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L’Attitude Aberrante Des Chrétiens Du Liban

 

Par Jacques BENILLOUCHE

Temps et Contretemps – 11/10/14

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Malgré toutes les exactions commises par les Islamistes contre les Chrétiens d’Orient, la position politique des Chrétiens libanais est sinon aberrante, au moins inexplicable. De plus en plus de voix chrétiennes, qui semblent avoir eu à choisir entre la peste et le choléra, à défaut d’adopter une attitude neutre, appuient le Hezbollah, pourtant entièrement engagé militairement auprès du régime syrien. Le Patriarche Raï, dont les positions sont mitigées vis-à-vis des Israéliens, n’hésite pas à louer l’efficacité des miliciens du Hezbollah.

 

Il existe au Liban deux clans politiques opposés. Composée des partis chiites et des Druzes, l’Alliance du 8 Mars, est fidèle à son rapprochement avec les islamistes libanais. A l'opposé, la position de l’autre clan ne cesse d’étonner, celui de l’Alliance du 14-Mars, coalition politique libanaise regroupant les personnalités et mouvements politiques qui ont pris part à la Révolution du Cèdre, suite à l’assassinat, le 14 février 2005, de l’ancien Premier ministre Rafiq Hariri. Ce mouvement comprend en effet la majorité des partis chrétiens, des partis sunnites, en particulier le parti sunnite de Saad Hariri, les Forces libanaises de Samir Geagea, le parti Kataëb d’Amine Gemayel, le parti libéral de Dory Chamoun, le bloc national de Carlos Eddé, la gauche démocratique de Elias Atallah.

Le CPL du général chrétien Michel Aoun, passé avec armes et bagages dans le giron syrien, s’est séparé de ce rassemblement. Certains de ces dirigeants cités, qui auraient dû stratégiquement et idéologiquement se rapprocher d’Israël en tant que minoritaires dans un environnement musulman, se rangent à présent aux côtés du Hezbollah sous prétexte qu’il est, selon eux, le seul à protéger le Liban contre les terroristes d’Al-Qaeda. On se demande ce que fait dans ce contexte l’armée libanaise dont c’est le rôle et la responsabilité, sauf à être qualifiée d’armée d’opérette.

 

En revanche la position de l’Église est loin d’être ambiguë. Dans une attitude paradoxale, elle soutient à fond le combat du Hezbollah chiite. Des témoins d’une réunion avec le patriarche Raï ont rapporté les termes de son intervention au siège patriarcal de Bkerké : «Si les chrétiens étaient interrogés aujourd'hui sur leur avis au sujet des développements, ils répondraient tous que sans le Hezbollah, l'État islamique serait à Jounié». C’est un bon point donné aux terroristes. Certes, quelques personnalités chrétiennes n’abondent pas dans ce sens, mais la majorité d’entre elles acquiescent, par lâcheté ou par opportunisme, parce qu’elles veulent oublier les exactions commises par les milices au nom d’Allah.

Le chef des F.L (Forces libanaises), Samir Geagea, a estimé, lui, que «l'attaque menée par des éléments armés dans le jurd de Brital et Nabi Sbat prouve une nouvelle fois l'extrême nécessité d'une décision du gouvernement, qui obligerait le Hezbollah à se retirer de Syrie, si bien sûr, le souci du gouvernement de protéger le territoire libanais est sérieux». Quelques membres du mouvement du 14 mars s’insurgent par ailleurs contre l’idée d’une protection des frontières libanaises par le Hezbollah.

Selon certaines sources, la position du patriarche Raï reflète l’état d’esprit qui règne auprès des Chrétiens des villages frontaliers de la Syrie, dans la Bekaa et au Liban-Nord. Ces derniers jugent que le Hezbollah, déployé aux frontières, constitue une ligne de défense qui protège leurs villages et leur terre contre les attaques des terroristes. Même à Deir al-Ahmar, une localité maronite de la Bekaa, considérée comme un fief des F.L, les habitants ne cachent pas leur soutien aux miliciens du Hezbollah qui, selon eux, empêchent les djihadistes de déferler vers leur village, sans personne pour les arrêter.

 

En fait les Chrétiens réagissent ainsi par dépit, parce qu’ils ne se font plus d’illusion sur une protection internationale. Ils étaient persuadés que «seule une présence internationale serait susceptible de protéger le Liban». L’illusion est due au fait qu’aucun pays au monde n’est prêt à déployer des troupes face aux terroristes de l'E.I et du Front al-Nosra. Même la «coalition internationale», dirigée par les États-Unis, a limité son action contre Daesh à une campagne aérienne, dont les effets sont sujets à caution.

Les Occidentaux n’envisagent d’ailleurs pas l'élargissement du rôle de la Finul installée au Sud-Liban qui a prouvé son inefficacité, à chaque fois que des troubles étaient déclenchés entre belligérants. D’ailleurs leur statut est ambivalent puisqu’ils ne peuvent ni se défendre, ni attaquer. Les Casques bleus ne constituent pas une armée. Leur rôle consiste dans le «maintien ou le rétablissement de la paix et de la sécurité internationale» mais l’expérience a prouvé qu’ils désertaient le champ de bataille au premier coup de feu tiré.

 

Mais il est un fait à l'actif des Forces Libanaises car, à chaque fois que le Liban se sent en danger, seul le nationaliste Samir Geagea exprime une attitude courageuse à l’encontre de la majorité des Chrétiens, satisfaits d'une inertie et d’un statu quo qui garantissent leurs privilèges, sinon leur vie. Grâce à eux le Hezbollah est promu au rang se sauveur de la nation libanaise