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LES FINANCES DE L'AUTORITÉ PALESTINIENNE


par Albert Capino,
Tiré de Forbes Magazine©, Jerusalem Post© et Miami Herald©
16 août 2003

1ère partie: comment on fait les meilleures confitures dans les vieux pots.

D'un côté, Yasser Arafat, 6ème  fortune mondiale des têtes couronnées (1), gérant une fortune personnelle évaluée à 1,4 milliards de dollars, bâtie sur des détournements allant depuis le racket de pays pétroliers, ponctions sur les taxes reversées par les autorités israéliennes (30 millions $/mois), jusqu'aux fonds de l'aide internationale:
- 375 millions de dollars versés par le gouvernement américain au cours de ces deux dernières années, destinés aux associations des Nations Unies et aux organismes d'aide sociale pour les Palestiniens ;
- 1 milliard de dollars versés par la Ligue Arabe depuis 2000 ;
- 1.3 milliards de dollars de dons privés l'an dernier ;
- 1.5 milliards de dollars de l'Union Européenne depuis 1993.

Ces fonds totalisent la plus grosse contribution per capita pour une même destination depuis la Seconde Guerre Mondiale, selon la Banque Mondiale (2).

De l'autre côté, un rapport constate que l'Autorité palestinienne fait face à des problèmes environnementaux qui risquent de se muer en catastrophe écologique, bien au-delà de ses frontières : « Pas de traitement des eaux usées, pas de ramassage des détritus, rien n'est fait pour sauvegarder l'environnement. Les usines de traitement des eaux usées construites sur le territoire de l'AP sont mal conçues et incapables de traiter la quantité d'eau nécessaire. Les égouts se déversent directement dans les fleuves, les
nappes phréatiques sont mises en danger pas l'infiltration des eaux polluées et des ordures ménagères qui ne sont pas ramassées. »
La pollution risque de s'accroître très rapidement si rien n'est fait a l'intérieur des territoires placés sous la gestion de l'AP. Avant même la seconde Intifada (bientôt trois ans), « seulement un quart de la population palestinienne était desservie par un système de ramassage d'ordures, le reste de la population utilisait des décharges sauvages » indique une étude de l'Université de Haïfa. « À l'intérieur des territoires, la situation est encore plus préoccupante, mais comme personne n'ose vraiment s'introduire dans les camps et dans les retranchements, cela laisse à penser que ce n'est que la partie visible de l'iceberg »
L'élaboration d'un système d'épuration ne reviendrait pourtant qu'à environ 300
millions de dollars sur 5 ans, soit même pas un quart des dons privés l'année dernière.

Manque de moyens ? Faute à « l'occupation » ? Pot de terre contre pot de fer ? Plutôt pots-de-vin !

En réalité, le financement n'est pas le problème. C'est une question d'assainissement de la « classe politique ». Elle seule pourrait aboutir à un assainissement écologique, indispensable et urgent. Une belle occasion pour nos députés « Verts » d'éteindre un incendie écologique qui menace sous leurs yeux. Mais plutôt que de jouer les pompiers, nos écologistes-pyromanes préfèrent la polémique idéologique et « mettre le feu » devant les médias en exigeant la « libre circulation du leader palestinien démocratiquement élu confiné dans sa résidence de Ramallah ». L'Union Européenne, que le député François Zimeray a convaincu de constituer une commission d'enquête, a dépêché sur place un audit, dont les inspecteurs ont découvert que « 20 millions de dollars destinés aux logements sociaux de Gaza ont été détournés vers la construction d'un complexe d'appartements luxueux destinés aux membres du gouvernement ».

Avec un total évalué aujourd'hui à 30 milliards de dollars répartis à l'étranger sur des comptes bancaires, investis dans l'immobilier ou dans l'achat d'armes destinées aux milices privées, jusqu'aux fermes modèles en Grande Bretagne ou des industries électroniques en Amérique du Nord, sans parler des luxueuses villas sur place destinées aux « membres du gouvernement », l'Autorité palestinienne ne manque certes pas de ressources. Une enquête du Financial World datant de 1989 avait déjà mis en évidence cette fuite crapuleuse de capitaux, chiffrant à 18 milliards de dollars le total des investissements intérêts cumulés de l'OLP à l'étranger depuis sa création, en 1964.

Il existe bien sûr un « plan B », prévu de longue date pour le cas où le pot aux roses serait découvert: plutôt que d'admettre qu'ils géraient ces avoirs pour leur propre compte, Yasser Arafat et son frère, le Dr. Fathi Arafat, président d'honneur du Croissant Rouge palestinien et co-signataire sur les comptes privés à l'étranger, mettraient une partie de leur pactole à disposition de la population, des grands projets, de la santé, de l'éducation, des infrastructures civiles. Ils balaieraient ainsi les accusations de détournements criminels. Cela leur permettrait même d'obtenir bonne presse auprès de la communauté internationale et de couper l'herbe sous les pieds de leurs détracteurs, en déclarant que tous ces investissements n'auraient été en réalité effectués que pour sauvegarder l'avenir du futur Etat palestinien et servir à la construction de sa société civile.

