lantisémitisme ou Lantisionisme na rien à voir avec lantisémitisme. La question première est la suivante : de quoi parlons-nous quand nous parlons dantisionisme ? Pour simplifier et clarifier la question, il convient de distinguer les quatre significations principales du mot antisionisme qui, dans les controverses, interfèrent et se chevauchent souvent, engendrant des dialogues de sourds. Ces significations ne sont pas seulement distinctes, elles sont contradictoires à divers titres.
Énumérons-les brièvement : 1° Lopposition au projet sioniste ; 2° la critique de la politique israélienne ; 3° la dénonciation complotiste du sionisme mondial ; 4° la négation du droit à lexistence de lÉtat dIsraël ainsi que le projet et la volonté de détruire cet État-nation pour le remplacer par un État palestinien ou un État islamique.
On connaît la prophétie menaçante du fondateur des Frères musulmans, Hassan al-Banna, quon trouve citée dans le préambule de la Charte du Hamas (rendue publique en août 1988) : Israël sélèvera et restera en place jusquà ce que lIslam lélimine, comme il a éliminé ses prédécesseurs. La prophétie est régulièrement répétée par les prédicateurs musulmans participant à la propagande palestinienne. Cest principalement en référence à cet antisionisme islamiste exterminateur quon peut définir lantisionisme radical comme une forme contemporaine de racisme [6].
Depuis le début des années 1970, les propagandes anti-israéliennes larabo-musulmane et la soviétique au premier chef ont convergé pour rendre idéologiquement acceptable léquation sionisme = racisme, dans le prolongement de léquation sionisme = colonialisme, lancée à lépoque de la décolonisation. Avec larrivée au pouvoir en Iran de layatollah Ruhollah Khomeyni connu pour sa haine théologique des Juifs , la diabolisation du sionisme et dIsraël, élargie à celle des Juifs désignés comme ennemis de lislam, a occupé une place centrale dans la propagande islamiste, qui mettait en avant la question palestinienne et appelait au jihad contre les Juifs [7]. Dès lors, pour les ennemis de lÉtat dIsraël, le sens politique du mot antisionisme sest réduit au couplage de deux positions de principe : lantiracisme et lanticolonialisme. Lévidence idéologique sest installée : être antiraciste et anticolonialiste, cest être nécessairement antisioniste.
Au cours des années 1990 et 2000, lorsque sest constituée la configuration que jai qualifiée dislamo-gauchiste en 2001-2002, lantiracisme est devenu un quasi-synonyme danti-islamophobie, ce qui témoignait du succès de lopération idéologique islamo-gauchiste par excellence : définir lislamophobie comme lune des principales formes contemporaines du racisme. Le sionisme pouvait dès lors être dénoncé comme un double racisme, dont les cibles et les victimes étaient autant les Palestiniens que les musulmans. En tant quauto-désignation méliorative, le mot antisionisme sest intégré dans le vocabulaire courant des milieux (néo-)antiracistes et (néo-)anticolonialistes, donc dans le discours dune partie de la gauche et dans celui de lextrême gauche tout entière. Laccusation de fascisme, rituelle dans la propagande soviétique, est venue sajouter à celles de racisme et de colonialisme. Lévidence idéologique sest installée : être antifasciste, cest être nécessairement antisioniste.
Lamalgame polémique entre sionisme et impérialisme est également une constante de la rhétorique antisioniste diffusée par la propagande soviétique, puis reprise par lextrême gauche, une partie de la gauche et les pays arabes ainsi que lIran. Dans un article publié le 4 octobre 1967 par un périodique soviétique, on lisait par exemple : De nos jours, le sionisme est lidéologie, le système dorganisation et la pratique de la bourgeoisie juive pro-impérialiste. Son credo est essentiellement lanticommunisme. Dailleurs, lanticommunisme de la société sioniste internationale de ces trafiquants de la politique de la finance, de la religion et du commerce a aidé le sionisme à se développer et à devenir le collaborateur et linstrument stratégiques des États-Unis [8]. Il y a là une première version du « complot américano-sioniste » que les islamistes radicaux dénonceront à partir des années 1980.
Au cours des deux dernières décennies, lantisionisme conspirationniste sest banalisé sur les réseaux sociaux. Mais la nouveauté est que des universitaires de gauche et des militants des droits de lhomme nhésitent plus désormais à diffuser des messages accusant les sionistes ou les Israéliens dêtre les maîtres du monde ou de diriger lAmérique. Cest ainsi que le juriste belge dextrême gauche Jean-Marie Dermagne, qui est lun des avocats de la vénérable Ligue des Droits Humains (LDH) et le vice-président du Syndicats des avocats pour la démocratie, a posté ce message sur son mur Facebook le 4 janvier, au lendemain de lélimination du général iranien Qassem Soleimani par larmée américaine : Les vrais maîtres du monde, ce sont les Israéliens. Trump, le sinistre fanfaron, nest (comme ses prédécesseurs) que leur marionnette armée. Ce sont eux qui tirent [9]. »
Maîtres du monde et fauteurs de guerre : tels sont les Israéliens selon ce distingué militant humaniste et antiraciste.
