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ÉCONOMIES DU MOYEN-ORIENT
Par Katy Bisraor info@promo.co.il
-13 octobre 2003
"Pour une Meilleure Gouvernance au Moyen-Orient et en Afrique du
Nord": le rapport exceptionnel que vient de publier la Banque mondiale sur
le thème de la gouvernance dans la région MENA ( Moyen-Orient et Afrique du
Nord ) provoque des remous dans le monde arabe. Réalisé par une équipe qui
comprend aussi des chercheurs et des universitaires arabes, il signale en effet
que les lacunes dans l'art et les techniques de gouverner sont telles qu'elles
expliquent les retards des sociétés, des peuples et des économies arabes.
La gouvernance ou l'art de
gouverner
Exercice de l'autorité au nom de la population, la gouvernance devient une
" bonne gouvernance " lorsque l'exercice de cette autorité permet de
respecter l'intégrité des droits et des besoins de tous au sein d'un état.
Les relations de bonne gouvernance peuvent être analysées à travers un prisme
reposant sur deux valeurs universelles particulièrement pertinentes pour la
région MENA: l'inclusivité et la responsabilisation.
La gouvernance doit donc être basée sur des rapports d'égalité et de respect,
et aussi créer des mécanismes qui permettent de définir et protéger les droits
élémentaires des hommes.
Au Moyen-Orient et en Afrique
du Nord, la qualité de la gouvernance est une des plus faibles au monde
Utilisant des paramètres identiques à ceux d'études sur la gouvernance
réalisées sur d'autres continents, le rapport conclut que la région MENA
affiche un retard évident en matière de gouvernance comparé à toutes les autres
régions du monde, y compris au continent africain – ce qui explique les retards
dans le développement économique, social et humain du Moyen-Orient et de
l'Afrique du nord.
Les lacunes dans les droits
accordés au citoyen
Les droits élémentaires, indications d'une gouvernance de qualité, sont au
Moyen-Orient et en Afrique du Nord peu respectés : la tolérance entre
individus, le traitement des citoyens par les gouvernants, l'égalité devant la
loi, l'absence de discrimination, l'octroi d'opportunités égales, sur toutes
ces valeurs, la région obtient les notes les plus faibles au monde. Népotisme,
affinités tribales, favoritisme, argent déterminent qui bénéficiera des
services publics.
La liberté de la presse reste limitée. Si les chaînes de télévision par
satellite permettent une circulation de l'information au-delà des frontières et
une certaine liberté de ton, les journalistes en place au Moyen-Orient sont
parfois harcelés et arrêtés. Selon les rédacteurs du rapport, la guerre contre
le terrorisme, qui s'est intensifiée depuis le 11 septembre 2001, est la
nouvelle excuse utilisée par les dirigeants pour resserrer les contrôles.
Un service public médiocre et
souvent " malhonnête "
Certes il y a des succès notables. Ainsi dans le domaine de l'éducation, à
Oman, le taux de scolarisation en primaire est passé de 3 % dans les années 70
à 72 % en 2000. Dans les services de santé libanais, si les enfants de moins de
12 ans n'étaient pas vaccinés contre la diphtérie, la coqueluche et le tétanos
en 1980, ils étaient, en 1993, 93% à l'être. En Tunisie, en 1990, une personne
sur dix seulement bénéficiait d'une ligne téléphonique ; aujourd'hui, on
compte une ligne pour cinq personnes.
Progrès importants mais insuffisants. Le phénomène est plus grave en milieu
rural qui dispose encore moins de services publics et où l'analphabétisme est
le plus élevé au monde. Au Maroc, presque deux hommes sur cinq et plus de trois
femmes sur cinq sont analphabètes, ce qui place le pays au même plan que des
pays plus pauvres comme le Mozambique ou le Pakistan.
De plus, ce service public est peu honnête et la notion d'éthique peu connue
parmi les fonctionnaires qui ne sont pas engagés dans des notions d'intérêt
public.
Une transparence limitée et
hésitante des gouvernements
Sur cette question aussi, le fossé entre la région MENA et le reste du monde
est profond. Les gouvernements ne rendent pas de comptes à leurs citoyens.
Certes il y a des tentatives intéressantes. Ainsi, l'Iran publie la totalité de
son budget national et transmet ses débats parlementaires à la télévision.
D'autres pays de la région commencent à faire de même. Mais il s'agit encore
d'exceptions. En Égypte, le budget n'est ni publié, ni discuté en dehors du
parlement.
La mauvaise gouvernance
entrave la vitalité du monde des affaires
Dans la plupart des pays de la région MENA, cette situation rend difficile la
conduite des affaires. Ainsi, en Jordanie, un investisseur potentiel désirant
immatriculer une nouvelle entreprise doit attendre trois mois et souvent plus.
Délais qui augmentent le coût et le risque pour l'entreprise et qui, à terme,
réduisent les nouveaux investissements.
Une faiblesse de la
gouvernance qui engendre un retard social et économique
Le rapport prend à titre d'exemple le drame de la mortalité infantile. En
Égypte, elle atteint 69%, bien plus qu'en Indonésie (42%) - pays qui pourtant
ne dispose que de la moitié du revenu par habitant de l'Égypte. Même les
Émirats arabes unis, l'un des pays les plus riches de la région, connaissent un
taux de 8%, correspondant à celui de la Hongrie et de la Malaisie.
Depuis les années 80, la moyenne annuelle de la croissance économique par habitant dans la région MENA est de 0.9 % inférieure à l'Afrique Subsaharienne et la productivité est en chute depuis trois décennies. Des simulations réalisées par les experts de la Banque montrent que si les pays du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord, avaient pu atteindre une qualité moyenne d'administration du secteur public, leurs taux de croissance auraient été plus élevés, de près de 1% !