On se prendrait presque à y rêver. Seulement, cela fait 39 ans que cette monstrueuse gabegie arrose la suite d'Arafat et fait grossir chaque jour son enrichissement personnel sans qu'on ne voie le plan B venir...
Plus encore, l'application de ce plan B aboutirait à la paix. Ceux des cadres palestiniens qui bénéficient des largesses issues de l'argent détourné verraient alors leurs ressources illicites supprimées. Nombreux sont ceux parmi eux qui voudraient donc faire capoter les négociations en cours et balancent dans ce but des pavés dans la mare absents de la feuille de route, comme Nabil Chaath qui remettait hier sur le tapis la question des
réfugiés.

2ème partie: la pompe à fric compromet la paix

Aucune mafia, aucun souverain corrompu, aucun tyran n'a jamais bénéficié dans l'histoire dune impunité comparable à celle d'Arafat.

Pourquoi ?  Tout simplement parce que la plupart des personnes ou organisations nommées jusqu'à présent pour enquêter sur les finances de l'OLP puis de l'AP ont une pierre dans leur jardin et ne sont pas vraiment pressées de voir leurs petits trafics déballés sur la place publique.  Le seul souvenir qui subsiste d'Elliott Ness et de ses           « Incorruptibles » semble être un feuilleton poussiéreux tourné en noir et blanc dans les
années 60 à Hollywood... "L'argent n'est pas la question", a affirmé, dégoûté, un avocat palestinien; "ce sont nos leaders qui se croient au-dessus de la loi, en bafouant le système". (3)

Mais alors, quid de « l'occupation ? l'humiliation ? les camps de réfugiés?

la pauvreté... » ?  On nous aurait menti ? Soyons sérieux : tous ces éléments quotidiennement médiatisés ne font que servir de prétexte à l'état d'indigence et de cruelle misère dans lesquelles une caste de privilégiés, créée à l'aide de fonds détournés, maintient tout un peuple depuis tant d'années.  Une partie de ces sommes sert à dédommager les familles de ceux qui se font sauter parmi les civils israéliens, ou encore à organiser des manifestations de rue, telles que celles qu'on nous montre régulièrement dans les médias (4).  Quand on a faim et qu'on a une nombreuse famille à nourrir, les dollars distribués pour sacrifier un fils ou crier sa haine d'Israël et des Etats-Unis devant les caméras sont les bienvenus...

L'Union Européenne doit remettre les conclusions de son enquête en décembre prochain.  Arafat a plus à craindre des résultats de la commission que des chars de Tsahal. Une course contre la montre est désormais engagée. « Mieux vaut une mule qui boîte qu'un cheval mort » dit un proverbe indien. Mahmoud Abbas a jusqu'à la fin de l'année pour faire ses preuves et reprendre les rênes.  Difficile quand on sait que le principal « conseiller » et porteur de valises d'Arafat, Nabil Abou Rdainah, veille au grain et guigne la succession du « Raïs » vieillissant. Il est omniprésent, depuis la déclaration qui faisait suite aux attentats du 11 septembre.  Membre du comité exécutif de l'OLP, proche conseiller d'Arafat, Nabil Abou Rdainah est devenu, imperceptiblement, inéluctablement, une des figures de proue de l'Autorité palestinienne.  Il participe à toutes les réunions importantes, révise tous les discours, définit la ligne et rattrape Arafat à chaque fois que celui-ci trébuche verbalement.  Mieux : on a l'impression qu'il susurre à l'oreille du leader à moitié gâteux ce qu'il a à dire.
Récemment, c'est lui qui a annoncé les réserves du vieux à quitter Ramallah, autorisé à aller se recueillir sur la tombe de sa soeur enterrée à Gaza, mais préférant y renoncer tant que la communauté internationale ne garantirait pas son retour.  Un malin Rdainah!  Il tente de cette façon d'exploiter le quartet pour obtenir un retour d'influence de la sphère Arafat dont il fait partie sur la scène internationale et affaiblir ainsi Mahmoud Abbas...

Une lutte sans merci a commencé pour le pouvoir, avec des sommes colossales à la clef. Salaam Fayyad, Ministre des Finances palestinien et proche d'Arafat,  a consolidé les finances de l'AP de manière à ce quelles soient entièrement sous son contrôle.  En février dernier, il a fait établir un premier rapport annuel, sous la supervision de Standard & Poors, sur dix des affaires que possède l'AP, alors contrôlées par Arafat.  Fayyad a réuni celles-ci et d'autres intérêts dans un FCP (fonds commun de placement),
intitulé « Palestine Investment Fund », dont il est le Président et Mohammed Rashid      « conseiller financier » d'Arafat - le gestionnaire. (5)