Délégitimer pour éradiquer
Il sagit de délégitimer lÉtat dIsraël par tous les moyens, pour lisoler sur tous les plans, en organisant notamment contre lui un boycott généralisé. La campagne palestinienne Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) sinscrit dans ce dispositif, en tant que visage humanitariste et compassionnel donné à une propagande de guerre, centrée sur la lutte pour le monopole du statut de victime. Pour ce faire, les propagandistes antisionistes instrumentalisent lantiracisme et lanticolonialisme, entretenant le mythe messianique du propalestinisme rédempteur. Lobjectif est de susciter de lindignation contre les Israéliens et de lempathie pour les Palestiniens, en vue de mobiliser lopinion internationale contre Israël et ses soutiens. Le modèle daction est ici celui du boycott du régime dapartheid de la République sud-africaine : depuis le début du XXIe siècle, lassimilation de lÉtat dIsraël à un système dapartheid est devenue le thème fondamental de la propagande antisioniste. Cet amalgame polémique est dénué du moindre fondement : il ny a pas un racisme dÉtat en Israël, dont la population comprend 20, 9% de citoyens arabes, en majorité musulmans, qui jouissent des mêmes droits que leurs concitoyens juifs.
Dans la propagande antisioniste, qui ne se réduit pas à la propagande anti-israélienne, les amalgames diabolisateurs forment une longue chaîne : Israël/sionisme-nazisme-fascisme-colonialisme-racisme-expansionnisme-impérialisme-apartheid-génocide. Les métaphores polémiques les plus employées sont pathologisantes ou bestialisantes : kyste, cancer, monstre tentaculaire, ennemi parasite, etc. Quant aux amalgames diffamatoires, ils vont de lÉtat gangster à Israël = régime dapartheid, politique dIsraël = nettoyage ethnique ou politique génocidaire, sionisme = racisme, sionisme = nazisme, etc. Doù la fabrication de slogans et de clichés de propagande, indéfiniment recyclés dans les discours néo-antiracistes et néo-antifascistes contemporains. À Berlin, en avril 2003, lors dune des réunions préparatoires du Forum social européen (FSE), les tentations antijuives de certains milieux altermondialistes sétaient manifestées par la présence dindividus arborant des T-shirts sur lesquels on pouvait lire cette prédiction fondée sur des analogies historiques trompeuses : Le monde a arrêté le nazisme. Le monde a arrêté lapartheid. Le monde va arrêter le sionisme. Lantisionisme radical est le produit dune fusion entre ces machines à diaboliser et à diffamer que sont devenus lantifascisme et lantiracisme dans les mains de la nouvelle extrême gauche [10].
Les stratégies de délégitimation par diabolisation ont pour conclusion logique des appels de lélimination de lÉtat dIsraël. Sur la question, les hauts dirigeants de la théocratie islamique dIran se sont montrés les plus directs. Dès son élection en 2005, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad na cessé de menacer les sionistes dêtre effacés de la surface de la terre en tant que germes de corruption. Le 2 juin 2008, à loccasion du dix-neuvième anniversaire de la mort de layatollah Khomeyni, Ahmadinejad formulait un diagnostic concernant lÉtat dIsraël, dont il prédisait la fin imminente : Le régime sioniste a atteint le terme de son uvre et disparaîtra prochainement des cartes géographiques. En 2005, il avait déjà déclaré quIsraël serait rayé de la carte. Trois ans plus tard, il réaffirmait sa prédiction de la disparition de lÉtat juif, régime criminel et terroriste sioniste qui a derrière lui soixante ans de pillages, dagressions et de crimes, et annonce corrélativement la destruction du régime satanique des États-Unis. Dans la terminologie khomeyniste, la destruction du petit Satan (Israël) et du grand Satan (les États-Unis) est la condition de la délivrance ou de la libération de lhumanité, enfin prête à être islamisée.
Lors de la Journée mondiale dAl-Quds à Times Square (New York), le 31 mai 2019, lactiviste antisioniste Nate Chase, membre du World Workers Party, a été fort clair : Nous ne voulons pas de deux États ! Nous voulons tout ! (slogans répétés par la foule). Et de préciser : Parce que chaque centimètre du fleuve à la mer est la Palestine ! [ ] Israël nexiste pas ! Il na jamais existé, nexiste pas et nexistera jamais ! Il ny a que la Palestine!
