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Territoire, Israël, Palestine,
ONU, Cisjordanie, accord de paix
Par Daniel Pipes, journaliste et écrivain
Article paru dans le New York le 22 Mars 2004 – Traduit
par Aroutz 7
Le premier ministre israélien, rompant avec les positions qui sont les siennes
depuis plusieurs décennies, a déclaré son intention d'évacuer toutes les "
implantations" israéliennes à Gaza, et certaines de celles qui existent en
Cisjordanie. Ce genre de décision renvoie à une question fondamentale: quelle
est l'importance des "implantations" dans le cadre général des
relations israélo-palestiniennes?
(J'utilise des guillemets quand j'emploie le mot "implantations"
parce que le dictionnaire définit ce mot comme désignant une "petite
communauté" ou "l'installation d'un peuple dans une nouvelle
région". Cela ne décrit pas de façon adéquate les zones de peuplement
juives concernées, puisque celles-ci incluent des dizaines de milliers
d'habitants qui y vivent depuis plusieurs décennies).
Certains analystes considèrent que le fait que des juifs vivent en Cisjordanie
et à Gaza constitue l'obstacle majeur à la résolution du conflit
israélo-palestinien. Par exemple:
Thomas Friedman dans le New York Times: "Israël doit se retirer de
Cisjordanie et de Gaza dès que possible et évacuer l'essentiel des
implantations. Je défends cette position depuis longtemps, mais c'est
maintenant une urgente nécessité. Sans ce type de décision, l'Etat juif est en
péril. Dans l'idéal, le retrait devrait s'effectuer de manière négociée et
conformément au plan Clinton. Mais si c'est nécessaire, il faudra l'effectuer
unilatéralement. Cela doit se faire dès que possible, et les Etats-Unis
devraient faire pression pour que cela se fasse".
Jean Abi Nader de l'Arab American Institute: "Les implantations sont
l'obstacle politique majeur" à une résolution du conflit.
Dennis Kucinich, candidat démocrate à l'élection présidentielle: "Les
implantations israéliennes sont un obstacle significatif à une paix viable
entre Israël et les Palestiniens".
Je suis en désaccord avec ces arguments, et ce pour deux raisons principales.
D'abord, ils présupposent que les Arabes palestiniens cherchent à reprendre
contrôle de la Cisjordanie et de Gaza seulement, alors que l'évidence montre
qu'ils souhaitent aussi aller plus loin et prendre contrôle du territoire
israélien. En ces conditions, un retrait des territoires par les Israéliens
n'apporte rien de positif.
Il est même probable qu'un tel retrait soit négatif. Imaginez que les
israéliens évacuent les territoires et que les forces armées israéliennes se
replient à l'intérieur des frontières de 1967, et demandez-vous ce qui se
passerait. Messieurs Friedman, Abi Nasser et Kucinich supposent que les Arabes
palestiniens seraient reconnaissants et récompenseraient Israël en cultivant
leur propre jardin et en permettant à Israël de vivre sa vie en paix.
J'attendrais pour ce qui me concerne une réaction différente: les Arabes
palestiniens verront dans un retrait un signal qu'Israël est faible, vulnérable
et pratique l'apaisement. Loin de montrer de la gratitude, ils feront en ces
conditions de nouvelles demandes. Jénine et Ramallah appartiendront au passé,
Jérusalem sera la prochaine ville sur leur liste, suivie par Tel Aviv et Haïfa.
Cela signifie qu'Israël est condamné à maintenir ses villes et ses communautés
existantes en Cisjordanie et à Gaza. Elles peuvent être un handicap tactique et
politique, mais elles doivent néanmoins être conservées et défendues.
Agir autrement serait indiquer aux Arabes palestiniens que la saison de la
chasse contre Israël est ouverte, ce qui créerait plus de violence que la
vingtaine d'incidents qui surviennent aujourd'hui quotidiennement.
Deuxièmement, l'intention de Sharon de supprimer les "implantations"
israéliennes repose sur l'idée qu'elles constituent un obstacle vaste, et peut
être insurmontable, à une résolution du conflit israélo-palestinien. Je vois en
elles au contraire un obstacle mineur. Une fois que les Arabes palestiniens
montreront par les actes et par les mots qu'ils acceptent pleinement et
irrévocablement l'existence de l'Etat d'Israël, toutes les possibilités de
résolution du conflit s'ouvriront.
Des frontières réajustées: Comme Ariel Sharon l'a suggéré lui-même la semaine
dernière, le "triangle" situé dans le Nord d'Israël et largement
peuplé d'Arabes pourrait faire l'objet de négociations territoriales.
Une souveraineté sans contiguïté: Des juifs vivant sur des terres séparées
physiquement d'Israël pourraient vivre sous gouvernement israélien.
Une souveraineté palestinienne: Une fois que les Arabes palestiniens
accepteront vraiment la présence sioniste, les juifs installés dans les
territoires pourront vivre sous un gouvernement palestinien.
De telles éventualités semblent utopiques aujourd'hui. Mais quand les Arabes
palestiniens changeront finalement de position, quand ils accepteront
l'existence d'Israël et renonceront à l'usage de la force contre Israël, toutes
sortes d'avancées positives pourront survenir et permettre de résoudre aisément
des problèmes qui semblent aujourd'hui insolubles.
A la question "Comment sauront-nous qu'ils auront changé d'avis",
ma réponse est: Quand les juifs vivant à Hébron en Cisjordanie n'auront pas
besoin de davantage de mesures de sécurité que les arabes vivant à Nazareth en
Israël. Jusqu'à ce que ce jour heureux arrive, la question des juifs installés
dans les territoires sera peut être la moins importante de toutes celles
auxquelles les stratèges et les apprentis diplomates seront confrontés. Plutôt
que de se focaliser sur ce genre de détail politique, ils devraient songer aux
façons d'inciter les Arabes palestiniens à accepter l'existence d'un Etat juif
souverain appelé Israël. Jusqu'à ce moment, aucune initiative n'apportera quoi
que ce soit de positif.