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LA BATAILLE POUR LE MOYEN ORIENT
Par Barry Rubin, directeur de
Gloria (Global research in international affairs) au Centre Interdisciplinaire
(IDC) de Hertzlyah
Paru dans le Jerusalem Post
du 28 décembre 2004
Traduit par Albert Soued – www.chez.com/soued
Le développement politique le
plus important de 2004 aura été selon moi l'éclosion d'un mouvement réformiste
dans le monde arabe. On peut dire aujourd'hui qu'une bataille fait rage au sein
du monde arabe dont l'enjeu est d'une importance capitale pour le monde dans
son ensemble. La lutte entre les forces de la démocratie et du despotisme,
entre celles de la modernité et de la stagnation n'est pas très différente des
luttes titanesques qui ont secoué la terre et modelé la vie des hommes
ailleurs.
Mais la lutte actuelle au
Moyen Orient est spécifique et se distingue par bien des aspects.
Cette bataille est certes le
résultat d'une évolution globale qui dure depuis des siècles et elle se
caractérise par le recul de la religion, l'industrialisation, la démocratie,
l'urbanisation, la globalisation et par tous les changements historiques qui
ont forgé ce qu'on appelle "la vie
moderne", partout dans le monde. En fait il ne reste plus pratiquement que
le Moyen Orient à transformer.
Dans chaque pays, la question
s'est posée de savoir quelle société ou quel régime allait prévaloir. Dans
chaque continent, on s'est posé la question de savoir de quel pays particulier
allait naître l'idéologie ou le chef qui allait dominer la région, voire le
monde.
Ainsi par exemple en Europe,
les affres politiques, sociales, idéologiques des 19/20ème siècles
ont donné naissance à des vagues qui ont déferlé avec violence sur toute la
planète. Il a fallu trois guerres mondiales, y compris la guerre froide, le
fascisme, le communisme pour parvenir à définir comment les gens voulaient
vivre leur vie.
Les événements du 11/09/01 et
les 3 guerres d'Irak ne sont que des clapotis à côté des convulsions qu'a
connues l'Europe. Mais la bataille pour savoir quel système politique et quelle
idéologie vont dominer au Moyen Orient vient de commencer et elle sera
probablement le drame central de notre époque. À long terme, il est inévitable
que les tendances socio-politiques qui ont prévalu en Europe triompheront
également dans cette région; sans que l'on sache combien de décennies cela
prendrait et combien de victimes y périront pour y arriver.
Le présumé inévitable
vainqueur de cette bataille, le
libéralisme arabe, est encore très faible.
Pour le nouvelliste Syrien Amar AbdelHamid qui a lancé le "Projet
Thawra" (révolution), l'un des principaux sites Internet réformateurs, le
mouvement est pris en tenaille entre de puissants régimes autocratiques et des
religieux extrémistes de plus en plus populaires. "Les Arabes libéraux sont assiégés
et ils se battent pour garder leur dernier carré de valeurs libérales; nous ne
sommes qu'une très faible minorité pour le moment" dit un membre du mouvement.
Pourtant ce mouvement n'est
pas simplement constitué de quelques intellectuels vivant en Occident et
prêchant à partir de là. Il a une base populaire et militante, qui n'existait
pas auparavant.
Certains Arabes doutent des
véritables intentions et du sérieux des initiatives internationales pour les
réformer, mais ils s'aperçoivent aussi que leur gouvernement rejette clairement
toute réforme. Cependant il n'existe nulle part encore dans le monde arabe un
chef ou un mouvement capable de mobiliser la foule. Il est possible qu'une
majorité silencieuse d'Arabes et de Musulmans désire sincèrement la démocratie
et une société moderne, mais elle ne le manifeste pas. Le maximum atteint par
les libéraux a été de réunir des conférences d'où sont issues des manifestes en
faveur de la réforme.
Au Caire en 2004,
l'Organisation des droits humains et l'Institut d'études des droits de l'homme
ont réussi à réunir 100 participants de 15 pays arabes. Ils ont pu s'exprimer
librement et ont conclu que "les initiatives occidentales pouvaient constituer une
base de partenariat". Le chroniqueur koweitien Ahmad al Roubel a déclaré "les réformes ne sont pas un vice mais une vertu; sans
elles cette région va exploser et fera exposer le monde entier avec elle!"
De l'autre côté, leurs rivaux
islamistes et nationalistes contrôlent une armée de militants qui façonnent les
événements. Des décennies d'éducation et de réflexion sont nécessaires pour
former un esprit libéral, alors qu'il suffit de quelques slogans faciles pour
rassembler des foules violentes. Il est patent que de plus en plus de jeunes se
dirigent vers un Islam plus extrême que celui de leurs aînés.
En dépit des attentes et des
espoirs de l'Occident vis à vis des voix qui s'expriment avec courage au Moyen
Orient, il y a encore un énorme fossé entre croire qu'une démocratie libérale
est un meilleur système politique et voir son triomphe prochain assuré. La
seule question qu'on peut se poser est de savoir pourquoi il est si difficile
d'obtenir un important soutien populaire pour la liberté et la modération. On
vous répond qu'au fond d'elles mêmes les masses soutiennent les libéraux, "mais en secret"… "Nous sommes peu nombreux", dit l'Égyptien Saad el Din Ibrahim, "pas par manque de citoyens
désirant un régime libéral, mais parce que la peur les empêche d'exprimer
publiquement leurs aspirations" (1)
Il y a une part de vérité
dans cette réponse, mais la peur n'est pas le seul motif. Les Arabes libéraux
se trouvent face à des forces contraires concurrentes, riches et persuasives,
celles du nationalisme et de l'Islamisme extrême.
(1) note du
traducteur: en effet depuis un demi-siècle le pays est quadrillé par les
services spéciaux d'information appelé "moukhabarat" (cf Allemagne de
l'Est, Urss.. ont été les écoles des dirigeants égyptiens pendant longtemps)