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LES PALESTINIENS
ET LA SECONDE GUERRE DU LIBAN
Par
Dr Hillel Frisch, enseignant en sciences
politiques à l’Université Bar Ilan et chercheur au BESA Center for Strategic Studies.
Paru dans Perspectives No 24, Begin Sadate
Center for strategic Studies 4 janvier
2007
Titre original : The Palestinians and the Second Lebanese War
Traduction: Objectif-info
Introduction
De
nombreux observateurs ont suggéré que la performance militaire aléatoire
d’Israël dans la seconde guerre du Liban, et l’accroissement de la puissance et
du prestige du Hezbollah qui a suivi, avaient réduit la capacité d’Israël
d’affronter les Palestiniens. Le présent article démontre que ce point de vue
est erroné et expose que l’effet de la guerre du Liban sur la politique de
sécurité d’Israël vis-à-vis des palestiniens a été négligeable.
La
guerre qui vient de s’achever a montré que la tendance à considérer de façon
extensive le conflit, assimilé à un choc de civilisations, est tout à fait
excessive. Les adversaires d’Israël agissent pour l’essentiel indépendamment,
et il en résulte des conflits bilatéraux. On a pu le voir dans la passivité des
Palestiniens au moment où le Hezbollah lançait la guerre du Liban et réciproquement.
Bien qu’il ne soit pas facile pour Israël d’affronter deux conflits de basse
intensité simultanément, l’impact sur son potentiel est limité.
L’impact de la guerre sur les
Palestiniens
Dans
la dernière période les Palestiniens ont reculé de quelques places dans
l’échelle des priorités internationales. Situés au second rang des priorités de
sécurité israéliennes, les Palestiniens sont repoussés à l'arrière-plan par des
conflits régionaux qui font les grands titres à leur place, en particulier ceux
où ils ne sont impliqués. Il s’agit des ambitions nucléaires de l’Iran et de
leurs conséquences sur la nucléarisation de la région, de l’Irak, du Darfour et
plus récemment de la Somalie. C’est ainsi que les Palestiniens font l’amère
expérience d’avoir à combattre Israël presque seuls. On a pu en avoir une
illustration lors de la conférence du président Bush du 1° décembre 2006 sur
l’Irak et la Jordanie, où la question palestinienne a été à peine évoquée.
Pendant
les combats de l’été, s’il n’a pas été relégué à la dernière place, le problème
palestinien a du moins perdu sa position de question numéro 1 de la politique
internationale. La guerre entre Israël et le Hezbollah pourrait être pour les
Palestiniens ce qu’a été la première guerre du Liban pour le pan-arabisme. Tout comme la première guerre du Liban a
confirmé la déclaration de Fouad Ajami sur la fin du pan-arabisme comme projet politique, la seconde guerre du Liban pourrait signer la fin de
l’éventualité d’un État palestinien.
Il
faut se souvenir que les Palestiniens étaient au centre de la première guerre
du Liban. Les Palestiniens affirmaient alors avec beaucoup d’autorité qu’il ne
pourrait pas y avoir de paix au Moyen Orient sans résolution du problème
palestinien. Dans la seconde guerre du Liban, les Palestiniens n’ont joué aucun
rôle. La vérité a été mise en lumière. La stabilité du Liban n’a rien à voir
avec les Palestiniens. Elle tient à la conjugaison de la faiblesse de l’État
central libanais et de la puissance relative d’acteurs extérieurs – la Syrie,
le Liban et Israël – qui exploitent cette vulnérabilité pour faire aboutir
leurs intérêts d’État.
Les relations intérieures
palestiniennes
Non
seulement les Palestiniens ne focalisent plus l’attention du monde, mais leurs
efforts propres pour bâtir un État palestinien ont été affectés par la guerre.
Bien qu’il n’y ait pas de lien entre les conflits palestinien et libanais, les
uns et les autres se trouvent dans des situations politiques similaires. Les deux peuples ne parviennent pas à édifier un État
central après quatre vingt ans d’efforts. Leurs perspectives se sont
même assombries du fait des interférences internationales et régionales.
Les
alignements politiques internationaux renforcent la dissociation du Liban : les
forces du 14 mars se sont alignées sur l’Occident, le parti Amal de Nabih Berri
et les fidèles de Michel Aoun sur l’Iran et le Hezbollah. De la même façon, la
scène palestinienne est de plus en plus déchirée : les forces de sécurité de
Abbas se sont alliées aux États arabes modérés et aux États-Unis, et elles
s’opposent à la coalition du Hamas avec l’Iran et la Syrie. Ces divisions ont
un impact négatif sur les Palestiniens, parce que la domination du Hamas à Gaza
et celle du Fatah de Abbas en Cisjordanie ont des conséquences innombrables.
Les relations régionales palestiniennes
Les
relations entre le Hezbollah et les Palestiniens sont problématiques
principalement à cause de leurs sources de financement. Le Hamas et le Hezbollah se disputent le porte-monnaie iranien.
Ils réalisent l’un et l’autre que les intérêts de l’Iran ne coïncident pas
toujours avec les leurs, et cet écart est encore plus grand pour le Hamas que
pour le Hezbollah.
