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Les ressources perdues du Moyen
Orient – Mélancolie arabe à Oxford
liberté,
démocratie, modernisme, progrès économique et social
Par Mai Yamani,
chercheur à l'Institut Royal des Affaires Internationales de Londres
Article paru dans
l'International Herald Tribune, le 2 septembre 2004.
Traduit par Albert
Soued, www.chez.com/soued -
Samedi dernier, cent
des meilleurs cerveaux du monde arabe se sont réunis pour se lamenter de l'état
des dirigeants du Moyen Orient, unis devant une réalité dévastatrice: il
n'était possible à aucun d'eux de rentrer dans son pays natal pour y trouver du
travail.
Pire, la majeure
partie d'entre eux ne pouvaient tout simplement rentrer chez eux, légalement ou
non. D'où cette mélancolie et la revendication de la nécessité de réformes au
Moyen Orient, en attendant les effets de la pression exercée par Washington sur
les gouvernements arabes.
Ces gens ne sont pas
un groupe d'islamistes cherchant à imposer des "fatwas lancinantes"
ou à éliminer des régimes en déclin. Ce sont plutôt des universitaires libéraux
et des hommes et femmes d'affaires exilés du fait de leur foi dans un univers
juste et démocratique et pas pour des velléités révolutionnaires. La plupart
d'entre eux vivent aujourd'hui en Europe, portant sur leurs épaules le poids
d'un passé douloureux en Arabie, en Syrie, au Soudan, en Tunisie…. On a tiré
sur certains, d'autres ont été emprisonnés, intimidés ou harcelés. Ensemble,
ils forment l'image des ressources perdues d'un
monde arabe englué dans
l'ignorance, l'illettrisme et la répression.
Pendant les 14
dernières années, les membres de ce groupe appelé "projet pour des études
démocratiques dans les pays arabes" se sont réunis calmement à
l'Université d'Oxford pour débattre de ce qui n'est pas admis en discussion
publique dans leur pays natal et même au Liban ou en Jordanie, considérés comme
plus libéraux. Comme le disait un participant "cette réunion n'aurait
pas été possible dans aucun pays arabe!…"
Alors que les
nouvelles tournaient autour de l'Irak, d'al Qaeda, des Palestiniens, les orateurs
insistaient sur les faiblesses structurelles des régimes arabes, leur
despotisme, leur corruption et l'interférence excessive des gouvernements dans
la vie privée des gens ordinaires.
Un médecin vivant en
Allemagne précise "nous débattions des réformes bien avant que les
Etats-Unis ne commencent à en parler et nous continueront à en débattre bien
après que les Américains, las, n'aient cessé de le faire". Ceci en
contraste avec l'attitude habituelle des élites ou des médias arabes qui
attribuent leurs échecs aux autres et attendent des autres le rétablissement de
la situation. Ces délégués à Oxford pensent que les Arabes eux-mêmes doivent
créer les institutions et les structures dans leur société qui les mèneront
vers un avenir meilleur.
Ils insistent que ce
qui manque c'est une série d'organisations civiles pour garantir et surveiller
l'application de la loi, des droits de l'homme et de l'éducation, et assurer la
diversité ethnique et religieuse.
Dans les sociétés
arabes, une information véridique et accessible au public sur les
disfonctionnements est pratiquement inexistante. L'ignorance n'est plus une
bénédiction, elle entraîne la stagnation, voire la paralysie.
Plus déroutant, ne
trouvant pas d'opportunité de s'exprimer dans des forums démocratiques ou dans
des organisations publiques ouvertes, une nouvelle génération se jette dans des
bras dangereux, comme exutoires à ses passions. Un chercheur Saoudien dans une
université anglaise précise "il est plus facile pour un jeune arabe de
se faire sauter, que de nettoyer autour de sa maison, car il ne sent pas qu'il
appartient à quoique ce soit".
Un des obstacles les
plus sérieux à la réforme est l'interprétation de l'Islam. Les dogmes religieux
sont utilisés à tort et à travers dans le monde arabe comme couverture ou
excuse pour la coercition. Comme il n'y a pas d'autorité religieuse centrale,
chaque régime se sent libre de manipuler l'Ecriture comme bon lui semble,
justifiant ainsi ses excès les plus grotesques. Comment peut-on expliquer
autrement l'interdiction en Arabie Saoudite d'offrir des fleurs à la St
Valentin et aux femmes de conduire ?
D'après ce groupe
d'Oxford, la seule solution est de redéfinir les relations entre la religion et
la politique, un bon nettoyage devant être effectué par des institutions
civiles à créer.
Oxford est un
endroit idéal pour rêver, mais ce groupe ne s'est pas réuni dans ce but. Il est
venu pour exercer son droit fondamental à s'exprimer librement, en dehors de
toute surveillance ou intimidation. Ce groupe n'est pas connu en Occident parce
qu'il n'est ni terroriste ni ne vend du pétrole. Mais le monde arabe ne pourra
faire le saut en avant sans le concours de telles gens; que la communauté
internationale se mobilise pour leur retour au pays !
Note du traducteur:
ces gens pourront continuer à deviser entre eux pendant des années sans fin, à
moins qu'ils ne puissent rentrer chez eux prêcher la bonne parole avec des
moyens conséquents. Ce qui reste un…rêve d'Oxford. Et puis rentreront-ils
effectivement chez eux, le moment venu, après avoir goûter aux délices de la
démocratie en Occident?
L'Occident draine
toutes les élites sensées des pays arabes et elles font souche dans leur pays
d'accueil, perdant contact avec le gouffre où succombe leur pays d'origine. Il
faudrait de formidables motivations et secousses pour qu'elles aillent
démocratiser leur pays d'origine, voir l'Irak.