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NE ME PARLEZ PAS DE LA BONNE CONDUITE D'UN DICTATEUR!

 

Par Amir Taheri, écrivain et éditeur de Politique Internationale- Paris

Article paru dans le Jerusalem Post du 26 décembre 2003.

Traduit par Albert Soued, écrivain, www.chez.com/soued

 

N'ayant pas encore le temps de digérer les images de l'examen dentaire d'un Saddam Hussein, le Moyen Orient est déjà bombardé avec d'autres images montrant la blancheur des dents de Moammar Kadhafi, dans un grand sourire.

Dans une pirouette osée, le dictateur Libyen, responsable des attentats terroristes les plus troubles, se transforme soudain en un chef d'état ayant "une vision et un courage" débordants…

Qu'a donc le colonel pour gagner cette place au soleil? Il a annoncé qu'il était prêt à se débarrasser de ses armes de destruction massive, qu'il a toujours nié avoir. Il n'est pas difficile de savoir pourquoi certains sont prompts à considérer cette volte-face de Kadhafi comme un grand événement.

Le président Bush pourrait l'utiliser comme un exemple pour les autres états-voyous pour s'amender. De plus, cela ne ferait pas de mal dans une année de réélection. Il en est de même pour Tony Blair, le coup du Libyen pourrait diviser les nostalgiques de Saddam Hussein dans son propre parti et ainsi lever la pression sur lui.

 

Depuis la libération de l'Irak, le coup du Libyen est le dernier d'une série venant des despotes moyen orientaux. Le mois dernier, les dirigeants khomeinistes d'Iran ont annoncé l'"interruption temporaire" de leur programme d'armes nucléaires, qu'ils avaient pourtant toujours nié. Un peu plus tard, on annonce que la Syrie avait fermé les bureaux des organisations terroristes, qui, officiellement, n'ont jamais existé. Puis nous avons vu la junte militaire soudanaise signer un accord pour mettre fin à la guerre civile et faire beaucoup de tam-tam à propos d'élections libres. Cela signifie-t-il pour autant que ces régimes despotiques ou terroristes sont prêts à changer de stratégie? Non bien sûr!

Le faire effectivement équivaudrait pour eux à un suicide. Car ces régimes sont terroristes par nature. Leur recherche d'armes de destruction massive n'est pas une question de choix mais de nécessité. Les relations extérieures de tels régimes sont le reflet de la politique intérieure: on ne peut pas être fasciste chez soi et démocrate dans les relations avec l'étranger. Ces régimes se sont imposés par la force et se sont maintenus au pouvoir par un mélange de mensonges, de corruption et de banditisme.

 

Ayant écrasé toute opposition interne, ils savent que la seule menace pour eux ne peut provenir que de l'étranger. Et par conséquent ils recherchent par les armes de destruction massive un moyen de dissuasion contre des ennemis réels ou imaginaires.

Les pays voyous du Moyen Orient se comportent comme tous les voyous: battre en retraite devant un danger imminent et se préparer pour le prochain coup contre l'ennemi.

 

N'oublions pas qu'Hitler avait signé une "feuille de route" à Munich, mais il n'a jamais abandonné sa stratégie de conquête du monde. Les soviétiques ont joué aussi la détente avec une certaine élégance, mais ils ont continué la politique du goulag chez eux et celle du soutien de la terreur à l'extérieur. Saddam Hussein a signé un cessez-le-feu en 1991, acceptant même 18 résolutions de l'Onu; mais cela a-t-il changé la nature de son régime? Plus récemment encore, Israël a conclu un accord avec Yasser Arafat, pensant que ce qui comptait c'était le comportement, et non la nature profonde de son organisation. Le résultat a été que plus d'Israéliens sont morts depuis qu'Arafat a reçu son prix Nobel qu'à aucune autre époque comparable.

 

L'approche comportementale se justifie plus dans la psychothérapie d'un individu. On peut rééduquer un criminel, en domptant sa nature et en le réhabilitant dans la société. Or cela ne s'applique pas à des régimes politiques. Certains pourront être choqués, mais la réalité est que des régimes politiques sont pervers par nature et que tout changement de comportement de leur part n'est que tactique opportune et temporaire. Les régimes non démocratiques voient les démocraties comme des sources de tentation pour leurs populations opprimées, et par conséquent, des menaces pour eux-mêmes.

 

Dans deux discours successifs à Washington et à Londres, le président Bush avait raison d'insister sur le fait que la source du mal au Moyen Orient était l'absence de démo-cratie. Il ne faut pas que son message soit atténué par les mouvements de pirouette de régimes voyous tels que celui de Kadhafi.

 

Dans le passé, les Américains ont été amenés à se concentrer uniquement sur l'attitude de régimes voyous et non sur leur profonde nature, pour des raisons tactiques, notamment pendant la Guerre froide. Ainsi Lyndon Johnson n'a-t-il pas coopéré avec le dictateur Somoza du Nicaragua, qu'il appelait "notre fils de pute", simplement pour contrer le communisme en Amérique centrale. L'objectif doit toujours être le changement de régime et non pas le changement d'attitude.

 

L'an dernier, Jacques Chirac a lancé une action politique secrète ayant pour but de transformer Saddam Hussein en "notre fils de pute". Dans ce marché, Chirac contribuait à ce que Saddam reste au pouvoir, mais il devait obéir aux ordres. Saddam a fini par doubler Chirac, cherchant un compromis direct avec les Etats-Unis qui ont eu la sagesse de refuser l'offre. Ils reconnaissaient ainsi que le problème n'était pas comment ce dictateur se comportait à un moment donné, mais la nature de son régime.

Cela ne signifie pas que les démocraties doivent envahir les pays totalitaires pour les amener à changer leur voie. Cela signifie seulement qu'on ne devrait pas s'ébahir devant des comportements de volte-face momentanée, finalement sans importance, comme les manoeuvres libyennes et celles d'autres états voyous.

À l'opposé de ce que disait Jack Straw, le ministre anglais des affaires étrangères, la Libye n'est pas encore sortie du "froid": elle en sortira quand elle libèrera ses prisonniers politiques, quand elle autorisera les partis politiques, organisera des élections libres et laissera le peuple choisir son gouvernement.

 

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