Dans
sa relation avec l’Iran, le principal problème du Hamas vient de l’Égypte. Pour
les Palestiniens, l’Égypte est l’État arabe le plus important. C’est ainsi que
l’Égypte, acteur pragmatique s’il en est, a fermé les yeux sur la coopération
entre le Hamas et l’Iran, en faisant l’hypothèse que voir couler le sang en
Israël est plus important du point de vue de ses intérêts que la pénétration de
l’influence iranienne sur la scène palestinienne à travers le Hamas ; elle
comptait même, en politique intérieure, sur le poids du Hamas pour contenir les
islamistes locaux, principalement les Frères musulmans. Le Hamas sait qu’il y a
des limites à cette relation qu’il ne peut transgresser qu’à ses risques et
périls. L’Égypte est la condition d’existence de l’aide iranienne. A partir du
moment où l’Égypte se sentirait menacée par cette relation, elle pourrait se
retourner contre le Hamas avec une grande violence.
Depuis
l’établissement du nouveau gouvernement palestinien, la Jordanie a pris une
position intransigeante avec le Hamas, en partie parce que sa relation avec
l’Iran a probablement renforcé sa crainte d’un arc chiite hérétique au Moyen
Orient.
Les
États du Golfe qui abritent des populations chiites – Bahreïn, Koweït et Qatar
– se sont lassés du Hamas après la guerre du Liban. Pour eux, la guerre a
renforcé le Hezbollah chiite. Ce scepticisme est manifeste depuis le début du
gouvernement Hamas. Une étude du Fonds monétaire international sur l’aide et
les transferts en faveur de l’Autorité palestinienne des dernières années
montre que les financements des États arabes sont allés au président Abbas.
L’Arabie Saoudite qui est engagée dans une guerre froide avec l’Iran en Irak,
au Pakistan, et en Afghanistan, est de ce point de vue un acteur
incontournable. Il faut observer que son influence prévisible sur les relations
entre le Hamas et le Golfe n’est que le résultat de la montée du principal
parti chiite lors des récentes élections au Bahreïn.
Un expert israélien a judicieusement noté que les États du Golfe
ont passé une alliance tacite avec Israël dans le but « d’équilibrer » les
menaces iranienne et irakienne. Cette alliance implicite trouvera probablement des raisons
de se renforcer avec la montée de la menace nucléaire iranienne, l’aggravation
des clivages intérieurs entre sunnites et chiites, et la pénétration de
l’influence iranienne sur la scène palestinienne, au grand détriment des
Palestiniens.
Appui moral aux Palestiniens
Les
effets positifs sur le moral des Palestiniens de la résistance du Hezbollah aux
attaques israéliennes pendant plus d’un mois compensent les effets négatifs de
la guerre. Cette petite victoire spirituelle et morale a été largement saluée
par la presse palestinienne, bien que des voix moins bien relayées aient mis en
garde contre la mise en parallèle des deux conflits différents. En dépit de ses
effets psychologiques positifs, la victoire du Hezbollah a été compensée par
les suites politiques de la guerre, en particulier par l’éventualité de
prochaines guerres civiles libanaises et palestiniennes.
La
différence la plus décisive entre les deux conflits est que le Hezbollah
bénéficie du soutien politique et logistique de deux États alors que les
Palestiniens ne tireraient leur épingle du jeu que si une révolution islamiste
triomphait en Égypte. Les responsables politiques israéliens disent que Gaza
est en train de devenir un nouveau Liban et que le Hamas se transforme
militairement en un nouveau Hezbollah. Les experts ont exagéré la menace. De ce
point de vue, l’incapacité de l’Iran à fournir une
aide logistique aux Palestiniens est déterminante.
Les succès israéliens
La
vérité, c’est qu’Israël a trouvé des parades significatives contre les lancers
de Kassam par une combinaison de moyens militaires ;
barrages d’artillerie pour réduire leur précision, incursions aléatoires pour
minimiser le nombre de lancers, et élimination ciblée des techniciens
susceptibles d’améliorer les performances de ces missiles rudimentaires. Avant
le cessez-le-feu, les incursions israéliennes ont été si efficaces que l’armée
était en mesure d’effectuer des arrestations préventives. C’était un début de
reproduction du succès majeur des israéliens dans le combat contre le
soulèvement palestinien en Judée et en Samarie à la suite de l’opération
Bouclier de Défense qui permit des arrestations préventives massives. On ne pas
accuser les Palestiniens d’être à l’origine de la
mauvaise décision du gouvernement israélien qui a proposé un cessez-le-feu au
moment où la campagne contre les Kassam commençait à
enregistrer des succès.
Conclusion
Le
terrorisme palestinien n’est pas un phénomène nouveau. La violence des
Palestiniens et du Hezbollah est indiscutablement un défi pour les responsables
de la politique de sécurité et pour les services qui la mettent en œuvre, mais
le résultat est à peu près le même. Tout comme le terrorisme n’est pas parvenu
dans le passé à empêcher les Juifs sionistes de créer un État et de multiplier
par 10 la population juive, elle n’empêchera pas Israël de poursuivre sa marche
vers la prospérité. Pour les Palestiniens, c’est la
pire des nouvelles. Le fait que leur société soit perpétuellement au bord
de la guerre civile – incapable aussi bien de lancer une guerre efficace que se
s’installer dans la paix – est une seconde mauvaise
nouvelle. Les conséquences de la seconde guerre du Liban font que la
situation ne s’est pas améliorée pour les Palestiniens.