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POURQUOI LES PALESTINIENS NE SE DÉBARRASSENT PAS DU TERRORISME
par Ziad Abou
Amr, Député du Conseil législatif
palestinien.
paru dans la revue AMIN , www.amin.org et traduit
par
le Courrier International du 28/11/2002,
Numero 630
Sans
un changement profond du climat politique palestinien et sans une implication
régionale et internationale, il sera difficile d'arrêter la terreur, constate
le député Ziad Abou Amr.
DE RAMALLAH
Il est clair aujourd'hui que si l'on veut voir le Premier ministre israélien
Ariel Sharon et la coalition de droite perdre le pouvoir, il faut renforcer le
Parti travailliste et lui permettre de remporter les prochaines élections [en
janvier 2003]. Cet objectif ne peut être atteint qu'en retirant des mains de
Sharon la carte "sécuritaire" afin que cette dernière ne soit pas la
pierre angulaire de son discours électoral. La neutralisation de l'argument
sécuritaire pourrait, selon ces mêmes partisans, convaincre non seulement le
Hamas mais aussi les différentes factions palestiniennes qui mènent des
opérations en Israël de conclure une trêve. La table ronde organisée au Caire
du 10 au 13 novembre entre le Fatah [le mouvement de Yasser Arafat] et le Hamas
va dans le même sens. Il n'est pas surprenant que ce type de rencontre ait lieu
après le départ du Parti travailliste du gouvernement de coalition et avant les
élections législatives israéliennes. Les deux principales organisations
palestiniennes ont discuté durant deux jours sans arriver à un accord, car
chacune est restée sur ses positions. Et il n'était pas question pour le Hamas
de faire des concessions gratuites à l'Etat hébreu pas plus qu'à l'Autorité
palestinienne.
Plusieurs hypothèses erronées ont entouré cette mobilisation en faveur du
soutien au Parti travailliste :
1. On a d'abord cru que l'on pouvait soutenir le Parti
travailliste à l'insu de Sharon. Bien conscient que le but de ces discussions
visait à améliorer le score du Parti travailliste, le Premier ministre
israélien s'est empressé d'envoyer une lettre au président égyptien lui
demandant son soutien afin d'entamer des négociations sécuritaires et
politiques avec les Palestiniens.
2. Il serait erroné de croire que le mouvement Hamas préfère le Parti
travailliste au Likoud. En effet, pourquoi le Hamas voudrait-il être partie
prenante d'un arrangement dont l'un des principaux buts est de promouvoir le
Parti travailliste qui, s'il remporte les élections, déploiera tous ses efforts
pour redonner vie et encourager "le processus de paix" basé sur les
accords d'Oslo ? Le Hamas a en effet une position stratégique très claire face
au processus et aux accords de paix. N'oublions pas que ce mouvement a tenté,
et d'une façon flagrante, de le faire capoter. Confronté à l'Autorité palestinienne,
le Hamas, en échange de son arrêt de ses opérations en territoire israélien, a
insisté pour que les responsables palestiniens s'engagent à ne pas poursuivre
ni emprisonner ses activistes et n'organisent pas de saisie d'armes détenues
par ses membres.
3. Il serait faux de penser que l'on va pouvoir neutraliser l'argument
"sécuritaire" dans le discours électoral de Sharon. Supposons que le
Hamas arrête temporairement ses actes terroristes à l'intérieur d'Israël et
continue de viser seulement l'armée et les colons, échappera-t-il pour autant
aux poursuites et aux exécutions menées par l'Etat hébreu ? Et est-ce que
l'Autorité et son président Yasser Arafat sont assurés de ne pas en être tenus
pour responsables par le gouvernement Sharon ? Est-ce que celui-ci
n'organiserait pas pour autant des opérations de représailles ?
4. Il serait illusoire de croire que les Palestiniens peuvent sauver le Parti
travailliste et entamer sa reconstruction. Les voeux pieux ne peuvent remplacer
l'action que le Parti travailliste lui-même devrait exercer pour rassembler
toutes ses forces sur des bases politiques fortes et claires. Une telle
position ne sera sans doute pas suffisante à elle seule pour remporter les
élections, mais elle pourrait permettre à ce parti de gauche de reconstruire
son identité et de se démarquer du Likoud, lui donnant ainsi davantage de
chances de remporter un prochain scrutin.
Mais pour que toute esquisse de dialogue entre le Fatah et le Hamas aboutisse,
il faut que les deux mouvements fassent preuve de volonté politique. Il faut
intégrer aux discussions toutes les autres forces politiques palestiniennes
jusqu'à ce qu'elles conçoivent les avantages qu'il y a à promouvoir un accord
de cessez-le-feu, sans le rendre caduc ni le vider de sa substance par la
suite. Il faut aussi associer d'autres acteurs qui jouent un rôle de médiateur
au conflit, tels que la Syrie, l'Iran, l'Arabie Saoudite et les Etats-Unis,
parce que chacune de ces parties a la capacité d'empêcher ou d'annihiler tout
accord conclu. Enfin, il faudrait que le gouvernement israélien trouve lui
aussi un intérêt à la réussite de telles négociations. Or aucun indicateur ne
laisse présager que l'Etat hébreu soit enthousiasmé par l'aboutissement de tels
pourparlers.
Mais même si ces conditions se remplissent, je doute néanmoins qu'une trêve
effective, même temporaire, ne soit décidée. Je ne suis loin d'être convaincu
qu'un accord temporaire pour l'arrêt des opérations à l'intérieur d'Israël
pourrait se concrétiser durablement sur le terrain alors qu'il n'y a pas de
changement profond dans le climat politique palestinien et dans la plupart des
relations interpalestiniennes. Un tel changement exige une réelle participation
de toutes les tendances palestiniennes dans le processus de prise de décision
pour que tous, sans exception, soient responsables de leurs actes. Mais, sur la
scène palestinienne, rien ne laisse entrevoir une telle évolution.