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NOUS ASSISTONS A UNE LUTTE SANS MERCI ENTRE
LE HAMAS ET LE FATAH
Par Shalom Harari, un ex-conseiller du Ministère de la Défense, pour les Affaires Palestiniennes, chercheur à l'Institut pour les Affaires Contemporaines de Herzlyah (centre Interdisciplinaire)
Interview parue dans The Jerusalem Report du 23/30 juin 2008
Adaptation d'Artus pour www.nuitdorient.com
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Un an après la prise de pouvoir violente de la bande de Gaza par le groupe islamiste Hamas, celui-ci y est fermement installé, après avoir purgé de ses éléments laïcs les forces de sécurité et les rouages du gouvernement. De plus le Hamas a commencé un processus d'islamisation des médias, des cours de justice, des prisons et des écoles. Avec l'aide de l'Iran, il a construit une force militaire en vue d'une confrontation avec Israël. Mais le Hamas ne navigue pas en eaux calmes, car le peuple de Gaza se plaint des difficultés d'approvisionnement, des prix élevés et du conflit en cours avec Israël. C'est la raison pour laquelle le Hamas s'est empressé d'accepter une "accalmie" (tadiyeh), une sorte de cessez-le-feu. Shalom Harari répond aux questions posées par le Report.
Jerusalem Report (JR): Jusqu'où va le contrôle du Hamas dans la bande de Gaza?
Shalom Harari (SH): le Hamas s'est emparé de l'ensemble de l'Autorité Palestinienne (AP) et de ses forces armées et a reconstruit une armée de 12 000 hommes. Les collaborateurs du Fatah restent chez eux, perçoivent leur salaire, mais n'ont aucune autorité. En fait le Hamas a complètement neutralisé le pouvoir du Fatah à Gaza qui, il y a un an, avait 30 000 hommes brandissant leurs armes automatiques.
JR: Et les autres milices?
SH: Là le Hamas a été moins efficace. Ainsi le puissant clan Doghmoush a une armée privée qui porte le nom de "Armée de l'Islam", possédant 2000 Kalashnikov. Chacun des autres partis politiques a sa propre milice et jusqu'à ce jour le Hamas n'a rien pu faire. En fait, il a surtout visé le Fatah, ignorant les autres milices.
JR: Jusqu'où va l'islamisation de la société civile ?
SH: Le Hamas s'est emparé de tous les rouages de l'administration qui sont en rapport avec la population. Il a mis au pas les médias, au point où personne n'ose publier la moindre critique. Il a pratiquement bouclé le journal du Fatah "al Ayyam"(Les Jours), empêchant sa distribution depuis 2,5 mois. La population a peur, les hommes laissant pousser leur barbe et les femmes portant le voile, pour se protéger.
JR: Comment le public réagit-il ?
SH: Les gens se plaignent de la vie dure et accusent le Hamas de faillir à ses promesses électorales, qui étaient "islah' watariyeh", réforme et changement. Faisant un jeu de mots, les gens disent aujourd'hui qu'ils ont obtenu plutôt "slah watadmir", armes et destruction. Ce qui fait empirer la situation, c'est que les prix ont grimpé du fait du siège israélien. Un paquet correct de cigarettes est vendu 20$, venant de la contrebande à travers les tunnels souterrains. Il y a pénurie d'essence et les gens utilisent l'huile de friture comme carburant, polluant l'air qui devient nauséabond.
JR: Quel effet le conflit avec Israël a-t-il sur la population de Gaza?
SH: Les gens ont peur des tirs ciblés. Malgré que les tirs soient de plus en plus précis, avec le minimum de dommages collatéraux (1), la population subit le vacarme. Le Hamas et les autres milices perdent environ 4 personnes/jour, avec de très nombreux blessés qui pèsent sur les hôpitaux.
JR: Quelles seraient les conséquences d'élections libres aujourd'hui?
SH: Si la population est vraiment libre et n'est pas terrorisée, je crois que le Hamas perdrait la moitié des suffrages passant d'un taux de 70% à 35%, à égalité alors avec le Fatah.
JR: Le Hamas sent-il qu'il est en danger de perdre le pouvoir?
SH: Non! Il a les armes et il se sent très fort, mais il est en porte-à-faux avec la population, et c'est la raison pour laquelle, il a recherché ardemment un cessez-le-feu temporaire.
JR: A quel niveau l'Iran intervient-il ?
SH: depuis son conflit avec le Fatah, l'Iran est devenu l'allié objectif du Hamas sur le plan stratégique. L'Iran finance le Hamas et lui donne 200 millions $/an en aide et en armes. Il entraîne ses forces armées et le forme sur le plan du Renseignement et de l'usage de missiles sophistiqués contre les chars et les avions. L'Iran lui apprend comment construire des fortifications souterraines, comme il l'a fait pour le Hezbollah au Liban. Pour faire court, l'Iran "hezbollise" la bande de Gaza, ayant déjà fait le 1/3 du travail.
JR: Comme certains le suggèrent, Israël peu-il mener une incursion terrestre pour éliminer le Hamas?
SH: C'est une question politique et économique plutôt que militaire et cela dépend du temps qu'on est prêt à y consacrer, car nous devons faire appel aux réservistes. C'est une opération réalisable.
JR: Inversement, si Israël devait quitter la Cisjordanie, est-ce que le Hamas y est suffisamment fort pour renverser le Fatah là aussi?
SH: Non ce n'est pas comparable à Gaza. Mais à terme le Hamas pourra y prendre le contrôle. On parle de semaines ou de mois; pour moi ce sera plus long mais le Hamas pourra y parvenir car Mahmoud Abbas n'a pas réussi à former une force armée fiable.
JR: Comment les choses vont-elles évoluer?
SH: Nous assistons à une lutte sans merci entre le Hamas et le Fatah pour le contrôle de la future OLP, comme seul représentant du peuple palestinien. Le Hamas parle de l'OLP3, celle d'Ahmed Shouqeiri ayant été l'OLP1, celle d'Arafat l'OLP2.
JR: Quelles sont les conséquences pour le conflit israélo-palestinien?
SH: Cela signifie qu'Israël n'a pas de partenaire palestinien pour un accord de paix. (2)
Notes de www.nuitdorient.com
(1) les dégâts collatéraux sont passés de 1 mort civil pour 1 cible abattue à 1 pour 14, grâce aux moyens techniques mis en place et surtout au Renseignement.
(2) tant que le Hamas ne reconnaîtra pas l'existence d'Israël comme état souverain dans la région….
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