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Y AURA-T-IL
DES JUIFS EN PALESTINE ?
Par
Marco KOSKAS, Ecrivain pour l'AFEMO
le 1er septembre 2005
Voilà qui est fait : il n'y a plus un seul juif à Gaza.
Cette pauvre bande de terre battue par les vents de sable est maintenant sous
contrôle palestinien et c'est très bien comme ça. Pourvu que la paix vienne
enfin ! Pourvu que cet embryon de compromis entre les belligérants soit suivi
d'autres gestes de paix, mutuels si possible.
Il reste à savoir pourquoi chaque fois que le nationalisme arabe triomphe, il
faut que les Juifs s'en aillent. Que ce soit au Maghreb ou au Machrek, il n'est
pas de pays arabe qui ait accédé à la souveraineté sans que les Juifs n'en
soient chassés. Ou poussés vers la sortie. Dans tous ces pays, la présence des
juifs remontait pourtant à des temps immémoriaux. Parfois, elle précédait même
celle des arabes. Et ces juifs là n'étaient pas des « colons ». Leur présence
n'était pas le fruit d'une occupation militaire. Ils n'étaient pas armés non
plus, comme ceux de Gaza. N'empêche qu'il leur fallut plier bagage.
Un million de juifs ont dû ainsi quitter les pays arabes dans les années 50 et
60. Ce fut une épuration ethnique silencieuse dont personne ne s'émut. Tout se
passa comme si la population juive des pays arabes s'était confondue avec la
France coloniale, ses fonctionnaires, ses militaires et ses Pères Blancs boutés
hors de ces pays à l'indépendance. A l'époque, pas une voix ne s'éleva pour
crier à l'amalgame. Il n'y eut pas un mot de consolation pour ceux qui durent
partir du jour au lendemain en laissant tout derrière soi.
Tandis que les Palestiniens chassés de Palestine s'inventaient en exil un
nationalisme héroïque, les Juifs chassés par le nationalisme arabe se
contentaient de refaire leur vie ailleurs. Qui en France, qui au Canada, et qui
surtout en Israël... Or ce sont ces juifs là qu'on a chassés de Gaza ; encore
eux, qu'on a évincés d'un (futur) pays arabe ; les mêmes juifs cinquante ans
après, toujours aussi indésirables chez les arabes.
L'histoire se répèterait-elle ? Deviendrait-elle rengaine ? Alors, pendant
qu'il est encore temps, posons la question qui fâche : y aura-t-il des juifs en
Palestine ? Dans le futur état palestinien, s'entend. Cet état là sera-t-il
réservé aux seuls musulmans et à une infime minorité chrétienne, ou bien sa
population sera-t-elle également mâtinée de juifs ?
A condition qu'ils soient désarmés et qu'ils respectent la légalité de ce futur
état, pourquoi les juifs israéliens qui s'y trouvent déjà ne pourraient-ils pas
continuer à y vivre ? A condition aussi que l'état palestinien assure leur
sécurité, voire qu'il leur accorde la nationalité palestinienne... Il y a bien
un gros million de Palestiniens en Israël et personne ne songerait à les
transférer de l'autre côté du Jourdain. En tous cas voila un enjeu majeur pour
l'identité de l'état palestinien que de dire s'il y aura ou non des juifs dans
sa population. Malheureusement, tel qu'il se profile pour l'instant, cet état
prend modèle sur le nationalisme arabe des années 50, avec notamment une recomposition
exclusivement arabo-muslmane de sa population... et raoust juden comme dab ! Ne
nous fions pas à l'exemple de Gaza, car ce qui a pu fonctionner à Gaza malgré
les cris et les larmes, ne fonctionnera pas dans le reste des Territoires vu le
nombre de colons et la dissémination des implantations.
On sait que nul ne pourra chasser par la force les centaines de milliers
d'Israéliens qui y sont installés, et pour certains d'entre eux depuis plus de
trente ans. Ou alors ce sera un bain de sang, un chaos indescriptible, une
horreur. Aucun dirigeant israélien ne prendra ce risque, non seulement par
conviction mais aussi parce que l'ensemble de la population israélienne est
profondément marquée par l'épuration ethnique qui a eu lieu au cours des années
50-60 dans les pays arabes. Il faut que l'on comprenne enfin que l'inconscient
collectif israélien est davantage structuré par cette épuration que par
Auschwitz, et qu'elle détermine toutes les réactions de ce peuple. Tant qu'on
n'aura pas appelé par son nom la déjudaïsation des pays arabes, aucun israélien
ne trouvera juste de quitter les Territoires. Il ne s'agit pas d'une position
politique extrémiste mais l'expression d'un trauma ; une plaie encore béante
dans le cour de tous les juifs orientaux.
Voila pourquoi les dirigeants palestiniens devraient rompre avec les pratiques
du nationalisme arabe et le dire ; rompre aussi avec l'idée que les transferts
de population peuvent se faire aussi facilement que le déplacement de pions sur
un échiquier. Si on prenait au sérieux les revendications palestiniennes en la
matière ( retour des réfugiés et évacuation des colonies ) on retrouverait
plusieurs millions de personnes sur les routes entre la Galilée et la Mer
Rouge, comme lors de la partition de l'Inde en 1947, avec les massacres qui
s'ensuivirent. Il faut donc que les Palestiniens se résolvent à penser
autrement. Tant qu'ils continueront à confondre la tutelle militaire d'Israël
et la présence juive sur leur territoire, il n'y aura pas de dénouement. Qu'ils
déclarent inacceptable l'occupation mais acceptable la population juive déjà
présente, et tout sera différent. Qu'ils garantissent à ces juifs les mêmes
droits que l'état israélien garantit aux musulmans installés dans ses
frontières, et tout deviendra possible. En bref, il faut qu'ils passent du
modèle arabe de libération nationale au modèle sud africain. Là-bas, les
fanatiques ont dû plier devant la nouvelle réalité parce que Mandéla n'a
surtout pas imposé aux blancs la fameuse alternative du FLN algérien imposée
aux pieds-noirs : la valise ou le cercueil. Au contraire, l'idée juste et
grande de Mandéla aura été de garantir d'abord à tous les habitants, blancs ou
noirs, leur droit de vivre en Afrique du Sud. Le droit du sol, en quelque
sorte. C'est pourquoi il n'y a pas eu là-bas de remake du drame algérien. Et le
droit du sol qui a primé en Afrique du Sud doit primer dans le Moyen Orient pacifié dont tout
le monde rêve, à part les fanatiques.