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UN GANGSTER EN POLITIQUE
Ce qui reste de la cause palestinienne après sa disparition: rien !
Par Bret Stephens, membre de l'équipe éditoriale du Wall Street
Journal, ex rédacteur en chef du Jerusalem Post
Éditorial paru dans le Wall Street Journal du 7 novembre
2004.
Traduit par Albert Soued, écrivain, www.chez.com/soued
En 1993, les Services Secrets britanniques ont commandé un
rapport sur les sources de financement de l'OLP. Pendant des années, on a cru
qu'Arafat avait fait fortune dans le bâtiment, alors qu'il exerçait son métier
d'ingénieur civil au Koweit dans les années 50.
On a cru aussi que cet argent était à l'origine des
ressources de l'OLP, avec les "5%" rétrocédés par les Palestiniens
qui travaillaient dans les pays de la Ligue arabe. Mais les enquêteurs
britanniques sont parvenus à la conclusion que les principales ressources de
l'organisation palestinienne provenaient de "l'extorsion de fonds, des
bakshish, de la contrebande d'armes et de drogues, du blanchiment d'argent et
de la fraude", parvenant à la coquette somme de 14 milliards $.
En rétrospective, il est étonnant aussi de remarquer que
l'année 1993 fut celle où on a fêté le chef de cette entreprise criminelle sur
les pelouses de la Maison Blanche, parce qu'il avait "accepté de faire la
paix avec Israël". Mais tout ce qui concerne les années 90 paraît
"étonnant", c'est pourquoi un homme comme Arafat a pu prospérer comme
tant d'autres, avec des mensonges…
Le "rais" était fondamentalement un gangster en
politique, mais aussi le plus grand illusionniste du 20ème siècle.
Il a réussi à créer par magie une cause, un peuple, à partir de rien, tout an rameutant
autour de lui le monde entier (1). Aujourd'hui il est intéressant de voir ce
qu'il laisse en héritage.
D'abord qui est Arafat ? Pour ceux qui l'ignorent encore,
cet homme n'est pas Palestinien, contrairement à ses allégations d'être né
tantôt à Gaza, tantôt à Jérusalem; ses parents l'étaient, mais lui est né au
Caire et y a été élevé, parlant l'arabe égyptien; il n'a jamais pris part à la
guerre israélo-arabe de 1948, ni à la "naqba" (catastrophe), que les
Palestiniens considèrent comme le fait fondateur de leur nation. Arafat n'a pas
participé non plus à la guerre de Suez, malgré ses nombreuses allégations y
faisant référence.
Mais c'était l'époque de l'explosion du Tiers-Monde
anti-colonialiste, de la politique de Bandoung de Sokarno l'indonésien, de Ben
Bela, l'algérien, de Castro le cubain et de Nasser, l'égyptien. Et à cette
époque Arafat est devenu un activiste à l'université du Caire, dirigeant
l'union des étudiants de Palestine et commençant à se fabriquer un
"personnage", keffyeh, uniforme, demi-barbe et plus tard, le revolver
à la ceinture, afin de compenser une petite stature corpulente.
Comme l'ont écrit les biographes Judith et Barry Rubin, le
résultat a été qu'Arafat a incarné un mélange de rôles: le combattant, le
patriarche traditionnel et le Palestinien de la rue.
Aux environs de 1960, Arafat a co-fondé le Fath' ou
"conquête", le mouvement politique qui allait devenir plus tard la
faction dominante de l'Olp. En dehors de son objectif d'éliminer Israël de la
scène du Moyen Orient, ce groupe n'avait aucune autre vision politique.
Islamistes, nationalistes, communistes, panarabistes étaient tous les
bienvenus. L'accent était mis sur la nécessité de la violence, car "les
gens ne sont pas attirés par des discours mais par des balles", comme
Arafat aimait à le dire. En 1964, le Fath' a commencé à entraîner des
guerrillas en Syrie et en Algérie.
En 1965, il a lancé la 1ère attaque contre
Israël, dans une pompe à essence, mais la bombe n'a pas explosé; toutes les
autres tentatives ont échoué. C'est alors qu'Arafat tira la leçon de ces
expériences, n'attaquer que des objectifs vulnérables et faciles, des civils.