Le fonds comprend une participation de 23% dans le casino de Jéricho (évalué à 28,5 millions de dollars), 20% dune compagnie de télécoms tunisienne (50 millions de dollars), 13 comptes affichant un crédit estimé à 73 millions de dollars, ainsi qu'une firme valant 55 millions de dollars, contrôlant les achats de la plupart du ciment importé dans les territoires: l'Intifada fait ainsi gagner de l'argent grâce à la reconstruction...  Il n'y a décidément pas de petits profits !
À la demande de Fayyad, Standard & Poors évalue à présent la cinquantaine d'autres avoirs faisant partie du fonds, comprenant aussi un monopole sur les carburants, réputé produire un bénéfice net d'un million de dollars par mois. Pour avoir une idée de la valeur des revenus issus du pétrole, les taxes à elles seules on rapporté 500 millions de dollars entre 1996 et 2000, toutes sommes versées sur un compte particulier géré par Arafat et Rashid.
Tout cela a donné à Arafat par le passé la latitude de créer un secteur public pour son usage privé, constitué de 125.000 personnes, consommant pour 660 millions de dollars, soit la moitié du budget annuel de l'AP.  Cela comprend 240 millions pour financer une force de sécurité forte de 53.000 agents, membres du Fatah pour la plupart, parti d'Arafat qui recevait aussi une « redevance » de 1,5%.

Du passé, tout cela ?  Voire: Fayyad déclare faire tout son possible pour remplacer les paiements en espèces et créer des pièces comptables de manière à gêner les cadres qui se sucreraient un peu trop.  Mais les chefs de la Sécurité s'y opposent vigoureusement et freinent ces réformes des quatre fers.  En dépit de tous ces efforts, Arafat continue à tenir des cordons de la bourse.  Le budget de son Cabinet pour cette année est de 74 millions de dollars, bien que Fayyad soit prompt à ajouter qu'il sera étroitement surveillé par un officiel du Ministère des finances et des comptables engagés à cet effet.

De récents mouvements indiquent toutefois qu'Arafat accélère les transferts bancaires à l'étranger. Serait-ce en vue de préparer un exil prochain dont il ferait porter la responsabilité aux Israéliens ?  Fort possible... Pour ceux qui s'étonnent à quel point Arafat a la « baraka » et des moyens engagés de toutes parts pour le garder en vie, un membre du Conseil Législatif Palestinien, Azmi Shuaibi, apporte une explication, limpide: "Nous craignons que si quelque chose devait arriver à Arafat, nous risquerions de perdre la trace d'où l'argent se trouve."
Fayyad, diplômé de l'Université du Texas, manie en expert la « pompe à fric » servant à alimenter les fonds de l'Autorité palestinienne. Une pompe qui aspire par un tuyau ce quelle injecte dans un autre grâce aux nombreux programmes, aides, associations, contributions et dons, censés soutenir les Palestiniens.  Le système des vases communicants en quelque sorte.

Oui mais voilà : manque de pot pour « la Palestine d'en bas », les vases ne communiquent pas en dehors des apparatchiks de l'Autorité palestinienne.  Jusqu'à présent, on n'y applique qu'une seule règle : le vase clos (5).

(1) source : le très officiel palmarès du magazine « Forbes©» à la rubrique : « rois, reines et despotes »
(2) source : The Miami Herald©, enquête sur les finances palestiniennes, 25 juillet 2003
(3) source  Jerusalem Post©
(4) Show time : des personnes aussi différentes que Fidel Castro, « Carlos » Illitch Ramirez Sanchez, Arafat ou encore José Bové ont su sinspirer à merveille d'enseignements dispensés jadis à l'Université marxiste Patrice Lumumba à Moscou.  Ils se sont tous bâti une « légende » sur mesure, fabriquée de toutes pièces, basée sur la manipulation du public par les médias à la recherche constante d'images fortes.  Arafat, lui, la fait pour son plus grand profit personnel.
(5) C'est Mohammed Rashid qui a acquis sous le nom de Khaled Salam, sur ordre d'Arafat, 14 % des actions dune société de ciment jordanienne, pour le compte de la PSCS (société palestinienne de commerce extérieur), en vue d'accroître le bénéfice des investissements d'Arafat à l'étranger, compte tenu de l'augmentation du prix du ciment suite à la demande croissante pour la reconstruction dans les territoires, notamment en raison de l'Intifada.  La transaction dont le modèle fut largement utilisé au Liban -
a été réalisée par l'intermédiaire de son directeur de cabinet au Caire, Ramzi Khouri et du frère de Rashid, homme d'affaires influent dans le Golfe, en mai 2002 (selon un rapport publié au Koweït en juin 2002). Une procédure de surveillance de L'Office Of Foreign Assets Control, spécialement créée pour bloquer les avoirs suspects est actuellement en cours aux Etats Unis.
(5) Je remercie en particulier Nathan Vardi de Forbes Magazine© et Ike Seamans
du Miami Herald© pour le précieux éclairage qu'ils apportent sur la recette des confitures et autres vases communicants...