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LES INTENTIONS DE L'AUTORITÉ PALESTINIENNE
Par Dr Joel Fishman, membre de Jerusalem Center for Public Affairs
Éditorial paru dans Maqor Rishon du 3 juin 2005
Traduit par Albert Soued, www.chez.com/soued pour www.nuitdorient.com
"Nous vous recommandons particulièrement le livre qui vient de paraître aux éditions de Passy - 71 av Poincaré 75116 Paris- écrit par Joël Fishman et Ephraim Karsh, préfacé par Shmouel Trigano, "la Guerre d'Oslo". Cet ouvrage est un outil incontournable pour comprendre non seulement pourquoi le conflit israélo-arabe dure depuis si longtemps, mais aussi et surtout quels sont les obstacles réels à la paix. "Et si ce que nous savons du processus d'Oslo n'était pas ce qui s'est réellement passé? Et si le discours pléthorique des médias sur le Moyen Orient n'avait fait que tisser un écran opaque occultant les faits?…" - Prix 23e."
Le 26 mai 2005, pour la première depuis qu'il était Président des Etats-Unis, G W Bush a reçu le président de l'Autorité Palestinienne Mahmoud Abbas, lui prodiguant honneurs et reconnaissance publique. En effet le dernier contact à Washington entre les présidents palestinien et américain a eu lieu quand Yasser Arafat a téléphoné à Bill Clinton, à la fin de son second mandat, pour lui présenter ses bons vœux. Clinton lui aurait répondu "Vous m'avez mis dans un joli pétrin, c'est un échec colossal !". Malgré les efforts d'historiens révisionnistes, Clinton faisait allusion au fait qu'Arafat l'a laissé tomber à Camp David, en refusant de mettre un terme à la guerre menée contre Israël et les Juifs. À cette époque, le conseiller de Clinton, Dennis Ross aurait fait la remarque suivante "Arafat devrait voir un psy!" qui démontre qu'aussi bien lui que son chef n'ont pas réussi à comprendre la logique d'Arafat. Plutôt que de parler d'un psy, ils auraient dû s'assurer des véritables intentions du chef Palestinien.
Paraphrasant Robert C Tucker, professeur emeritus de
Princeton, "L'OLP (Organisation de
libération de la Palestine et son successeur, l'Autorité Palestienne, AP) est
un mouvement de masse révolutionnaire qui engendre des régimes à parti
unique". L'OLP a été fondée en 1964, en même temps que les
armées de libération nationale de Colombie et de Bolivie. Il faut savoir que
dans ce type de mouvement, c'est l'appareil qui est crucial et non le chef, malgré
la tradition et le besoin d'un homme fort au Moyen Orient.
Ainsi se demander si Mahmoud Abbas est un chef modéré ou non est peine perdue. À titre d'exemple, Henri Kissinger a précisé que lors de la 2ème guerre mondiale, le conseiller du président Roosevelt, Harry Hopkins, était le premier à préconiser le renforcement des modérés, quand il a exhorté son chef à faire des concessions à Staline, le futur "partenaire de la paix de l'Amérique"! De même, Natan Sharanski a écrit que dans les années 90, l'administration Clinton a montré le même aveuglement lorsqu'elle a voulu "renforcer Arafat". Aujourd'hui l'administration Bush essaie de renforcer Abbas qui a été élu dans des élections où ont dominé l'intimidation, le double vote et la froide indifférence des électeurs.
Pour comprendre le vrai programme de l'AP, nous devons orienter notre attention vers le document fondateur de l'OLP, la charte nationale palestinienne. Des études détaillées des professeurs Efraim Karsh et Yehoshouaa' Porat ont montré que la Charte n'a jamais été abrogée, en dépit du vote à main levée, haut en couleurs et programmé lors de la visite de Bill Clinton à Gaza. L'analyse de la Charte par feu Pr Yehoshefat Harkabi (qui a écrit sur le sujet dans les années 60/70) est toujours effective et aurait pu être écrite hier. Harkabi explique qu'après la foudroyante défaite de la guerre des 6 jours, les Arabes ont changé de thème de propagande, afin de cacher leurs véritables intentions. Quand ils appelaient à "jeter les Juifs à la mer" en 1967, ils laissaient une mauvaise impression sur l'opinion mondiale. Utilisant un langage codé, ils ont commencé à parler de "justice pour le peuple palestinien" pour l'extérieur, tandis qu'en arabe, ils appelaient à la destruction d'Israël et à l'expulsion de ses citoyens. Pour l'essentiel, les exigences de l'OLP/AP sont sans limites et ne peuvent être satisfaites sans le suicide politique d'Israël.