C'est là que commence l'ère du terrorisme moderne: massacre
de Munich en 1972, meurtre de diplomates américains à Khartoum en 1973, massacre
d'écoliers à Maa'lot en 1974, etc…La renommée politique d'Arafat a suivi
l'ampleur des atrocités commises. Ceci est dû en partie à la lâcheté des
Européens devant une menace qui croit, en partie à une histoire d'amour secrète
entre la gauche occidentale et cet homme authentique dans sa violence. Toujours
est-il qu'en 1980, l'Europe a reconnu l'Olp, comme seul représentant légitime
des Palestiniens, avec Arafat comme leader.
Les Américains se sont abstenus de suivre pendant une
dizaine d'années, mais ont fini par céder à la pression internationale sous
l'administration de Bush père. Pour le peuple palestinien, ce n'était pas
tellement une bonne affaire. Si la violence d'Arafat contre les Israéliens et
les juifs était choquante, celle à l'encontre des Palestiniens était encore
pire.
Comme tous les libérateurs nationalistes qui l'ont précédé
dans le monde, il n'acceptait aucune contradiction dans ses rangs. En 1987 par
exemple, Ali Naji Adhami, un dessinateur humoriste a été assassiné à Londres
dans la rue; son crime était d'avoir insinué dans son dessin que le rais avait
une liaison "avec une femme mariée"…
Une fois au pouvoir à Ramallah, les abus s'accentuèrent. Ses
critiques étaient couramment jetés en prison et même torturés. En 1999,
Moua'wiya al Masri, un membre du Conseil législatif palestinien a donné une
interview à un journal jordanien dénonçant la corruption d'Arafat. Il a été
attaqué par un gang d'hommes masqués qui lui ont tiré dessus par trois fois (il
a survécu)
Malgré cela Arafat a continué à bénéficier d'une bonne
volonté internationale. Les Européens lui ont décerné le prix Nobel de la paix,
l'administration Clinton a vu en lui l'homme qui pouvait entraîner les
Palestiniens à faire la paix avec Israël! Sous la houlette du tandem Rabin-Peres,
le camp de la paix Israélien est entré dans le jeu, pensant que le
"voyou" Arafat allait museler la rue. Celui-ci les mena en bateau
jusqu'au moment où son bluff a été éventé lors de l'offre de paix de Camp David
de juillet 2000, où il a été mis au pied du mur.
Comme il ne pouvait plus jouer les apparences, il en vint à
l'intifada, soulèvement prémédité. Comme il l'avait déjà annoncé à un auditoire
suédois en 1996 "notre objectif reste
l'élimination de l'état d'Israël pour établir un pur état arabe Palestinien.
Nous ferons en sorte que la guerre psychologique et l'explosion démographique
deviennent insupportables aux Israéliens… nous prendrons tout, y compris
Jérusalem!"
Il va sans dire qu'Arafat a échoué dans ses plans sinistres.
Les Israéliens réalisèrent tardivement que le maximum qu'ils pouvaient céder
était bien en dessous du minimum qu'Arafat voulait obtenir et ils ont refusé de
traiter avec lui.
Pour sa part l'administration Bush fils a rompu tout soutien
à cet homme et aujourd'hui on peut aussi diagnostiquer comme cause de sa mort,
la rupture d'une ligne vitale, mort de soif politique.
Qu'est-ce qui reste de tout cela?
Peu, je le crains. Aucun de ses lieutenants ne peut enfiler
son personnage, résultant d'un culte de la personnalité et non d'une vision
politique. Il n'y a plus rien qui puisse unir les Palestiniens entre eux; sans
lui, la loyauté à la cause va s'évaporer. Arafat avait le mérite de maintenir
vivante jusqu'au bout l'illusion qu'il avait créée. Mais maintenant que le
magicien n'est plus sur scène, les chimères s'évanouissent dans les limbes.
Notes de la traduction
(1) fascination de l'Occident européen devant la violence
totalitaire de l'islamisme par exemple aujourd'hui.