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Il existe une meilleure solution encore que celle qui est présentée
ici, une solution qui évite le déplacement des populations. Transformer la
Cisjordanie en fédération de cantons, ayant des cantons juifs fédérés à Israël
ou sous souveraineté israélienne et des cantons arabes fédérés ou liés de
nouveau à la Jordanie.
A l'issue des événements sanglants à Gaza entre le Hamas et le
Fatah, qui ont débouché sur la séparation de fait de Gaza de l'Autorité
Palestinienne, nous avons entendu un homme de bon sens de la rue à Ramallah
tirer la conclusion en arabe qu'il fallait rattacher à nouveau la Cisjordanie à
la Jordanie et Gaza à l'Egypte.
TROIS ETATS EN
PALESTINE?
Par
Jacob Savage, membre du Centre Shalem à Jérusalem
Paru
dans le Los Angeles Times le 25 Juin 2007
Traduit
par Artus pour www.nuitdorient.com
Séparer
Gaza de la Cisjordanie est plus réaliste sur le plan historique que former une
nation palestinienne unifiée.
La
prise du pouvoir récente à Gaza par le Hamas a révélé de profondes fissures au
sein de la cause palestinienne. Aussi bien les Américains que les Israéliens ou
les Palestiniens, tout le monde voudrait croire que ces divisions sont temporaires,
mais la réalité du terrain n'est pas aussi simple. En grande partie, les
habitants de Gaza et de Cisjordanie sont des populations différents et l'idée
d'une solution à 3 états tiendrait mieux compte de la réalité historique.
Au
début du 19ème siècle, Gaza était dominée culturellement par l'Egypte
voisine. Elle faisait partie de l'Empire Ottoman, mais la plupart de ses
habitants étaient des Egyptiens qui avaient fui l'instabilité politique en
Egypte. D'un autre côté, depuis la naissance du royaume hashémite
de Transjordanie en 1921, la Cisjordanie était culturellement et économiquement
liée à lui. Et contrairement à Gaza, la Cisjordanie a toujours eu une minorité
chrétienne prospère, qui avait une influence modératrice. Depuis la renaissance
de l'état d'Israël en 1948, ces 2 entités vécurent des expériences différentes.
En 1950, la Transjordanie annexa la Cisjordanie, pour devenir la Jordanie et
accorda à ses habitants la citoyenneté, créant une administration et une
infrastructure légale favorisant les liens de cette région avec le reste du
monde arabe.
A
contrario, l'occupation simultanée de Gaza par l'Egypte était bâclée et brutale.
Les habitants de cette entité restèrent sans citoyenneté et ne pouvaient
quitter les lieux. L'Egypte n'a jamais créé une administration locale, et les
Egyptiens ont occupé tous les postes civils et militaires.
Aujourd'hui
encore les économies de ces 2 entités sont totalement déconnectées. Gaza baigne
dans une pauvreté telle qu'elle s'est radicalisée sur le plan religieux et
politique. En 2006, le chômage était supérieur à 35%, comparé aux 18% de la
Cisjordanie. En dehors des subsides étrangers et du parapluie politique de
l'Autorité Palestinienne, il n'y a rien d'autre de commun entre ces 2 entités.
Pourtant
la différence la plus importante concerne la manière dont les réfugiés ont été
intégrés. Plus d'un million de réfugiés et leurs descendants vivent dans la
bande de Gaza, représentant 84% de la population locale et la moitié d'entre
eux vivent encore dans des camps gérés par les Nations Unies. La Cisjordanie a
mieux intégré ses réfugiés sur un territoire plus grand. Les réfugiés ne
représentent plus que 10% de la population locale et un quart d'entre eux
seulement sont encore dans des camps. Plus intégrés sur le plan familial et sur
le plan économique ces réfugiés sont plus ouverts à un éventuel compromis. Il
est concevable ainsi que les Palestiniens de Cisjordanie acceptent de renoncer
au droit au retour contre des concessions territoriales. Ce qui est impensable
de la part des réfugiés de Gaza dont plusieurs générations n'ont eu comme seul
horizon que des camps.
Croire
que les identités nationales sont figées est une fiction du 20ème
siècle. L'identité nationale palestinienne a évolué depuis l'empire ottoman, et
il n'y a aucune raison de croire qu'elle restera gelée. Ainsi les Palestiniens
de Cisjordanie qui ont obtenu une citoyenneté en 1950 se considèrent comme
Jordaniens. Après la Guerre des 6 jours de 1967, ils ont adopté une identité
pan-palestinienne et il a suffi d'une seule génération séparée des institutions
jordaniennes pour qu'il en soit ainsi (1). La division entre Gaza et la
Cisjordanie s'est poursuivie sous tutelle israélienne et toute une génération
d'habitants de Gaza ne connait rien de la Cisjordanie et réciproquement.
A la
lumière du récent schisme entre le Hamas à Gaza et le Farah en Cisjordanie, la
vision d'Arafat d'une Palestine unie est devenue plus lointaine que jamais, et
il est temps de considérer une solution à 3 états.
Dans
cette configuration, Israël pourrait alors traiter Gaza comme un état pariah et répondre librement à ses attaques de missiles Qassam. Israël pourrait attendre que Gaza s'enfonce de plus
en plus dans le chaos et la quarantaine ou qu'un dirigeant plus modéré, mais
improbable, prenne le pouvoir.
Les
Cisjordaniens seraient les premiers à profiter d'un tel arrangement. En effet,
Israël envisage déjà de restituer au Fatah les taxes retenues, soit un demi
milliard $. Une fois détaché de Gaza, les dirigeants en Cisjordanie obtiendront
vraisemblablement l'allègement des postes de contrôles et l'évacuation de
certaines implantations. Selon une logique perverse, même les résidents de Gaza
profiteraient de cette situation, puisque libérés de l'hégémonie du Fatah, ils
pourront pratiquer en toute quiétude la contre-utopie islamiste qu'ils auront
choisie.
Ainsi
la Palestine divisée facilitera en fin de compte une solution temporaire au
conflit, paix entre Israël et la Cisjordanie, lutte sporadique de Gaza avec
Israël. C'est une solution partielle, il faut en convenir, mais meilleure que
le statu quo sans aucune solution.
Note
(1)
Ayant perçu que ses anciens sujets palestiniens ne se sentaient plus jordaniens,
le roi Hussein a renoncé à toute revendication sur la Cisjordanie dès 1988.