Voici quelques points essentiels de la Charte qu'il faut rappeler aujourd'hui.
- Le judaïsme est une religion et les Juifs ne peuvent s'auto-déterminer sur le plan national
- Les Juifs n'ont pas d'identité religieuse et ne peuvent prétendre à un état national.
Ils ne peuvent pas revendiquer la Terre Sainte
- La destruction complète d'Israël est un préalable à la construction d'un état palestinien démocratique
- Toute solution qui n'implique pas la totale libération du territoire est rejetée. Cet objectif ne peut être atteint politiquement, mais seulement par les armes. Il n'y a aucun compromis sur le déplacement nécessaire des populations juives.
- Les Palestiniens ont le droit à la libération nationale et la guerre contre Israël est légale, alors qu'Israël n'a aucun droit à se défendre.
- La guerre contre Israël est élevée d'un intérêt national purement arabe vers une mission humanitaire universelle. La destruction d'Israël est ainsi associée à une cause de justice internationale et tous les moyens sont justifiés dans ce but.
- Toute amitié d'un pays avec Israël entraîne l'inimitié de l'OLP à son égard.
Harkabi avait tiré plusieurs conclusions à l'époque qui n'ont rien perdu de leur valeur aujourd'hui.
- Colombes et faucons Israéliens feraient une erreur de croire qu'un accord puisse être trouvé par des concessions territoriales.
- Il serait dangereux de parvenir à un accord qui ne soit pas une paix véritable avec tous les Arabes.
- Tout accord politique avec un pays arabe n'entraînant pas un complet changement d'attitude publique envers Israël et de politique intérieure, telle que les incitations à la haine et la diffusion de littérature antisémite, ne peut durer.
- Ce que veulent le plus les Palestiniens et de nombreux pays arabes, c'est un armistice pendant lequel ils peuvent se renforcer, et revendiquer des concessions à Israël qui, sous la pression des grandes puissances, est obligé de céder.
Les Palestiniens et leurs amis occidentaux bien pensant, ainsi que divers gouvernements Israéliens ont joué à ce jeu, essayant de sous-estimer ces différents points qui réapparaissent inéluctablement sous une forme ou une autre. La réincarnation la plus récente, tirée du 1er principe énoncé ci-dessus, le suicide politique d'Israël, est la revendication d'un seul état palestinien, plutôt que deux états.
Les élites israéliennes qui décident n'ont pas compris les véritables intentions des Palestiniens et ont jaugé l'ennemi sur sa capacité militaire seulement. Si cela était vrai, l'ex chef d'état-major "Boogie" Moshé Yaalon aurait résolu le problème depuis longtemps. Mais cela n'est pas le cas et c'est pourquoi la visite d'Abou Mazen à la Maison Blanche est une préoccupation grave pour nous.
Le président Bush espère un accord. Mais il ressort de sa rhétorique qu'il raisonne avec la définition palestinienne de "la paix et la justice", ou du moins qu'il essaie de montrer un certain progrès dans ce cadre. Alors que le Président Bush a demandé la fin de la terreur, en même temps, la possibilité de retrait d'Israël vers les lignes d'armistice de 1949 est apparue dans son programme, ce qui est le signe d'un nouveau développement préoccupant. D'un autre côté, on sait que tout retrait israélien, même vers les lignes d'armistice de 1949, n'entraînera aucune paix avec les Palestiniens. En écoutant les propos de G W Bush, on s'aperçoit qu'il y a un danger que les Etats-Unis soient devenus un médiateur conscient ou non dans la négociation d'un nouvel armistice, pour lequel Israël serait forcé de payer comme si cela était la paix. Le côté palestinien doit encore prouver par des paroles et des gestes qu'il est prêt à faire la paix avec un Israël bien vivant et non en ruines. En agissant en médiateur entre deux parties mises sur le même plan, le président Bush est entrain de pousser vers une situation éminemment instable (car elle ne correspond pas à la réalité du terrain).
Quelles seraient les motivations de G W Bush?
Il y a peut-être des facteurs de long terme, tel que le désir de maintenir de bonnes relations avec le monde arabe, une recherche de faveurs, après l'invasion de l'Irak et le maintien de troupes américaines dans ce pays. De même G W Bush souhaiterait calmer l'Europe occidentale. Par ailleurs les médias ont rapporté que l'Arabie Saoudite presserait les Etats-Unis, par des menaces, les bonnes relations dépendant des progrès faits en faveur des Palestiniens.
Vu la rhétorique choisie par le président américain et les sujets évités lors de la visite d'Abbas, il apparaît ainsi que les Etats-Unis soient arrivés à un tournant politique qui, à long terme, pourrait être hostile et même dangereux pour Israël.