Face à lentité sioniste connue sous le nom dIsraël, caractérisée comme une marionnette raciste créée par les impérialistes américains, un seul mot dordre était lancé le même jour par Rokeya Begum, jeune activiste du mouvement pro-palestinien Within Our Lifetime : Brisez lÉtat sioniste colonialiste [11] ! Cette militante antisioniste a aussi scandé le slogan Mondialisez lIntifada ! Une guerre révolutionnaire mondiale est déclarée contre le racisme et le colonialisme incarnés par un sionisme fantasmé.
Lantisionisme internationaliste reprend ainsi lhéritage de limaginaire révolutionnaire communiste, mais après avoir substitué la cause palestinienne à la cause prolétarienne en tant que cause universelle, non sans donner à cette dernière un parfum victimaire en lassociant à la cause de la prétendue religion des faibles, lislam. Lantisionisme est devenu lidéologie du grand parti sans frontières des faibles et des victimes. Or, comme tout musulman est censé être une victime effective ou potentielle de lislamophobie, érigée en principale forme contemporaine de racisme, la lutte contre le sionisme se confond avec la lutte contre lislamophobie, donc avec la lutte contre le racisme. Être antisioniste, cest être antiraciste. Les antisionistes sinscrivent ainsi dans le camp du Bien et de la Vertu. Lantisionisme exterminateur se réclame frénétiquement de la morale, qui incite à protéger les faibles et à défendre les victimes contre les dominateurs et les bourreaux que sont les sionistes.
Ces thèmes et ces images de propagande sont massivement diffusés sur les réseaux sociaux et dans les médias. On peut ici parler dune mythologie politique dominante et mondialisée, qui simpose par des mécanismes dintimidation jouant sur lindignation morale. Face à cette entreprise de criminalisation et de diabolisation dIsraël et du sionisme, il faut commencer par faire la part de lillusion, de la mauvaise foi, de laveuglement idéologique et de limposture plus ou moins intéressée, voire subventionnée. Il importe surtout de résister à lintimidation en lançant une contre-offensive intellectuelle.
Notes
[1] Alain Finkielkraut, Au
nom de lAutre. Réflexions sur lantisémitisme qui vient, Paris,
Gallimard, 2003, p. 9.
[2] Léon Poliakov,
« Lantisémitisme à travers les âges » (1967, complété en 1972),
in id., Les Juifs et notre histoire, Paris,
Flammarion, 1973, p. 32.
[3] Voir par exemple Pierre-André
Taguieff, « Lantisionisme arabo-islamophile », Sens,
n° 11, novembre 1982, pp. 253-266 ; id.,
« Lantijudaïcisme contemporain. Rupture de tradition et nouvelle naissance », Cahiers
Bernard Lazare, n° 101-103, mai-juillet 1983, pp.
27-30 ; id., « La nouvelle
judéophobie. Antisionisme, antiracisme, anti-impérialisme », Les
Temps Modernes, n° 520, novembre 1989, pp. 1-80.
[4] Voir par exemple le pamphlet
de Lucien Cavro-Demars, Aux sources du Sionisme et de ses ravages dans
le monde, Beyrouth (Liban), 1971.
[5] Georges Bensoussan, Une
histoire intellectuelle et politique du sionisme 1860-1940, Paris,
Fayard, 2002, p. 11.
[6] Pierre-André Taguieff, La
Nouvelle Propagande antijuive. Du symbole al-Dura aux rumeurs de Gaza,
Paris, PUF, 2010, pp. 57-74.
[7] Yossef Bodansky, « Les
Juifs et lislam militant après Khomeyni » (tr. fr. Claire Darmon), Revue
dhistoire de la Shoah, n° 180, 2004/1, pp. 62-108.
[8] Cité par Zev Katz,
« Après la guerre de 1967 », in Lionel Kochan (dir.), Les
Juifs en Union soviétique depuis 1917[1970], Paris, Calmann-Lévy,
1971, p. 454.
[9] http://www.lbca.be/communiques/303-un-avocat-de-la-ligue-des-droits-humains-pris-en-flagrant-delit-d-antisemitisme#.XhIQPGRKh90.
[10] Voir Pierre-André
Taguieff, La Nouvelle Propagande antijuive, op.
cit. ; id., Judéophobie,
la dernière vague, Paris, Fayard, 2018 ; id., « Léternelle
renaissance de lespace néo-gauchiste : néo-antifascistes et
néo-antiracistes », Revue politique et parlementaire,
n° 1103, avril-mai-juin 2022, pp. 47-61.
[11] Déclarations citées dans
larticle : « Journée dAl-Quds à Times Square, New York : Nous ne voulons pas
de deux États ! Nous voulons tout ! Israël nexiste pas ! », 12 juin 2019,
http://memri.fr/2019/06/12/militants-a-un-rassemblement-de-la-journee-dal-quds-a-times-square-israel-nexistera-jamais-chaque-centimetre-est-la-palestine-mondialisez-lintifada/